7 ans de Boni Yayi : un régime riche en concepts et champion des incantations politiques

En sept ans de pouvoir et à trois ans de la fin de son dernier mandat à la tête du Bénin, Boni Yayi aura permis aux Béninois de «découvrir» une pléthore d’expressions et de concepts. Changement, Emergence, Refondation… C’est la saga des concepts et des incantations politiques. Il en a vraiment «vendu»!

Publicité

« Ça peut changer, ça va changer, ça doit changer.» C’est avec ce slogan, que Boni Yayi, venu fraichement de la présidence de la Banque ouest-africaine de développement (Boad), s’est fait élire Président de la République du Bénin en 2006, avec 75% des suffrages exprimés au second tour. Ce slogan reprend en fait le concept du Changement que son régime va s’assigner comme mission de vulgariser. A ce concept de Changement, vont se succéder une pléiade de nouveaux concepts, au fur et à mesure que son mandat suit son cours.

Ce concept du Changement, qui a eu écho dans l’opinion, impliquait en fait la rupture avec les méthodes de gouvernance et de gestion des affaires publiques qui ont caractérisé le Bénin pendant les régimes précédents. Comme exemple, la petite et la grande corruption, le retard et l’absentéisme au poste pour les fonctionnaires de l’Etat. On en a pour preuve les différentes descentes inopinées entreprises par le Chef de l’Etat dans certaines structures de l’Etat, pour voir si les fonctionnaires étaient à l’heure, et ses premières actions de lutte contre la corruption, avec les audits des ministères (jamais publiés) et la fameuse marche verte de 2007. Sans oublier les nombreuses campagnes de sensibilisation. Dans son discours d’investiture (lire l’intégralité du discours dans ce dossier) Boni Yayi parle lui-même de «son» Changement en ces termes : «Chaque Béninois doit opérer sa propre mutation pour favoriser la mutation collective. Souvenons-nous de la sage maxime : «Le changement n’adviendra pas dans la cité … s’il ne s’est opéré d’abord en vous. Si vous voulez changer l’avenir, changez vous-mêmes. Changeons donc d’esprit et de méthode. Privilégions désormais l’intérêt de tous, pour garantir les chances personnelles et individuelles, car c’est ensemble que nous gagnerons.»

Lire tous les articles du Dossier spécial 7ans de Boni Yayi

Refondons pour mieux changer

Ce «Changement» est nécessaire, selon les discours politiques, pour faire du Bénin un «pays émergent.» L’Emergence est un autre concept qu’a découvert le Béninois lambda avec l’avènement du régime Yayi. Il voulait «faire du Bénin le Singapour d’Afrique», avec une croissance à deux chiffres. Le «Changement» a aussi donné naissance à la «Prospérité partagée.» Il s’agit ici de permettre à tous les Béninois de profiter, de manière équitable, au partage des richesses du pays. On retiendra donc que le régime Yayi a prôné le «Changement» en vue de faire du Bénin un pays «émergent» et dans un esprit de «prospérité partagée». Le pays était loin de ce compte, le 05 avril 2011 à minuit, où prenait fin ce premier mandat de cinq ans du Docteur Thomas Boni Yayi.

Publicité

Le Changement a échoué. Pour preuve, à la fin du premier quinquennat de Boni Yayi, le Bénin était loin, très loin, de l’émergence. On s’est rendu compte que la révolution verte, la croissance économique à deux chiffres, la prospérité partagée, l’efficacité, la lutte contre la corruption… étaient des incantations de politiciens pour dompter la conscience collective béninoise qui voulait entendre un nouveau discours, autre que ceux auxquels l’a habituée la classe politique. 

Le «Changement» et ses produits dérivés étant périmés, il fallait pour les stratèges du régime, inventer un nouveau concept à vendre aux populations, pour assurer la réélection de Yayi pour un second et dernier mandat. Et voilà la «Refondation».

Au départ, ce concept avec lequel Boni Yayi a été réélu, en mars 2011, et sous le signe duquel il a placé son second mandat, paraissait floue et moins clair que le Changement en 2006. La définition du concept variait d’un acteur politique à un autre. Profondes réformes économiques, politiques et sociales; révision de la Constitution pour la création d’une nouvelle République; retour à «nos valeurs» morales, éthiques, religieuses et républicaines ; correction du Changement; approfondissement du Changement, sont, entre autres, les contenus donnés à ce nouveau concept de la refondation.

Nouvelle République

Dans son discours de candidature du 29 janvier 2011, au stade de l’amitié de Kouhounou, (lire ce discours dans ce dossier), Boni Yayi présente sa vision sur le contenu de la Refondation.

«Le prochain mandat sera véritablement celui des grandes réformes que je souhaite mettre en route au cours des douze premiers mois, pour engager la transformation politique, sociale et économique du Bénin. Elles porteront notamment sur la Constitution, le système partisan, notamment la charte des partis, le financement des partis, le statut de l’opposition ; elles porteront également sur le mode de gouvernance ainsi que sur la décentralisation et la déconcentration.»

Il se fait encore plus clair, un peu plus loin dans le discours : «Ma vision appelle la refondation de la République sur laquelle j’engagerai de grandes réflexions avec toutes les composantes de la Nation, une Nouvelle République dans laquelle les pouvoirs s’équilibrent et les institutions convergent dans leurs efforts vers la satisfaction des besoins essentiels du peuple. Cette Nouvelle République qui opte de façon déterminée pour la prospérité, l’émergence économique et le perfectionnement intellectuel et moral de ses fils. Ma conviction est que la Nouvelle République fera germer la Nation émergente qui constitue notre rêve. Car, il s’agit de l’approfondissement du processus du changement que nous avons déclenché en 2006.»

Faire le bonheur des Béninois contre leur gré

La Refondation est tombée en panne, moins d’un an après son lancement. Pour cause de méthodologie inadéquate, les premiers chantiers de réformes (Pvi-ng, révision de la Constitution) ont, très tôt, eu du plomb dans les ailes. On en était là, dans cette atmosphère d’échec de la mise en œuvre du Pvi-ng et de la révision «non consensuelle» et «opportuniste» de la Constitution, quand Boni Yayi lança en juillet 2012, depuis un champ de coton dans le Septentrion, son recours à la «Dictature du développement.» Cela consisterait, selon son propre commentaire, à faire le bonheur des populations contre leur gré. «Certains peuvent l’appeler la dictature. Mais c’est la dictature du bonheur. Je ferai leur bonheur à leur place», avait déclaré le Chef de l’Etat, ajoutant que la démocratie n’est pas facile. Et c’est sans doute parce qu’il trouve difficile la démocratie, qu’il a jeté un autre pavé dans la marre avec sa «Démocratie nescafé». S’adressant, en début Octobre 2011, aux douaniers qui s’opposaient à la proposition de loi devant leur enlever le droit de grève, Boni Yayi avait qualifié notre démocratie de «démocratie nescafé». «Cette démocratie, c’est une démocratie Nescafé, chargée de désordre et d’anarchie, qu’on est en train de mener. On n’ira jamais à la prospérité si nous ne changeons pas de chemin. Il faut que nous changions de chemin, mes chers amis. Je m’adresse à vous, je m’adresse à la République», haranguait Yayi.

Pour les trois ans à venir, il faudra s’attendre, sans doute, à d’autres concepts. Le 06 avril 2016, quand Boni Yayi quittera le Pouvoir, il laissera sans doute aux Béninois, un répertoire assez riche de concepts : Changement, Emergence, Prospérité partagée, Refondation, Démocratie nescafé, Dictature de développement… C’était là la danse des concepts de Yayi.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Publicité