Benin: La démocratie en danger!

Si vous voulez savoir pourquoi le Bénin tangue depuis Avril 2006, tel un navire ayant perdu la boussole en haute mer, vous avez la réponse à votre interrogation.  

Publicité

Depuis le vote de la loi portant prorogation du mandat des élus locaux par la représentation nationale, ceux qui doutaient encore qu’en Avril 2006 le peuple béninois s’est mis la corde au cou, peuvent s’en convaincre.

La démocratie béninoise dans l’étau de la ruse et de la tricherie politiques

En ce siècle de mondialisation des principes de gouvernance démocratique, la conduite des affaires d’un Etat relève d’un art, d’une science. Et c’est ce qu’on appelle la politique, c’est-à-dire l’art de gouverner la cité. Il est donc inutile de chercher à tricher ou de continuer à le faire. Aujourd’hui, la gouvernance d’un pays obéit à des principes de transparence, de sorte que les faits et gestes des gouvernants sont faciles à lire, à interpréter et à comprendre.  Seuls ceux qui choisissent de ne rien comprendre peuvent continuer à nier l’évidence.

 Ce qui se passe au Bénin depuis quelques années, est la résultante d’un phénomène banal qui se manifeste malheureusement, grandeur nature, parce que c’est au sommet de l’Etat. Qu’un individu s’investisse dans la ruse et la tricherie passe encore, car les conséquences seront à sa propre dimension et ne dépasseront guère les frontières de sa famille et de ses proches.  Mais qu’au sommet de l’Etat la ruse et la tricherie politiques pour poursuivre la médiocrité soient érigées en principes, est renversant, parce que les conséquences sont dévastatrices pour l’avenir de notre pays. On ne le soulignera jamais assez, notre pays souffre depuis Avril 2006 et le peuple avec. Avons-nous choisi la démocratie en Décembre 1990 pour voir, quelques années plus tard, tous nos acquis jetés par dessus bord ?  Avons-nous été le point de mire de toute l’Afrique et de la communauté internationale en Février 1990, pour être rattrapés, une vingtaine d’années seulement plus tard, par le déni de démocratie, alors que l’option pour la démocratie a été le résultat principal de la rencontre inédite appelée Conférence Nationale?

La ruse et la médiocrité nous étouffent

Oui, une vingtaine d’années seulement après la trouvaille d’Aledjo, nous voici pris en étau, entre la ruse et la tricherie, par un groupe d’hommes qui travaillent constamment pour élaborer des idées dignes d’un autre âge, l’âge où certains dirigeants avaient recours à des procédés machiavéliques pour écarter des affaires de l’Etat, une partie de leur peuple dont ils ont en réalité une peur panique. C’est la peur de l’ignorance et de l’obscurité devant la lumière. Mais, comme on le sait, c’est le jour qui est plus long que la nuit, jamais l’inverse. Ceux qui sont au laboratoire pour échafauder les idéologies dont nous voyons les manifestations tous les jours dans notre administration publique, ne perdent rien à se rendre compte bientôt que, bâtir une nation et conduire le peuple au développement, sont des tâches plus nobles que les petits calculs régionalistes et de chapelle, auxquels ils s’adonnent depuis quelques années.

Publicité

L’environnement de ruse et de médiocrité qui est ainsi crée, étouffe les Béninois. Aucune solution satisfaisante n’est trouvée aux nombreux maux qui assaillent les populations confrontées à la faim et à l’insécurité. On étouffe sous un régime de démission qui vient de déléguer ses charges aux soi-disant comités locaux de sécurité, alors que notre petit pays dispose de cadres compétents pour penser sa stratégie sécuritaire. Paradoxe saisissant, plus on augmente l’effectif des forces de l’ordre, plus on assiste à la montée de la criminalité dans notre pays.  Le vers est dans le fruit et nous étouffons. Nous en parlerons jusqu’à la libération totale du peuple du joug de la médiocrité, de l’incompétence et de la ruse politique.

Le musèlement de la presse: La Nouvelle Tribune, nouvelle cible?

La nouvelle cible des prédateurs de la liberté d’expression et de presse, c’est La Nouvelle Tribune.  Non contents d’usiter l’Ortb au service exclusif de sa propagande improductive, et de contraindre la seule chaine privée qui tenait encore le débat, contre une affaire de 8 milliards de francs Cfa, le pouvoir et ses sbires sont aux trousses du seul organe de presse dont tout Béninois digne de ce nom peut encore se sentir fier.  Mais, tous les citoyens épris de liberté, de justice et de progrès de notre pays, doivent se dresser comme un seul homme contre cette tentative d’intimidation d’un autre âge, qui n’est que l’illustration du refus de la contradiction, abonnés qu’ils sont à la pensée unique, génératrice de médiocrité.  Béninois de l’intérieur comme de la diaspora, nous devons nous tenir prêts à soutenir La Nouvelle Tribune et ses promoteurs dans cette nième tentative de bâillonnement de la pensée et de l’expression libres, quand toutes les méthodes classiques de corruption ont échoué.  Citadelle imprenable dans nos cœurs et dans nos têtes, La Nouvelle Tribune et ses Responsables doivent se sentir fiers d’accomplir, la tête haute, la mission qui sied à tout organe de presse, à savoir promouvoir et défendre la démocratie.

Le temps n’est-il pas loin où les Béninois ont suivi des débats contradictoires sur la chaine dite des grands évènements ?  Que nous rapportent les reportages ennuyeux de visites du Chef de l’Etat ou d’audiences au Palais, ressassés à longueur de journée?  Que rapportent à l’économie nationale les reportages interminables sur les marches de soutien ou les séances de prières ? La médiocrité a un prix et c’est cela que nous payons aujourd’hui, car qui sème le vent récolte la tempête, mais force doit rester au respect de la liberté.

Le trio penseur qui détruit notre pays

Les artisans de cette politique incongrue qui conduit notre pays et sa démocratie à l’abattoir ne sont autres que ceux-là mêmes qui, sous le PRPB, ont arpenté les couloirs du parti unique et du régime de privation des libertés. Ils sont une poignée d’individus assignés à la tâche de penser pour concocter des textes ou concevoir des idées au service de la destruction du bien commun que constitue notre démocratie. Ils sont les idéologues du système en place, comme l’ont été pour la révolution certaines personnalités qui sont encore vivantes, à la seule nuance que nous étions dans un contexte de parti unique. Ils sont bien connus pour leur position dogmatique dictée par le réflexe d’utiliser les combinaisons politiques et ce que notre société a produits de jeunes désœuvrés stipendies, pour  répandre dans la population, l’idée que tout va bien et que ce sont les autres qui empêchent les choses d’aller mieux. Je ne les citerai pas ici, car ce serait leur faire trop d’honneur. Mais on les voit dans leurs basses œuvres pour concocter des textes qui plombent l’élan démocratique de notre pays et les aspirations du peuple à la liberté et au progrès. C’est ce trio, véritable poison à l’unité nationale, qui est au chevet de notre démocratie agonisante, pour lui asséner le coup de grâce.

Pendant que l’un d’eux embouche la trompette de la division en semant la haine par des propos anachroniques dont se  nourrissent visiblement de nombreuses actions publiques, les deux autres sont passés maîtres dans les propositions de lois liberticides et anti-démocratiques.  C’est le cas des lois antigrèves pour le corps des paramilitaires. C’est aussi le cas de la loi qui vient d’être adoptée pour proroger, sans date limite, le mandat des élus locaux. Que veulent les députés qui ont accordé leur voix à une telle loi ?  Est-ce là une avancée de notre démocratie ? La loi qui vient d’être votée n’est rien d’autre que la résultante d’une stratégie qui consiste, pour leurs auteurs, à porter de l’eau pour le gouvernement dans une entreprise de ruse, revêtue de la légitimité que leur confère la constitution, l’exécutif lui-même ayant conscience du caractère totalement anti-démocratique d’une telle initiative. Nous attendons les autres épisodes du feuilleton qui est en cours avec le vote de cette loi.

La Lépi : un serpent de mer

Si la Lépi se révèle être un véritable serpent de mer, sa correction, on le voit bien, relève du mythe de Sisyphe. Nous n’avons pas la mémoire courte pour oublier dans quelles conditions la Lépi a été réalisée, au pas de charge et au forceps en 2010-2011.  Une grande partie du corps social avait appelé à remettre la balle à terre pour corriger le tir et redresser ce qui pouvait l’être.  L’Union fait la Nation avait alterné marches de protestation, communiqués, audiences au Chef de l’Etat, pour réclamer que le processus de la Lépi se conduise de façon consensuelle.  Rien n’y fit.  Pourquoi s’est-on empressé, hier, pour réaliser la Lépi, et aujourd’hui vouloir se donner tout le temps pour sa correction, au risque de mettre les échéances électorales entre parenthèses ? Que cache cette entreprise, si ce n’est la ruse et la tricherie et au-delà, l’instrumentalisation des Béninois comme des demeurés ? Nous ne le sommes pas !

Le pouvoir exécutif est aussi resté dans sa posture de ruse, face à l’appel de nombreux citoyens et groupes sociopolitiques à faire l’audit de la Lépi. En lieu et la place, on a  assisté à une mission d’évaluation de la Lépi par un groupe d’experts mandaté par l’Organisation Intergouvernementale de la Francophonie. On se souvient des publications d’articles dans la presse par Monsieur Clotaire Olihidé sur la démarche à suivre pour une Lépi utile au processus de renforcement du système  démocratique au Benin.  D’autres personnalités et structures, comme Madame Célestine Zannou et le Front Citoyen pour la Sauvegarde des Acquis Démocratiques, ont fait des propositions concrètes pour permettre à notre pays de disposer d’un fichier acceptable par tous. A toutes ces propositions de citoyens pourtant soucieux du renforcement de la démocratie et du raffermissement de la paix dans notre pays, c’est à un silence assourdissant que nous avons eu droit.

Le Gouvernement,  l’Assemblée Nationale et les autres institutions concernées par le processus démocratique, sont tous complices d’une situation de déni de démocratie dans laquelle les mêmes artisans de la ruse et de la tricherie imposent leur loi, une loi qui ouvre la porte à plus d’interrogations qu’elle ne résout de problèmes. Quelle est l’intention des députés qui ont voté une loi qui ne fixe aucune limite à la prolongation des mandats des élus locaux, violant ainsi les dispositions de la Constitution du 11 Décembre 1990 qui a prévu une échéance précise pour chaque élection? On se souvient encore qu’en Février 2011, le porte parole de la campagne du candidat Boni Yayi insistait sur le respect stricte de la date précise de la tenue du scrutin présidentiel avec  une Lépi qui a exclu des centaines de milliers de Béninois, avant que le candidat lui-même ne vienne  présenter des excuses plates aux laissés-pour-compte de la fameuse Lépi.

Un pays qui marche sur la tête

Voici un pays où on est toujours surpris par les échéances électorales.  Même avant l’avènement du régime dit du changement, le Bénin a toujours abordé les questions électorales avec beaucoup de retard, ce qui dénote de la légèreté avec laquelle la classe politique et les institutions abordent les élections dont on sait qu’elles sont pourtant génératrices de troubles, en cas de contestations. Aussi, le vote des lois électorales et la mise en place de la Cena ont-ils toujours fait l’objet de tensions, de tractations inutiles et à quelques semaines des scrutins.  Jamais la Cena n’a été installée six mois avant les élections, comme souhaité et consacré dans les différents textes.  Sous le régime actuel, la chose s’est empirée, parce que la ruse et la volonté permanente de fraude s’y sont mêlées. L’option claire qui est faite, c’est même d’ignorer les échéances électorales et de chercher à opérer des combines dont les motivations sont très loin des aspirations des populations.  Depuis Avril 2006, toutes les élections, sauf les législatives de 2007, ont connu un report.  Personne ne peut expliquer les raisons pour lesquelles ce que nous avons réussi à faire avant 2006, devient difficile voire impossible depuis 2006.

Notre pays  marche sur la tête depuis Avril 2006 et l’histoire retiendra ces hommes comme de véritables bourreaux de notre démocratie. Leur commanditaire aussi!

Coffi Adandozan
Economiste-Planificateur
Lille, France 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Publicité