Révision de la Constitution du 11 Décembre 1990 : quelle urgence et pour quoi faire?

Apres quelques mois d’accalmie, la question de la révision de la Constitution du 11 Décembre 1990 refait surface dans le débat politique national.  Telle une Epée de Damoclès, cette révision pend sur la tête des Béninois. Le Chef de l’Etat vient encore de relancer le débat au détour d’un discours.

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Je ne connais pas les objectifs du Colloque International sur les 20 ans de la Cour Constitutionnelle du Bénin. Mais, je pense que réfléchir autour d’une institution aussi importante que celle-là est certainement un exercice intellectuel qui vaut son pesant d’or.  Le plus important étant les recommandations qui en sont issues et l’usage que l’on en fait.  Mais là n’est pas ma préoccupation. Je réagis aux propos du Chef de l’Etat, parce que c’est lui qui gouverne notre pays jusqu’au 6 Avril 2016 et en cette qualité, et en règle générale, nous nous devons d’être attentifs à tous les messages qu’il nous envoie, en tant que citoyens.

Réviser une Constitution n’est pas une finalité

Il semble que nos dirigeants ne dorment plus. Ils ne savent plus à quels saints se vouer.  Le discours du Chef de l’Etat relançant le chantier de la révision de notre loi fondamentale en est une illustration.  Autre illustration, c’est le report sine die des élections municipales, communales et locales, consacré par la loi récemment votée par le parlement et portant prolongation du mandat des élus locaux.  On a envie de se demander qu’est-ce qui fait courir nos dirigeants?

Voici un pays où le Président de la République ne respecte pas la Constitution mais est plutôt prompt à demander sa révision. C’est une évidence que, quand vous n’utilisez pas un bien à sa juste valeur, il est ridicule de vouloir le changer, surtout qu’il s’agit d’un bien commun dont l’usage constitue un facteur de paix, de stabilité sociale et de progrès.  En revenant de façon incessante sur la révision de la constitution, nos dirigeants donnent l’impression d’avoir un agenda caché.  Car, en réalité, qu’est-ce que la Constitution, dans sa version actuelle, empêche le Chef de l’Etat et son Gouvernement de faire, dans l’intérêt du peuple?  En quoi la constitution nous empêche-t-il d’atteindre la croissance à deux chiffres promise aux Béninois? Et que vient chercher la révision de la constitution dans la conduite parfaite des chantiers que nous avons nous-mêmes initiés?

A lire : Le débat sur la révision de la constitution refait surface

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On évoque l’introduction dans la constitution de la CENA, de la Cour des Comptes et que sais-je encore?  Ce n’est pas en étant dans la constitution que ces institutions vont donner la pleine mesure de leur efficacité, mais c’est surtout ce que l’on leur fera faire.  Et aujourd’hui la CENA, dans sa version actuelle et même future, ainsi que la Cour des Comptes, telle qu’utilisée, notamment la Cour Suprême qui l’abrite, apparaissent comme des institutions sous contrôle exclusif de l’Exécutif, alors qu’elles sont supposées être autonomes.

Ce n’est pas en étant inclues dans la constitution, demain avec la manière dont les désignations sont faites, la politisation à outrance ainsi que le clientélisme qui entoure ces désignations, que ces institutions apporteront aux Béninois, les réponses à leurs nombreuses préoccupations.

Consensus ou pas, le ver est dans le fruit

Avec la boulimie actuelle du pouvoir qu’on note au sommet de l’Etat, une révision qu’on affable du mot “magique” de consensuelle ne peut être qu’une ruse de plus.  Car, pourquoi a-t-on refusé une LEPI consensuelle en 2010-2011, alors qu’on sait que le consensus est la force d’une démocratie naissante comme celle du Bénin?  Pourquoi aussitôt le second quinquennat empoché, on s’est rué sur la Constitution, sous prétexte d’engager des  réformes au nom des Béninois, tout en refusant de les associer. D’où vient aujourd’hui qu’on parle de consensus?  Veut-on tendre un piège aux Béninois? La réalité est que le temps passé, nous nous rapprochons progressivement et inéluctablement de 2016, et le pouvoir en place cherche toujours une stratégie pour garantir sa survie au-delà de 2016.  Comme je l’indiquais dans mon précédent article, rien n’est caché dans le monde d’aujourd’hui. Tout se voit, tout se perçoit et tout s’analyse aisément, et comprendront les manèges ceux qui veulent.

Divergence de priorités

A la lumière de ce qui se passe, on se rend compte que les Béninois et leurs dirigeants n’ont toujours pas les mêmes priorités, surtout en ces temps de morosité économique, d’insécurité et d’incertitude de la jeunesse par rapport à son avenir et à l’avenir du pays.  Est-ce vraiment une priorité, aujourd’hui, de continuer à parler de la révision de la Constitution? L’échec de la gouvernance est total, pour ceux d’entre nous qui veulent être objectifs et honnêtes.  Ce ne sont pas les projets d’infrastructures mal réalisés et les éléphants blancs qui vont combler les attentes des Béninois.  Au contraire, les projets du genre de celui de la construction du siège de l’Assemblée Nationale, avec toute la fumée noire qui s’en dégage aujourd’hui, constituent des motifs d’inquiétude autant que les déclarations du Chef de l’Etat lui-même d’abandonner ce chantier, laissant les Béninois perplexes, avec beaucoup d’indignation et de révolte, tant la pauvreté se répand dans notre pays.  C’est du jamais vu et c’est presqu’une offense à notre pauvre pays et son peuple, qui aspirent à une autre gouvernance.

Oui, les priorités de nos dirigeants sont ailleurs.  Non contents de dilapider nos ressources pour satisfaire leur propension à la mal-gouvernance et à la gabegie, ils veulent violenter la constitution et la tailler à leur mesure.  Et c’est cela qu’il faut s’apprêter à refuser et rejeter.

Dire non à toute révision avant Avril 2016

Parce que le Gouvernement en place depuis Avril 2006 n’a fait aucun effort pour embrasser les principes élémentaires de la bonne gouvernance dont il nous a pourtant rabattu les oreilles tout le temps, parce que notre peuple a mieux être dans un environnement de paix, de sécurité et de solidarité, facteurs de progrès, nous devons nous organiser pour dire non à toute révision de la constitution qui interviendra avant le départ de ce système gangréné par la corruption, la gabegie et le mépris pour la qualité et la différence.  Si nous ne le faisons pas, c’en est fini pour nous qui aspirons à vivre dans un pays ou un minimum est fait dans les règles de l’art et sans tricherie.

Nous devons nous préparer à réorganiser notre pays, à le changer, voire à le réinventer à partir de 2016, avec une nouvelle vision qui marquera, un quart de siècle après la Conférence Nationale, la nouvelle orientation stratégique pour mettre notre pays sur les rails du développement et notre peuple au travail.  Nous voulons vivre dans un pays où, du Nord au Sud et de l’Est à l’Ouest, les citoyens se sentent à l’aise de participer à la construction de leur nation et non poussés à l’exil face à une justice à la solde et à double vitesse, qui ne garantit ni la sécurité judiciaire, ni l’équité. Nous voulons vivre dans un pays où l’Etat cherche et communique aux citoyens les causes de la disparition d’un individu, les conditions de sa disparition, et où la justice punit les coupables.  Nous voulons enfin vivre dans un pays où chaque Béninois qui est abattu chez lui alors que l’Etat a le devoir de le protéger, est vengé par les institutions en charge, afin que ses assassins ne courent pas dans les rues, constituant une menace pour d’autres victimes. Si un Chef d’Etat ne peut pas garantir ce minimum à ses concitoyens, qu’il ne touche pas à notre constitution. En dehors de cela, tout le reste demeure une diversion.

Monsieur le Président, nous vous respectons, mais de grâce, nous vous prions de laisser notre constitution tranquille et travaillez dès maintenant et pour le temps qui vous reste à passer à la tête de notre pays, à produire des résultats pour les Béninois et pour le pays.

Coffi Adandozan
Economiste-Planificateur
Lille, France.

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