Trop, c’est trop!

Trop, c’est trop. Dans la langue courante, l’expression signifie que la mesure est comble, que la coupe est pleine, qu’on a atteint la limite du supportable et du tolérable. 

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La semaine dernière a enregistré trois situations de «Trop, c’est trop». Il est utile de les rappeler. Il est nécessaire d’en moissonner les enseignements.

Le jeudi 2 mai, à une séance plénière de l’Assemblée nationale, étaient conviés trois ministres de la République. A l’heure du rendez-vous, aucun de ces ministres n’était présent à l’hémicycle. Montée de tension, colère. Des mots peu amènes fusaient de toutes parts. De quoi faire trembler les travées de la vénérable maison. Les députés blessés dans leur orgueil, ne pouvaient contenir plus longtemps le trop plein de leur cœur. On menaça d’embargo tous les dossiers du gouvernement. On lança l’idée d’une grève. On agita celle de poursuivre le gouvernement pour outrage à l’Assemblée nationale avec traduction devant la Haute Cour de justice. Bref, une grosse colère des honorables députés, marquée par un puissant tir groupé, toutes tendances confondues. Nos honorables députés entendaient signifier au gouvernement que «trop, c’est trop».

Changement de lieu et de décor. Le lendemain, 3 mai, à la Haute Cour de Justice. Le Président de cette institution, le professeur Théodore Holo, entamait une journée fort chargée. Il devait recevoir en audience plusieurs personnalités. Mais ses hôtes ont choisi, selon une pratique courante qui semble ne plus déranger personne, de venir en retard. A 10h30, l’heure de l’entrevue sollicitée, personne à l’horizon, encore moins dans la salle d’attente attenante au bureau du Président. Le maître de séant décida d’autorité d’annuler tous les rendez-vous programmés. Ici, encore, trop, c’est trop. La gestion rigoureuse du temps ressortit à une question de gouvernance. Ne pas le savoir ou l’ignorer est une insulte faite à la République.

Ce même 3 mai, les journalistes de notre pays, à l’instar des journalistes du monde entier, célébraient la journée internationale de la liberté de la presse. Avec une profession à la dérive, infestée de brebis galeuses, beaucoup de journalistes n’ont point voulu faire dans la langue de bois. Ils ont trouvé les mots qu’il faut pour dire haut et fort les maux qui minent leur métier. Ici comme ailleurs, trop, c’est trop. Ne rien dire, c’était pactiser avec le diable. Cela valait trahison ou participation à une conspiration du silence.

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Comme on le voit, de l’Assemblée nationale avec la fronde des députés à l’expression publique du ras-le-bol d’une frange de journalistes, en passant par le coup d’éclat du professeur Théodore Holo, c’est le même dépit qui s’exprime. Pour les uns, on ne peut s’autoriser de traiter les représentants du peuple comme une serpillère, du «Kleenex» qu’on jette après usage. Pour les autres, le journalisme ne peut être le repaire des cancres ou le refuge d’une poignée de hors la loi. Pour d’autres encore, on ne saurait ne pas entendre la sagesse des nations qui prescrit que le temps c’est de l’argent. Cela devrait être encore plus évident dans le cas d’un pays sous-développé. On peut supposer que ce pays n’a plus beaucoup de temps à perdre s’il tient à s’extraire des abysses de la misère.

On notera que cette réaction vive qui taille dans le vif des choses est nouvelle, chez nous. Nous aimons plutôt tourner autour du pot. Nous préférons caresser dans le sens du poil. C’est plutôt rare que nous allions droit au but, que nous mettions la plume dans la plaie, ou que nous vidions l’abcès, d’une manière aussi incisive. Que cela arrive maintenant ne peut relever d’un fait de hasard.

Il nous semble que nous sommes arrivés aux limites extrêmes d’une méthode qui n’a pas prospéré. Nous avons consacré des pratiques laxistes. Lesquelles sont devenues des habitudes, des habitudes consolidées en des réflexes contreproductifs. Nous n’en avons rien gagné. Cela nous a arriérés. Le pays n’en a rien tiré de bon.

 L’Abbé Pierre a écrit (Citation): «L’histoire du monde et de chaque nation est faite de longues disciplines et de soudaines indisciplines. Un moment vient où il faut que quelqu’un dise : non». (Fin de citation). C’est ce temps qui pointe à l’horizon. Nous sommes, en effet, à des points de mutations cruciales pour notre société. Il faut apprendre à en lire les signes. Ils sont à saisir comme autant de signaux qui balisent nos chemins d’avenir. La société nouvelle en est au bout.

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