Bénin : Être Roi et circuler tranquille

La Constitution du 11 décembre 1990, en son article premier, stipule que : « Le Bénin est une République indépendante et souveraine ». La République est donc une des options fondamentales prises par notre démocratie. 

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Pourtant, dans la pratique, tout se passe comme si le Bénin n’est pas encore affranchi des pesanteurs historiques et des vieilles traditions d’antan. Il semble être toujours collé à l’hégémonie des rois dans nos sociétés, et aux influences que ces souverains exercent sur leurs sujets. On en veut pour preuve, la prolifération à outrance des rois au Bénin.

Jadis, les royautés au Bénin se comptaient au bout des doigts. Lors des cours d’histoire nationale, on apprenait par cœur ces royaumes qui occupaient le territoire national et qui, par le passé, assuraient la souveraineté du peuple sur un territoire donné. Aujourd’hui, les royaumes se multiplient au gré des ambitions mercantiles et des égos de certains. Il suffit de faire un tour dans le pays, surtout en week-end, pour se rendre compte de la gravité du phénomène.

Les plaques d’immatriculation des véhicules sont remplacées par des plaques pittoresques, sur lesquelles on peut lire les indications les plus saugrenues : «palais royal de Sèmè Kraké», «Sa majesté…., roi de Guévié», «Sa majesté…, roi des Yorubas de Ouidah», «Reine mère de…».  On peut lire autant d’aberrations sur les plaques d’indication qui remplacent désormais les immatriculations de ces véhicules. Villes ou localités dont les noms n’ont jamais été cités dans l’histoire du Bénin, arrondissements et mêmes villages anonymes sans grand passé glorieux, tous ont des rois sans jamais avoir été des royaumes.

Leurs royaumes ne dépassent guère leurs tenues d’apparat et les honneurs qu’on leur rend lors des cérémonies officielles auxquelles ils participent, se faisant appeler pompeusement «rois» et recevant parfois prébendes et présents d’hommes politiques en quête de cautions traditionnelles et spirituelles pour gagner les élections.

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Une fois les indications «roi de …» posées sur les véhicules, en lieu et place des immatriculations, la sécurité publique s’emploie à leur donner toute la considération nécessaire. Les policiers et gendarmes au sifflet facile, qui emmerdent tous les automobilistes, les laissent passer sans aucune contestation. A la limite, ils se mettent au garde à vous pour les saluer.

Un monsieur comme Owolobè, Empereur mondial des Ogbonis, peut circuler sur le territoire national, du nord au sud et de l’est à l’ouest, avec un cortège de gros véhicules aux vitres teintées, avec gyrophare et sirène. Aucun policier ne peut l’arrêter, ni contrôler les pièces de ses véhicules. Au contraire, au passage de son cortège aux postes de contrôle, ils lui vouent respect et obéissance. Alors, ceux-ci agitent mollement leurs queues de cheval ou autres apparats royaux en guise de réponse.

Surfant sur cette possibilité de circuler facilement au Bénin, n’importe quel quidam peut se prévaloir d’être roi de son village, de son hameau et même de sa maison. Une fois qu’il revendique ce statut, il circule tranquillement au Bénin avec son véhicule. Peu importe si ce véhicule n’a pas de pièces  ou a même été volé dans les pays voisins. Au nom de la passivité et de la tolérance assez poussées des politiques pour les têtes couronnées. Au nom aussi, et surtout, de la recherche effrénée de notoriété politique.

On sait que depuis l’avènement de Boni Yayi au pouvoir en 2006, beaucoup de privilèges et avantages ont été accordés aux rois. Doit-on croire que les rois soient au dessus des citoyens lambda ou qu’ils ont un statut particulier dans la République ? Ceci étant, on constate que c’est l’Etat lui-même qui procède au galvaudage du titre assez prestigieux de «roi» que n’importe  qui peut s’attribuer, désormais, s’il veut bénéficier de privilèges particuliers.

Dans un pays où la recherche de la facilité est devenue un sport national, il est urgent de revoir ces privilèges accordés de fait aux «rois» du Bénin.

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