La comédie du pouvoir

A quoi jouent-ils nos politiciens? A un jeu codé qui a tout l’air d’une pièce de théâtre. Une pièce en quatre actes. Elle donne   de la politique une image crasseuse. Et ceci, à tous points de vue. Un fin connaisseur de la vie politique parle de «La comédie du pouvoir».

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La scène est apprêtée. Le décor est planté. Les personnages sont en place. Le rideau s’ouvre.

Acte I. Le premier blanc bec venu n’a qu’une seule obsession : créer un parti politique. Le congrès constitutif convoqué à cet effet délivre, à l’unanimité et par acclamation, le titre foncier au nouveau maître des lieux. Lequel se retrouve, tout aussitôt, dans la peau d’un chef de parti. Comme cela peut être enivrant   de se savoir appelé, par-ci, par-là et à la ronde, «Président». Seul un ange gardien avisé pourrait aider le nouveau chef à avoir la tête sur les épaules. 

Le parti est créé. Son chef est installé. La foule des courtisans se tient en ordre de bataille pour la seule chose qui vaille désormais : le «mangement» comme on dit en Côte d’Ivoire. Parce que chacun croit dur comme fer qu’il a droit à sa part du gâteau national. Mais le meilleur reste encore à venir. Et la pêche miraculeuse, c’est peut être pour demain.

Acte II. Sans que rien n’ait annoncé l’orage, un coup de tonnerre   retentit dans un ciel zébré d’éclairs et de foudre. Il réveilla tout le monde. Il éveilla chacun à la grande annonce du jour. Le chef allait parler. Et le chef parla, en effet. Il annonça le recentrage du parti. Pas moins. A sa création, le parti a jeté l’ancre dans les eaux plutôt pauvres d’une opposition qui n’a d’opposition que le nom. L’intention était de jouer les méchants loups pour susciter l’intérêt et l’attention des gens d’en face. Mais tous les signaux envoyés dans ce sens ont à peine ébranlé leurs destinataires. Alors, que fait-on quand la rivière ne vient pas à vous ? On va à la rivière !

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Voilà l’essentiel de l’annonce du chef à ses «chers militants», suivant la voie d’une transhumance qui, pour avoir été souvent empruntée par d’autres, est bien connue de tous. Le parti a fait plus que d’aller à la rivière. Le parti était allé se fondre et se confondre, corps et biens, dans la rivière.  

Acte III. Le parti créé sous le soleil radieux d’un matin et qui ambitionnait d’indiquer et d’impulser une nouvelle manière de faire la politique, allait atterrir en douceur un soir et s’évaporer dans les ombres de la nuit. Les dirigeants du parti au pouvoir saluèrent le courage des transhumants repentis. On les félicita pour avoir entendus la voix de la raison, du patriotisme et de l’amour du pays. Aussi furent-ils cités et donnés en exemple aux autres, invités à emprunter la même voie.

Mais les jours passaient sans qu’on fît suite aux promesses.  L’ancien chef de parti avait des soucis à se faire, alors que ses ressources propres s’épuisaient à vue d’œil. Et s’il avait été roulé dans la farine? Et s’il n’avait été payé qu’en monnaie de singe? Et s’il n’avait été pressé que comme un citron, pour être jeté, après usage, comme du kleenex?  

Acte IV. Le communiqué du conseil des ministres portait mention d’une seule nomination. Le réaménagement technique du gouvernement a ouvert les allées de la République à l’ancien chef de parti. Il a été fait ministre. Il entrait dans le Saint des Saints du pouvoir d’Etat par la grande porte. Son sacrifice et le sacrifice de son parti n’ont pas été vains.

Dans son village, c’était le branle-bas général depuis l’annonce de la bonne nouvelle. Elle confondait dans la joie et dans l’allégresse les parents, les familles amies et alliées. Quel honneur de pouvoir compter l’un des enfants d’un village perdu du pays profond au nombre des éminents membres du gouvernement. Bien sûr que cela se fête.

Dès l’aube, des tams-tams roulaient divers sons. Des   prières s’élevaient des églises, des temples, des couvents, des mosquées comme des volutes d’encens vers le ciel. Il y avait à boire et à manger jusqu’à plus soif, jusqu’à plus faim. Mais quand tout le monde fut rentré le soir, tout le monde fut tout aussi conscient de reprendre la même vie de chien, dans le dénuement le plus complet. Qu’avait-on à espérer de nouveau sous le soleil des imbéciles heureux ? Fin. Rideau. Attention : ceci n’est qu’une fiction. Toute ressemblance avec des personnes et des situations réelles ne serait que pure coïncidence.

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