Crise de confiance

Comment gérons-nous les crises au Bénin ? Au petit bonheur la chance. C'est-à-dire au gré des circonstances. 

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Selon l'humeur et le bon vouloir des êtres et des choses. Sans le leadership d'une autorité déterminée. On se croirait à un jeu de hasard. On s'assoit, en jetant les dés, et une main invisible vous pousse vers une problématique sortie de crise.

La vérité, c'est que, actuellement, nous n'avons aucune instance de légitimation qui puisse s'imposer, en période de crise majeure, comme un recours possible. Cette tour de contrôle souveraine qui aide à baliser les chemins tortueux de nos différends est à reconstruire. Pourquoi donc cette absence de structures de gestion des crises ?

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Nous vivons une crise de confiance sans précédent. Personne ne croit plus en personne. On a peur de tout, même de son ombre. Comme dirait l'autre, "On est où là ?" Tout concourt   ainsi à souligner notre incapacité notoire à trouver chez nous et en nous-mêmes les ressources nécessaires pour arbitrer nos différends, pour gérer au mieux nos crises et nos conflits.

Les intellectuels béninois auraient pu constituer un bloc crédible vers lequel nous tournerions tout naturellement nos regards dans l'épreuve. L'intellectuel, par définition, est un producteur de biens symboliques. Comme tel, il n'entre pas, a priori, dans de faux deals. Il peut suivre le chemin rectiligne des principes. Il a capacité à viser haut et à se mettre au-dessus de la mêlée. C'est assez rassurant pour qu'en cas de crise, l'intellectuel passe aux yeux de tous comme un paratonnerre. Parce qu'il sait mettre tout le monde à l'abri de la colère des éléments de la nature. Si, chez nous, en cas de crise, rien ni personne ne pousse à solliciter la médiation des intellectuels béninois, c'est bien parce que le ver est dans le fruit.

Idem des chefs religieux ou plus généralement des confessions religieuses. La politique a envahi les espaces naguère réservés à Dieu. Ces espaces ne résonnent plus, depuis, que de chants païens, que de prêches orientés, que de sermons détournés. C'est comme si le pouvoir spirituel était allé chercher un supplément de pouvoir politique pour être plus fort. Mais, c'est justement là que le bât blesse. C'est par là et à partir de là que commencent les dérives, que s'accentuent les contradictions. Comme a dit l'autre : "La bouche qui mange ne parle pas". C'est suffisant pour que certaines de nos forces religieuses se rassasient pour de bon et dorment du sommeil du juste. Qui a dit que "Qui dort dîne" ?

Les autorités traditionnelles ? Elles n'ont pas fini d'arbitrer les contradictions, multiples et aigües, en leurs propres rangs, pour qu'on les occupe à jouer les médiateurs honnêtes dans la cour des autres ?  Qu'elles s'avisent d'abord à bien balayer leurs propres cours, montrant par là même que le mouvement se démontre en marchant.

Que dire des forces de la société civile ? Chapeau pour le travail remarquable qu'accomplissent nombre d'ONG dans notre pays. Elles sont effectivement l'avant-garde et le bras organisé de nos populations. Elles en portent les aspirations. Elles s'efforcent d'en accoucher les rêves. Mais force est de reconnaître qu'il devient de plus en plus difficile de séparer le bon grain de l'ivraie. La société civile, chaque jour que Dieu fait, se piège elle-même. Avec des chefs qui trahissent leurs mandants. Nombre d'organisations de la société civile passent, aux yeux de tous, pour un paravent qui cache bien des choses. Face à quoi, nombre de nos compatriotes hésitent à poser ou à reposer la tête sur un oreiller devenu, à leurs yeux, suspect.

Reste la presse. Reste également les syndicats. La première, c'est-à-dire la presse, est regardée dans l'opinion, de plus en plus, comme une girouette. On désigne ainsi une personne versatile qui change aisément d'avis et de sentiment. Notre presse a du mal à se tenir au milieu. Elle veut être présente à tous les râteliers. Elle n'est finalement nulle part. On attend de nos syndicats une mue intérieure portée par une nouvelle génération de chefs, enracinée dans une nouvelle manière de faire du syndicalisme. Le train est déjà en marche. Bonne entrée en gare !

Avec qui, alors, gérons-nous nos crises ? Avec l'étranger. C'est la preuve qu'il n'est jamais parti. Il continue de distribuer les cartes et les rôles et de dicter sa volonté. Il sait susciter des querelles qu'il arbitre pour que dure son règne. La morale de l'histoire est simple : plus je divise, plus longtemps je règne. 

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