Des vieux et des jeunes

Quel est le poids exact des vieux et des jeunes dans la conduite des affaires de l'Etat et de la nation ? 

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La réponse à cette question, apparemment anodine, ne peut être que le résultat d'un effort de recherche systématique sur le terrain. Or, il se trouve que ce n'est point en ce domaine-là que nous excellons. 

Notre curiosité s'arrête souvent aux portes de l'essentiel. Les vieux et les jeunes forment, tout d'abord, deux franges sociales hautement symboliques. Les rangs des premiers s'éclaircissent, jour après jour. C'est l'heure, pour beaucoup de personnes du troisième âge, de solder leur compte dans les livres de la vie. Les vieux sont ainsi vus comme des gens sur le départ, des gens en instance de partir.

Ils ne sont plus en prise directe sur les affaires publiques. Mais souvent, ils ne sont pas moins influents en coulisses. On les écoute. On puise dans leur grande expérience. En comparaison avec la place qu'ils occupaient dans les sociétés précoloniales, ils ont beaucoup perdu de leur aura sociale. Certes, nous ne sommes pas encore au stade où l'on abandonne ses vieux parents à la solitude des mouroirs que sont les hospices et les maisons de retraite. Malgré les coups de boutoir qu'elle reçoit, la grande communauté africaine demeure. Elle sait se ressouder chaque fois que de besoin. Mais l'Afrique est en perte rapide de valeurs. Qui sait de quoi demain sera fait ?  

Les jeunes, quant à eux, forment la frange sociale la plus nombreuse.  Ils entrent dans la vie. Ils ont, de ce fait, tout leur avenir devant eux. Et il est à peu près sûr que le monde qui s'édifie sous leurs yeux portera, peu ou prou, un peu de leur empreinte. Mais comme les personnes âgées, il sont en transition. La jeunesse n'est pas, en effet, un état. La jeunesse est un passage. Les jeunes d'aujourd'hui seront les adultes de demain. Qui veut ignorer que nos vieux parents étaient les jeunes d'hier ?

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De quel poids pèsent-ils sur les destinées de leur pays à travers   leurs initiatives, grâce à leur contribution au développement de leur pays, fort de leurs suffrages, via les élections ? La jeunesse, c'est le temps par excellence de la formation, de l'apprentissage. Le jeune se retrouve ainsi sur les sentiers de l'initiation, dans le bois sacré, en quête de savoir, de savoir-faire, de savoir-être. Il est à un poste d'observation. Il apprend et il comprend sa société en la regardant comme un spectateur.

Naîtra demain l'acteur, l'homme ou la femme dans l'arène sociale, en quête de son insertion dans la vie active, avec la rage légitime de prendre sa part à ce vaste marché à l'échelle de la société globale. Celui qui veut ainsi s'affirmer et se réaliser cherche encore ses marques. Même s'il gagne bien sa vie, il est encore loin de réussir sa vie. Parce qu'il travaille pour quelqu'un, le jeune n'a pas encore la décision qui l'aide à imprimer sa marque personnelle et distinctive aux choses. Parce qu'il ne travaille pas du tout, qu'il est à la recherche d'un premier emploi, le jeune ne décide encore de rien. Il ne peut agir. Il est agi. Son avenir n'est pas totalement en ses mains. Il vit par procuration. Il a besoin, pour survivre, d'accepter d'être sous perfusion.

Sur le plan politique, le jeune béninois, à la majorité civile, jouit de ses droits électoraux. Le système démocratique l'investit tout à la fois d'un privilège et d'une responsabilité. Le privilège de disposer de l'arme redoutable qu'est le bulletin de vote. Le jeune, dès lors, est en droit d'investir ses plus beaux rêves dans une urne. La responsabilité de coécrire, avec ses concitoyens, l'histoire – brillante ou noire – de son pays.

Il y a des jeunes qui fonctionnent au carburant de la révolte. Quand ils en ont ras-le bol, ils défient tout, même l'autorité. Une fois qu'ils ont jeté la peur par-dessus les moulins, ils s'offrent parfois en sacrifice. Dans l'espoir têtu que les aurores de demain seront plus souriantes que celles d'aujourd'hui.

Il y a des jeunes qui enfourchent le cheval de l'opportunisme le plus vil et le plus cynique. Ils pactiseront, s'il le faut, avec le diable. Ils se foutent des couleurs que prendront les matins de demain. Pourvu qu'ils aillent dormir ce soir la peau du ventre bien tendu.

Il y a, enfin, des jeunes indifférents. Ils entendent la douce musique de la vie. Ils mangent à satiété et dorment tout leur saoul. Ils ne se posent jamais de questions. Mais ils auront, un jour ou l'autre, à répondre à la seule question qui vaille : quel sens ai-je donné à ma vie?

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