Disons les choses ainsi. Qui sait établir un diagnostic juste accroît ses chances de guérison. Pourquoi, en Afrique, plus de cinquante ans après les indépendances, continuons-nous de traîner nos bobos ? C'est faute de savoir établir le bon diagnostic.
Celui qui ne sait pas qu'il souffre d'un cancer ne s'en tiendra qu'à la fièvre. Aussi ne traitera-t-il son mal qu'à coup de cachets d'aspirine.
Hier, avant notre accession à l'indépendance, il nous était facile de montrer du doigt le colonisateur. Il était alors tenu pour responsable de l'arriération de nos pays. Un certain nationalisme africain y a trouvé l'essentiel de sa force d'expression et d'action. Un combat en blanc et noir a quelque chose de simple et de simpliste. Ni nuances. Ni teintes intermédiaires. On campe sur des positions tranchées.
Suite aux errements qui marquèrent les toutes premières décennies de nos indépendances, nous nous sommes contraints à établir un nouveau diagnostic. Au Bénin, avec la révolution du 26 octobre 1972, nous pensions, enfin, avoir cerné le vilain virus qui nous rongeait. Et le pays tout entier retentit d'un puisant slogan : " La cause fondamentale et la source première de l'arriération de notre pays est la domination étrangère."
Même si tout n'était pas ainsi dit, nous pensions sincèrement que la messe était dite. Il ne nous restait plus qu'à attendre les dividendes du marxisme-léninisme, après avoir transformé le Bénin, tel que nous le prophétisions alors, en un pays où il fera bon vivre pour chacun et pour tous. Nous connaissons la suite. L'espoir s'était réduit en peau de chagrin. Les discours et les slogans n'ont pu opérer le miracle escompté. La révolution s'enlisa dans les eaux saumâtres de l'échec. Nous nous étions rendu compte, au bout de dix-sept ans d'un coupé-décalé révolutionnaire, que nous nous sommes trompés dans notre diagnostic.
Retour à la case départ. Le renouveau démocratique a repris le témoin là où les autres l'ont laissé. Le renouveau démocratique a repris l'exercice à partir de là où les autres ont échoué. A-t-il fait mieux, depuis vingt-trois ans ? A-t-il eu à marquer des points décisifs qui le créditeraient d'un avantage certain sur les autres ? Le Béninois sait-il enfin et très exactement de quoi il souffre ? A-t-il su établir l'exact diagnostic qui lui donne l'accès à une toute aussi exacte thérapie ?
Enjambons les ans. Arrêtons-nous aux portes d'aujourd'hui. Prenons l'exemple de nos élections. Nous aurions pu mieux les organiser. Pour l'amour du pays. Par sens du devoir et des responsabilités. Mais, au lieu de cela, nous multiplions les astuces, les ruses pour tout tripatouiller. Une mascarade qui pèse sur notre présent et pénalise notre avenir.
La Liste électorale permanente informatisée est assez illustrative de cette volonté diabolique de tricher. Nous sommes passés maîtres dans l'art d'emprunter les chemins de traverse. Même si nous savons, par ailleurs, que la ligne droite reste et restera le plus court chemin pour aller d'un point à l'autre. Le diagnostic est plus que clair. Nous sommes, nous-mêmes, les premiers responsables de nos malheurs.
L'exemple de la décentralisation instruit suffisamment sur notre capacité de nuisance, avec la volonté têtue de refuser tout ce qui pourrait nous porter en avant, nous placer sur l'orbite du progrès. Là où l'on attend de nous que nous parlions développement, nous usons du discours menteur et démagogique de la politique politicienne. Là où l'espace local nous offre des opportunités et des chances réelles d'un développement participatif et durable, nous nous acharnons à délocaliser nos querelles politiciennes et à reproduire à la base nos vilaines habitudes de toujours. Voilà comment nous vidons, chaque jour, la décentralisation de tout contenu. Le diagnostic est plus que clair. Nous sommes nous-mêmes, les premiers responsables de nos malheurs.
Que dire, de la bagarre qui s'annonce autour de la révision de la Constitution ? Elle bouffera le plus clair de nos ressources, laissant intactes nos insomnies et nos migraines. Avec, en prime, une vilaine fracture qui mettra le Bénin en pièces, après avoir brisé le fragile consensus autour duquel nous maintenons le pays, vaille que vaille, dans une paix relative. Le diagnostic est plus que clair. Nous sommes, nous-mêmes, les premiers responsables de nos malheurs.
Laisser un commentaire