Le liquidateur !

« …Il n’a rien produit. Omnipotence complète, initiative nulle. Certes il s’agite, rendons-lui cette justice; il ne reste pas un moment tranquille; il sent autour de lui avec effroi, la solitude et les ténèbres; ceux qui ont peur la nuit chantent, lui, se remue. 

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Il fait rage, il touche à tout, il court après les projets; ne pouvant créer, il décrète; il cherche à donner le change sur sa nullité; c’est le mouvement perpétuel; mais, hélas, cette roue tourne à vide». Ces proses ne viennent pas de moi. Elles sont de Victor Hugo, écrivain de haut vol qui, dans cette réflexion, s’en prend vertement à Napoléon le Petit, pendant le Grand Empire.

Pierre Moscovici, baron du Ps, actuellement ministre de l’Economie et des Finances en France, Directeur de campagne de François Hollande pendant l’élection présidentielle de 2012,  l’a reprise dans son livre «Le Liquidateur» paru en 2008. Dans ce  pamphlet, l’auteur, un politique, s’attaque à l’hyper présidentialisation de Nicolas Sarkozy , qui  aboutit à ce qu’il n’y ait plus de République, et l’accuse de liquider «une forme de tradition républicaine». Le personnage décrit par Victor Hugo et qui ressemble comme deux gouttes d’eau à Nicolas Sarkozy, Président français de 2007 à 2012, a certainement inspiré un autre, outre Méditerranée.

C’est ici chez nous, dans son palais aux abords de l’Océan Atlantique, que ce prototype a été découvert. Comme le personnage d’Hugo et Sarkozy, il s’agite, court dans tous les sens, il touche à tout, il court aussi après les projets. Mais lui, il crée, prend des initiatives, même si souvent elles se soldent par des échecs retentissants. L’hyper-président béninois court partout, fait tout, lance de façon brouillonne des projets de développement. Il lui suffit de chuchoter à l’oreille d’un bailleur de fonds potentiel son désir de réaliser un projet pour son pays, que ce dernier affiche quelques dispositions à le financer, pour le voir descendre au pays et lancer précipitamment le projet avec grand renfort médiatique. Les premières pierres sont posées en attendant les secondes qui ne viennent jamais. C’est maintenant qu’il doit courir derrière les études de faisabilité, le financement et l’entreprise qui va réaliser le projet.

Affable et engagé, pur produit de la plèbe, le prototype du personnage d’Hugo adore manipuler les couches défavorisées pour se hisser et se taper une réputation de Chef d’Etat soucieux de leur bien-être. Mais, en vérité, son chantier  est bien ailleurs. En sept ans de pouvoir, il travaille inexorablement pour liquider tout ce que le Bénin possède de plus chers. C’est d’abord à notre démocratie qu’il s’en est pris. Depuis 2006, elle a reçu toutes les attaques. La liberté d’expression est mise à mal, les textes de la République sont constamment violés, l’exécutif est toujours en conflit permanent avec le législatif et le judiciaire, et il suffit d’écouter les dernières récriminations des députés et des magistrats pour s’en convaincre. Tous disent que le gouvernement veut les piétiner, les affaiblir. Depuis qu’il est au pouvoir, les élections se déroulent toujours en retard et après une période pré-électorale toujours tendue. Plusieurs Béninois sont persécutés à cause de leur  origine ou de leur appartenance politique.

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La démocratie n’est plus une recette trop vendable à l’extérieur. L’homme du 06 Avril a aussi réussi à déchirer complètement le tissu économique du pays, en déstabilisant les gros investisseurs béninois, en détruisant les filières pourvoyeuses de devises, comme les véhicules d’occasion ou le coton, et en gelant presque le paiement de la dette intérieure. Résultat : le taux de croissance à deux chiffres promis au peuple depuis le 06 Avril 2006, n’est toujours pas une réalité.

Il a enfin liquidé nos valeurs. La solidarité, l’excellence, qui sont des valeurs qui caractérisent les Béninois. Aujourd’hui, pour réussir à un concours ou pour entrer à la Fonction Publique, il suffit de savoir bien tricher ou d’avoir des parents qui sont haut perchés. Ses actions et ses propos ont enraciné le régionalisme et le népotisme dans le pays. Au point où des jeunes soient motivés à changer leur patronyme pour prendre d’autres qui peuvent leur permettre d’ouvrir les portes de la réussite, de l’emploi ou des avantages de la République. Au lieu donc de se prévaloir d’un titre ronflant de refondateur. L’homme fort de Cotonou pourrait bien s’appeler le «liquidateur». Géniale idée que celle de Moscovici qui a eu le mérite de nous inspirer.  

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