Un recteur deux fois sain(t)

Il entra en fonction sans crier gare. Le professeur Brice Sinsin, bien qu'il fût précédé d'un préjugé favorable auprès de ses pairs, a été élu recteur de l'Université d'Abomey-Calavi sans tambour ni trompette. Un recteur est à l'image du capitaine d'une équipe de football. Il est le premier des égaux.

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C'est à ses pairs qu'il doit d'être tenu pour le grand gestionnaire de l'université. Ce sont eux qui l'ont élu. Dire que cela ne s'est pas toujours passé ainsi. Avait longtemps prévalu le fait du Prince. Le gouvernement avait toutes les cartes en main. Il nommait qui il voulait.

Brice Sinsin arbora son boubou de recteur dans un contexte de grand marasme. L'université d'Abomey-Calavi était au plus mal. Plusieurs années d'incurie ont contribué à consolider de bien mauvaises habitudes. Ce qui laissa l'institution dans un désordre innommable. Qui a vu, ailleurs, un campus universitaire, ne peut en croire ses yeux face à ce qui en tient lieu à l'Université d'Abomey-Calavi.

Le décor était ainsi planté. Le chantier qui appelait l'engagement du nouveau recteur n'était que plus nettement circonscrit. Et tout aussi clairement pressenties et anticipées les piques et les piqûres de cactus qui n'allaient pas manquer de joncher le chemin à parcourir. Le professeur Sinsin savait, dès lors, que pour réussir, conduire à bien sa mission, il lui était interdit d'être un recteur ordinaire. Il ne pouvait se contenter de gérer subrepticement, d'être comme une étoile filante dans le ciel bien chargé de son université.

Sous ce rapport, on peut saluer les réformes structurelles déjà engagées. Il était nécessaire, d'entrée, de recadrer les choses, sans pour autant casser le système. Il s'imposait de lever, à tous les niveaux, les goulets d'étranglement. Il était indispensable de dépoussiérer la gestion des carrières des enseignants. Il était impératif d'être plus regardant sur les critères d'entrée et de séjour à l'université.

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De telles réformes, importantes s'il en était, n'intéressent que les initiés du bois sacré de l'université d'Abomey-Calavi. Il en est tout autrement avec d'autres mesures, novatrices à tous égards. Leur écho et leurs effets ont largement dépassé les frontières de l'université d'Abomey-Calavi. L'Université a qui l'on a souvent reproché d'être arrogamment recroquevillée sur elle-même, s'ouvre désormais sur la société, sur sa société. Pour nous en convaincre, rappelons trois mesures. Elles sont frappées au coin de cette volonté à la fois de rupture et d'ouverture.

L'équipe du recteur Brice Sinsin a pris la décision d'assainir le campus en le débarrassant des sachets en plastique. C'est le prolongement d'une campagne de salubrité que certaines de nos municipalités ont engagé avec des fortunes diverses. Cette campagne est impérative. Elle est à conduire avec esprit de suite, tant sont grands les dangers que ces sachets font courir à notre environnement. Le succès d'une telle campagne labelliserait l'université d'Abomey-Calavi comme un pôle pionnier d'excellence. Comme un bel exemple qui inspirerait nombre de nos cités. Première mesure.

L'équipe du recteur Brice Sinsin a pris la décision d'expérimenter, à l'université d'Abomey-Calavi, le volontariat. Il s'agit d'un service bénévole qui n'a pas moins l'avantage d'une précoce immersion de l'étudiant dans l'entreprise, dans l'univers du travail. Comme pour souligner et pour nous faire retenir qu'une bonne préparation au travail prédispose à une bonne insertion sociale et professionnelle. Le lien entre l'entreprise et l'école est établi. Il en est de même du lien entre l'école et la vie. Deuxième mesure.

L'équipe du recteur Brice Sinsin a pris la décision de lancer un téléthon. Objectif, réunir les fonds nécessaires pour la construction d'un amphithéâtre de 2 000 places. Est criarde la carence de l'université d'Abomey-Calavi en infrastructures pour les activités pédagogiques et académiques. Faut-il continuer d'attendre l'Etat qui a vu venir la surpopulation de l'université sans bouger ? Est expressément convoquée l'imagination qu'Albert Einstein dit être supérieure à la science. Et la solution sera bientôt au bout de ce coup d'audace que nous saluons. Troisième mesure.

Nous nous savons adeptes des hommages à titre posthume. Pour une fois, regardons, apprécions et accompagnons, pendant qu'il en est encore temps, l'admirable travail qui s'accomplit à l'université d'Abomey-Calavi. Ceci, sous la direction éclairée d'un recteur deux fois sain(t).

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