Une Révision impossible… mais Nécessaire!

Nous reprenons cet intitulé, «Impossible Nécessité», pour un sujet d’actualité qui fait polémique, suscitant la contribution de chacun. Et vous aurez compris le sujet dont il s’agit : le projet de révision de la Constitution béninoise du 11 décembre 1990… 

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Nous avions «décrypté» la question en  nous basant sur les recommandations et les conclusions de la Commission Gnonlonfoun, dont le Rapport «Consolider les Acquis Démocratiques», nous a édifié à plus d’un titre. Puisqu’on dit souvent que c’est au bout de l’ancienne corde que l’on tisse une nouvelle, nous commencerons par rappeler la substance de nos propos dans ce Décryptage, avant de préciser quelques arguments qui rendent compte de la nécessité d’une révision de la Constitution, même si le processus semble «impossible» à concrétiser, à l’état actuel des choses, notamment avec l’incontournable Consensus qui tarde à venir. Analyses et précisions…

Un problème de «sincérité» !

La question majeure que pose le projet de révision de la Constitution est une question de «Sincérité», comme nous l’avions fait ressortir dans notre précédent Décryptage sur la question. Et nous rappelons nos propos :

On peut apprécier cette question de la «sincérité» de la démarche révisionniste du Président de la République selon trois angles.

Primo, le Chef de l’Etat, voyant le terme de son mandat approcher, est soucieux de «graver» son nom dans les annales de l’Histoire nationale, en tant qu’artisan de la Révision de la Loi fondamentale béninoise… Afin de la rendre plus conforme aux réalités actuelles et de répondre à certaines exigences internationales, notamment en ce qui concerne l’abolition de la peine de mort, la constitutionnalisation de la Cour des Comptes, etc.

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Secundo, il est à mettre au crédit de cette «sincérité», les nombreuses «réformes» reconnues nécessaires, par différentes voix bien autorisées… Afin de «rendre plus fonctionnelle» une constitution qui date de plus de vingt ans : imprescriptibilité des crimes et délits économiques pour mieux lutter contre la corruption ; reconnaissance de l’initiative populaire pour faire entrer le Bénin dans de plain pied dans la Démocratie Participative.

Enfin, tertio, il s’agit d’ériger et de constitutionnaliser certaines institutions qui garantissent encore plus l’Etat de droit, un des soucis majeurs de l’historique Conférence Nationale des Forces Vives de 1990 : Cour des Comptes, Commission Electorale Nationale Autonome (CENA) et Médiateur de la République.

Ainsi rappelés, nos propos posent maintenant une grande question de sincérité du Chef de l’Etat, pour qu’il ne tente pas une «manœuvre à la Wade» pour se maintenir au pouvoir à la fin de ces deux mandats, par une «révision intuitu personae» !

Et c’est d’ailleurs autour de cette question essentielle que se cristallisent toutes les supputations et les oppositions au projet de révision : Les antirévisionnistes (comme on commence par les appeler ici) ne sont pas fondamentalement opposés au toilettage de la Loi Fondamentale. Ils sont contre une «révision opportuniste» !

Une question «d’opportunité» !

En outre, certains se demandent s’il est opportun de procéder à cette lourde démarche institutionnelle, alors que des questions urgentes demandent que l’on s’y appesantisse prioritairement : correction de la LEPI, questions économiques et amélioration de la vie quotidienne des populations…

Ceci étant dit, voici les arguments qui militent en faveur d’une «Nécessaire Correction» de la Loi Fondamentale, après vingt-trois ans de pratique constitutionnelle.

1) Après un certain nombre d’années, tout édifice doit être évalué et restauré le cas échéant. Ainsi, beaucoup de voix se sont élevés, par le passé, pour faire ressortir la nécessité de corriger la Constitution du 11 décembre 1990, après avoir constaté certaines insuffisances, notamment dans la répartition du pouvoir et dans le règlement des rapports entre l’Exécutif et le Législatif. Une «mise à jour» est donc nécessaire pour mettre la Constitution en phase avec le temps, en conformité avec les réalités actuelles dans un monde qui bouge.

2) Les dispositions internationales issues des engagements contractuels (traités) de la République vis-à-vis de ses partenaires, s’imposent aux normes intérieures. C’est un fondamental du Droit International Public et des Relations Internationales. A ce titre, la création de la Cour des Comptes, pour laquelle le Bénin s’est engagé au sein de l’UEMOA, doit être concrétisée assez rapidement, pour rester en conformité avec les engagements internationaux de la République. Dans le même sillage on pourrait parler de l’abolition de la peine de mort, un autre engagement à honorer…

3) D’autres nécessités se retrouvent dans les aspirations du peuple béninois qui souhaite majoritairement qu’une lutte sans merci soit menée contre la corruption, par exemple avec l’imprescriptibilité des crimes économiques ; ou encore pour renforcer l’édifice démocratique avec la constitutionnalisation de certaines institutions comme la CENA (pour des élections transparentes et mieux organisées) et le Médiateur de la République (pour les avancées de la Démocratie moderne)…

Ces trois arguments sur la nécessité souffrent certainement d’une insuffisance ; et c’est là la fissure dans lequel s’engouffrent les antirévisionnistes pour en faire un fossé, ou un gouffre : Ne peut-on pas régler ces questions, réussir ces trois réformes avec une simple «Loi organique modificative» ou une «Loi constitutionnelle réformée» ?!

Ce sont les juristes qui ont le secret des gymnastiques sémantiques et lexicales. Alors, à eux de régler cette question, en toute «Sincérité» et non de manière partisane.

Et «l’Impossible Nécessité» !

Dans tous les cas, et c’est ici que nous évoquons l’Impossibilité, somme toute nécessaire, selon nos précédents arguments.

Parlant d’impossibilité, il y a lieu de faire relever un grand argument : le Consensus. Question sur laquelle la Cour Constitutionnelle du Bénin s’est déjà prononcée dans une retentissante décision. En effet, à l’heure actuelle, et dans l’état des choses telles qu’observées ici, ce Consensus à valeur constitutionnelle est loin d’être atteint…

Car, qui parle de Consensus parle de Concertation générale, de toutes les Forces Vives de la Nation. Celles-là même qui ont siégé en 1990. Sans ce Consensus, nous resterons dans le domaine de l’Impossibilité, même nécessaire…

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