De Réckya I à Réckya II

Et Réckya Madougou parla. La question de la révision ou non de la constitution, comme on le sait, polarise l’attention des Béninois. L’opinion du Garde des Sceaux, ministre de la Justice et Porte-parole du gouvernement était attendue. 

Publicité

Son absence du pays l’a éloignée du débat. Revenue au bercail, que dira-t-elle, quel point de vue articulera-t-elle sur le sujet?  La spécialiste en communication a bien préparé sa sortie médiatique. Effet d’annonce garantie. Suspense en sus!

Hors de ces artifices, de ces ficelles bien connues du métier de communicateur, Réckya Madougou pouvait-elle se démarquer du gouvernement? Un gouvernement maître d’ouvrage du projet de révision de la Constitution. Un gouvernement dont elle est membre, obligée, comme telle, d’en être solidaire. Nous disposons de trop d’indices pour anticiper la sortie médiatique de Réckya Madougou. On pouvait parier pour une brise, bien dans le ton officiel, à l’image de ce vent d’août qui balaie actuellement la partie méridionale de notre pays.

C’est exactement ce qui s’est passé. Plutôt la brise fraîche qui plaide pour une révision de la constitution que la tempête rouge antirévisionniste qui atteint son pic les mercredis. Une tempête qui s’accompagne d’un grondement, mêlant ordre et supplique : « Ne touche pas à ma Constitution » 

Voilà qu’elle revient Réckya Madougou. Voilà qu’on se souvient de Réckya Madougou. En effet, en 2005, quand on disait « Ne touche pas à ma Constitution », on voyait cette dame qui allait se révéler à l’opinion nationale et internationale. Quand on entendait « Ne touche pas à ma Constitution », on rapprochait ce slogan de cette dame et le slogan et la dame se confondaient en une puissante exigence démocratique. C’était une première dans un pays où la femme tarde encore à se commettre publiquement et à s’impliquer fortement dans les grands débats qui agitent la société. Réckya Mandougou préfigurait alors la part féminine, mais non féministe, d’un engagement social franc et sans complexe.

Publicité

Réckya Mandougou était alors incontestablement la figure emblématique d’un front de refus opposé à toute révision de la Constitution. Elle était l’incarnation d’une lutte que le temps a sanctionnée comme juste et salutaire. Puisque cette lutte a eu raison de tous les complots ourdis, de tous les pièges concoctés, des obstacles dressés sur le chemin de ceux qui s’étaient engagés dans la défense des droits des populations.

Une première question se pose tout logiquement. Pourquoi et comment, en l’espace de huit ans, la passionaria de « Ne touche pas à ma Constitution » de 2005 est-elle devenue, en 2013, le héraut de   « Touche et retouche à ma Constitution »?  Réckya Mandougou, vit à sa manière, la vérité selon laquelle la vie est mouvement. Puisque, à en croire Démocrite, l’on ne se baigne jamais deux fois dans la même eau. Ce qu’accrédite le Président Félix Houphouët-Boigny en martelant que tout le monde change, mais que seuls les imbéciles ne changent pas.

En 2005, Réckya Madougou était un membre de la société

civile. Elle s’activait à ratisser large sur les périmètres des intérêts des populations. Elle n’était ni motivée, ni intéressée par un quelconque enjeu de pouvoir, de pouvoir politique notamment. En 2013, Réckya Mandougou est au gouvernement. Elle joue désormais sur un autre registre. Elle se trouve liée par des intérêts nouveaux qui donnent une autre coloration, une autre orientation à son engagement social. La société civile et la société politique s’ordonnent ainsi comme deux pôles distincts sur l’échiquier public. L’une et l’autre répondent à deux logiques difficiles à concilier.

Il faut tirer enseignements des pérégrinations de nos cadres. Un changement bon pour soi, l’est-t-il également pour les autres? Et surtout continue-t-il de servir la cause à laquelle on s’était dévoué? Nous sommes terre de liberté. On n’interdira à personne de transhumer de la société civile vers la société politique. Mais quel est le coût social, le coût humain d’un tel changement? Une seule personne a-t-elle moralement le droit de faire entendre à un seul peuple plusieurs sons de cloche sur le même sujet? Trêve de spéculation. C’est peut-être nous qui sommes des imbéciles, incapables de changer. Et pourtant, disent les Anglo-Saxons « God is always good ». Dieu est toujours bon. Il ne change pas.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Publicité