Nous ne pouvons plus laisser le Fitheb souffrir d’une autre crise

Le processus de réforme pour la résurrection du Festival International de Théâtre du Bénin (Fitheb) et le renouvellement du Bureau directeur, font objets de polémiques depuis peu. Et même des bras de fer en vue. Lisez dans cette interview, les explications et l’opinion du promoteur du Centre culturel Artisttik Africa sur la situation.

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Professionnel du 4ème art, Ousmane Alèdji  a été, lors des journées de réflexion sur le festival, président du groupe n°3. Celui sur le thème : «La problématique d’une nouvelle vision pour le Fitheb, en vue de son repositionnement sur l’échiquier continental et international du théâtre».

Vous êtes un professionnel du théâtre. Et l’une des actualités majeures dans ce secteur au Bénin, c’est le dossier Fitheb. Les choses, de ce côté, ne sont pas au beau fixe. Quelle est votre analyse de la situation en tant qu’acteur du domaine?

Il faut avouer que le sujet Fitheb est un sujet délicat que j’ai refusé d’aborder dans la presse, jusque là, pour le principe de laisser les choses aller jusqu’au bout, et par respect pour les engagements que nous avons tous pris vis-à-vis du principe même qui voudrait que l’on garde le secret des choses tant qu’elles ne sont pas déclarées publiques ou diffusées. Vous-êtes au courant, puisque j’ai aperçu certains parmi vous à Grand-Popo, qu’il y a une initiative du ministère de la Culture qui, d’une certaine façon, doit nous amener à la réforme du Fitheb. L’idée était de le transformer pour en faire une vitrine majeure pour le Bénin. Déjà, un lieu où les professionnels pourraient montrer leur savoir-faire, vendre leur savoir-faire. Donc un marché pour les professionnels du théâtre béninois. Mais aussi une entreprise, pas marchande mais une entreprise dans laquelle l’Etat investit et devrait donc attendre en retour des profits, des bénéfices, même si ces profits ne sont pas en argent, ni en billets, mais ne serait-ce que l’image de marque du Bénin. Au niveau du bien-être que ce festival offre aux populations et au public béninois, que l’Etat se sente à-l’aise à jouer le jeu de l’investisseur, de l’accompagnateur. Nous avons jugé nécessaire d’accompagner le ministère dans cette démarche, mais bien sûr, d’abord en prenant avis du Conseil d’administration (CA). Nous avions opposé notre refus au ministre, à la participation à ces journées de réflexion de Grand-Popo, tant que le CA ne serait pas associé à cette initiative. Et c’est le Conseil lui-même qui nous a dit qu’il participait et que nous pouvions nous associer à cette initiative.

On ne dirait pas ! Puisque le CA s’est désolidarisé

Après cette approbation, c’est allé un peu dans tous les sens. C’est très délicat de charger les choses au Bénin. Ça, je ne parle pas politique du tout. Je parle humain simplement. Après, il y a eu des velléités, de ruses et de tout le reste. Je ne vais pas verser dans ce débat, parce que c’est un débat pour petites gens. Je ne le fais pas. Je ne descends pas les caniveaux. Mais, il faut avouer qu’au terme de tous le processus, les professionnels de théâtre du Bénin qui étaient à Grand-Popo, ont décidé de poursuivre les travaux en comité restreint de suivi, pour toiletter les grandes décisions qui sont sorties de Grand-Pospo, refondre les textes du Fitheb et les actualiser en fonction des recommandations de Grand-Popo, les soumettre après au CA du Fitheb pour validation, avant d’envoyer ça en Conseil des ministres pour prise de décret et tout cela.

Mais ce schéma ne fait plus l’unanimité aujourd‘hui

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Nous avons remarqué dans ce processus, que certains se sont rebiffés, désolidarisés après coup de cette démarche, et qu’ils sont allés, malgré les instructions, les sollicitations, les injonctions du ministre et même de quelques professionnels que nous sommes, au bout du processus de désignation du Directeur du Fitheb. Evidemment, dans le lot des candidats au poste de Directeur du Fitheb, non seulement j’ai soutenu, avec les mots et les moyens qui me sont personnels, la candidature de M. Eric Hector Hounkpè. Au-delà, j’ai écrit une lettre pour recommander sa candidature. J’ai encore défendu sa candidature devant le ministre béninois de la culture, avec les arguments qui me sont personnels, mais qui, je pense être des arguments solides et crédibles. Je continue à penser que parmi les candidats qui postulaient à ce poste, on ne va pas dire qu’il est le meilleur, mais je pense modestement avoir opérer un choix en harmonie avec ma vision des choses. J’insiste, il n’y a pas de meilleur dans ce domaine, selon que vous sachiez bien vous entourer ou pas, vous allez réussir ou échouer, parce que personne ne fait quelque chose seule. M. Hounkpè m’a semblé la personne que je pouvais accompagner. Et je l’ai fait, en toute sincérité. Après, le processus de sa désignation a été contesté, biaisé, ou qu’ils n’ont pas obtempéré aux instructions, aux injonctions du ministère. Cela peut être suspendu ou mis en cause par l’autorité de tutelle. Il a ce pouvoir-là. Voilà, ce que je peux dire brièvement du Fitheb, sans renter dans les détails parce que si je devrais rentrer dans les détails, ça va être un débat de personnes. Je n’aime pas.

A l’étape actuelle, est-ce que les conclusions des travaux du CA passent. C’est-à-dire si le ministre de tutelle accepte l’élection d’Eric Hector Hounpkè?

Ça m’étonnerait que le ministre valide en l’état une décision du CA qui, avouons-le, met à mal l’autorité publique qu’il incarne. Il a écrit pour leur demander de suspendre, de sursoir à l’ouverture des candidatures, etc. Il nous a sollicités, chacun, pour nous demander de faire entendre raison à nos représentants du CA. Je pense que certains se sont impliqués dans cette espèce de démarche, pour que cette espèce de crise ou de confrontation CA-Ministère ne fasse pas objet de polémique au grand jour, et que cela ne bloque pas le processus.

Est-ce donc en réponse à cet appel du ministre que vous avez envoyé une lettre de mise en garde au CA?

Non ! Pas du tout. Le préalable, c’est quoi ? Le ministre, qui aura en dernier lieu à valider les travaux du CA, a demandé à ce CA de suspendre les travaux pour que la réforme entre en vigueur. Le CA a estimé qu’il était dans ses droits et qu’il n’avait pas à obéir au ministre. Ils sont allés jusqu’au bout de leur logique. C’est défendable. Mais, l‘autre chose aussi, c’est que les lois de la République confèrent au ministre de ne pas valider les travaux de ce CA là. Cela aussi est défendable. D’où la crise qui se profile. Que je ne souhaite pas, mais je me demande comment on va faire pour contourner la crise.

Justement, comment entrevoyez-vous l’issue de cette crise?

Je ne sais pas. Il faut opérer par miracle. Le CA est dans ses prérogatives, ça je le reconnais, puisque les textes actuels, les textes qui leur donnent le droit de le faire, c’est un décret présidentiel, donc je ne pense pas que le ministre ait le pouvoir de leur interdire quoi que ce soit, sans passer par le Conseil des ministres, par un autre décret présidentiel. Et, dans le même temps, je ne vois pas le ministère avaler ce que ce CA-là vient de faire. Donc, il y a un problème et je n’ai pas la solution. Sinon, il faut opérer par dialogue, par consensus, conciliation des positions. L’essentiel, c’est de réussir à sauver le Fitheb.

Revenons à la lettre de mise en garde

La lettre de mise en grade, je vais repréciser le contenu, les signataires et à quelle occasion elle a été rédigée. Quand nous avons appris que, malgré les demandes et les sollicitations de l’autorité de tutelle, que le CA est passé outre et qu’il est allé désigner M. Hounkpè, qui avait la faveur de la grande partie des professionnels de théâtre du Bénin, dont moi-même, nous avons estimé que le Directeur a été mal désigné dans ces conditions-là. Et qu’il fallait maintenant prendre nos responsabilités. Je parle par exemple de la Ligue des professionnels de théâtre du Bénin ; de l’Association nationale des troupes de ballet et de théâtre du Bénin (Anateb) dont le président est signataire de la lettre ; de Florent Couao-Zotti qui est un écrivain respecté et qui était membre du Comité de suivi, qui a signé la lettre ; de moi-même Ousmane Alédji, j’ai signé ; du Président du Réseau des comédiens du Bénin, Alfred Fadonouigbo, qui a aussi signé la lettre. Nous avons estimé qu’en tant que représentant de ce qui se fait dans le théâtre, comme théâtre au Bénin, nous ne pouvons plus laisser le Fitheb souffrir d’une autre crise. Et c’est là où nous avons entrepris d’écrire cette lettre au CA, pour les mettre en garde contre le blocage du Fitheb. Si le Fitheb n’a pas lieu, ce sont les professionnels du Bénin qui vont en souffrir. Ce ne sont pas les gens de l’administration publique et les institutions. Donc nous leur avons dit “Attention, vous passez outre les instructions de l’autorité de tutelle. Prenez garde, parce que si au final vous sacrifiez le théâtre, vous allez nous en rendre compte. Et le Directeur que nous souhaitons pour le Fitheb, malgré le souhait de tout le monde en sa faveur, on n’est pas aujourd’hui fondé à défendre telle qu’elle a été faite, sa désignation. Parce que vous n’avez pas suivi le processus sur lequel nous nous sommes tous entendus en allant à Grand-Popo. “Mais cela, ça relève de la polémique. Il y a un autre aspect des choses dont tout le monde est au courant, qu’on ne va pas soulever dans la presse.

Si tant est que tout le monde est informé à propos, pourquoi ne pas l’évoquer.

Il faut juste faire remarquer que personne n’aime quitter les choses ici au Bénin. Quitter les choses simplement, sans faire des dégâts, sans crier, sans hurler, sans aboyer. On ne sait pas quitter les choses. Les règles sont connues à l’avance, vous allez jouer le jeu, et à la fin vous contestez les règles du jeu. Ce n’est pas bien, ce n’est saint. Je parle de tout.

Est-ce qu’après votre lettre de mise en garde au CA, vous avez reçu une réaction de la part des administrateurs.

J’ai été approché personnellement, je pense que certainement d’autres l’ont été, par quelques membres du Ca qui tenaient à nous expliquer le pourquoi du comment et les résultats de ces démarches-là. On entre maintenant dans des considérations personnelles, alors que l’institutionnel, le formel est là, et aurait pu être la règle. L’autre chose aussi, est que le ministre, quand il a été informé, puisqu’il a un représentant au CA, que c’est ainsi que le CA est allé jusqu’au bout de sa logique, il a convoqué une réunion à laquelle j’étais. Il y avait aussi M. Tollah Koukoui, Alougbine Dine, Gaou Koffi, Guy Ossito Midjiohouan et bien d’autres, dont Antoine Dadélé, pour les consulter sur la démarche à adopter. Et je peux vous garantir que tout le monde était très remonté contre le Conseil d’administration. Je crois que ce qu’il faut espérer, c’est que si quelque chose était possible, c’est de corriger le tir pour le meilleur des professionnels de théâtre du Bénin. Je dis en clôturant ce sujet, félicitation à Mr Hounkpè qui aura été élu malgré tout. Je dis au CA que ce n’est pas tous les pouvoirs qu’on utilise. Et que le propre même du pouvoir, c’est ne pas l’utiliser, justement. A l’autorité de tutelle, la même chose. De ne pas utiliser le pouvoir, mais d’utiliser le dialogue, la conciliation, parce que le pouvoir quelque fois ne fait pas du bien.  

Certains se sont désolidarisés après coup de cette démarche et sont allés, malgré les instructions et sollicitations du Ministre et  de quelques professionnels, au bout du processus de désignation du Directeur du Fitheb.

Le CA a estimé qu’il était dans ses droits et qu’il n’avait pas à obéir au Ministre. Mais les lois de la République confèrent au Ministre de ne pas valider les travaux de ce CA là. D’où la crise qui se profile.

Je dis au CA que ce n’est pas tous les pouvoirs qu’on utilise. Et que le propre même du pouvoir, c’est ne pas l’utilisé, justement. A l’autorité de tutelle, la même chose.

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