Banamê Sovidji : pleurons, jeûnons, prions

J’ai la conviction indéfectible, et tous les fidèles catholiques  devraient avoir cette conviction inébranlable que l’Eglise, une, sainte, catholique et apostolique existera jusqu’au retour du  Christ, son Fondateur et sa Tête, son Chef. Cette conviction nous vient des Saintes Ecritures et  de l’Eglise elle-même, de son évolution dans le temps et l’espace depuis plus de 2000 ans.

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 Au 5e siècle déjà, avant de partir pour l’exil, le patriarche de Constantinople, Saint Jean Chysostome, rassure  dans une homélie : « Les vagues sont violentes. La houle est terrible, mais nous ne craignons pas d’être engloutis par la mer, car nous sommes debout sur le roc. Que la mer soit furieuse, elle ne peut briser ce roc ; que les flots se soulèvent, ils sont incapables d’engloutir la barque de Jésus. Que craindrions-nous ? » ( La liturgie des heures tome IV  page  978) Il n’y a donc pas à désespérer de l’avenir de l’Eglise dans le monde postmoderne de grandes mutations rapides, de contestation des repères éthiques, des valeurs religieuses surtout chrétiennes catholiques non négociables sous aucun prétexte..

L’Eglise servante du bonheur de l’homme

La situation du monde postmoderne précisément en quête mal orientée de bonheur humain, de bien-être social et économique, en mal du religieux et du spirituel, cette situation tragique donc ne rend-elle pas plus urgente et indispensable la mission de l’Eglise, servante du bonheur profond et durable de l’homme ? Et quand je dis l’homme, j’y inclus la femme puisque le Créateur fit l’homme (gbêto en langue locale fon) masculin et féminin (sounou et gnonnou). Je ne m’embarrasse donc pas d’idéologie du genre ni de quelque tendance de promotion féministe.

Triste célébrité actuelle du Bénin

L’Eglise du Bénin et notre pays n’échappent pas à la crise plurielle qui secoue le monde : crise religieuse et morale, crise sociale et économique, crise politique et idéologique. Hélas ! Notre pays s’est tristement singularisé d’une certaine célébrité relative au phénomène social et religieux de Banamê Sovidji. Quel dommage pour le petit pays de grande renommée du  Cardinal Bernardin Gantin, de Mgr Isidore de Souza, de Mgr Christophe Adimou, de Mgr Lucien Monsi Agboka, du Père Etienne Lissassi, du Père Gilbert Dagnon, du Père Moïse Acakpo, du Père Vincent Adjodohoun, de Mère Saturnine Alapini, et j’en passe. Comme on dit chez nous, comment se tiennent-ils dans leurs tombes au regard de ce qui se passe dans leur pays, au regard de ce que sont devenus certains de leurs fils et filles laïcs, de leurs prêtres, de leurs religieuses, de leurs amis ? Dans la perspective de la foi catholique comptons sur leur intercession au lieu de penser que, mécontents, ils vont se retourner dans leurs tombes contre nous.    

De la résignation à la compassion active

Dans mon article intitulé « Banamê Sovidji : quelles interpellations ? «   j’ai proposé des éléments de réflexion, d’analyse, d’examen de conscience, de triple réarmement spirituel, biblique, ecclésial. (cf La Croix du Bénin n°1176 du 12 octobre 2012). Certaines personnes estiment  qu’il serait bon d’arrêter de parler de Banamê Sovidji dont l’avenir est à courte vue, et que c’est lui faire trop d’honneur, de la propagande. Sa mission serait  du reste  de 30 ans, seulement ( ! )selon la déclaration des initiateurs, parait-il. Mais l’amour du Christ nous pressant, en référence  à l’épisode évangélique de Jésus qui a pleuré sur Jérusalem, (cf Jn, 19,41-42), eu égard à notre ancêtre dans la foi, Abraham, qui a résolument plaidé la cause de Sodome et Gomorrhe (cf Gn 18,16-33) devons-nous nous résigner et rester impassibles face au triste sort de cette multitude d’âmes de la Babylone béninoise ?

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Personnellement je continue d’aimer ces frères et sœurs, d’exhorter à les aimer ; je continue de prier et de faire prier pour eux. Je demande sans cesse à mes paroissiens de répondre à leur cri de feu destructeur par le souhait de la paix vivifiante du Christ, le feu de l’Esprit d’amour du Père et Fils  Au « zo » nous opposons donc « fifa », sans répondre aux violences verbales ni aux provocations. Car nous avons l’obligation évangélique de ne pas rendre le mal pour le mal, coup pour coup, de prier aussi pour ceux qui nous insultent, nous persécutent à cause du Christ, de ne pas nous lasser de faire le bien. Parmi tant d’autres passages je retiens ici, l’exhortation de Saint Pierre : « Ne rendez pas le mal pour le mal ni l’insulte pour l’insulte ; au contraire, appelez sur les autres la bénédiction puisque par vocation vous devez recevoir les bénédictins de Dieu. » (1 P 3,8-9)

J’avoue que lorsque j’ai vu le  reportage de l’O R T B sur leur rassemblement à l’occasion de la solennité catholique de l’Assomption de la Vierge Marie (concurrencée voire détrônée à Sovidji) j’ai eu la chair de poule, j’ai eu les larmes aux yeux tout seul devant le poste de télévision à la vue de ces « têtes mitrées » passant abusivement et malhonnêtement pour évêques et cardinaux. J’ai alors dit intérieurement ; « pardon Seigneur, pardonne-nous, pardonne-leur ils ne savent pas ce qu’ils font, convertis-les, libère-les du Dragon. Et puis  les questions suivantes me sont revenues à l’esprit ; « comment ils en sont arrivés là ? Comment des prêtres, après tant d’années de séminaire, de formation, de discernement, de suivi, et même de ministère peuvent en arriver là ? Qu’est-ce que l’on a fait de la grâce particulière et de l’insigne honneur d’avoir été ordonné prêtre par le pape Paul VI pour en arriver à ce sommet d’errance, de déviance intolérable, de schisme qui ne veut pas s’assumer, se démarquer honnêtement, clairement, courageusement  pour en finir avec les singeries liturgiques et vestimentaires ? Comment en sont-elles arrivées là  ces religieuses  sur qui on a sans doute compté, qui ont rendu des services avec dévouement, qui se sont fait proches des pauvres, des malades ?

Comment en sont-ils arrivés ? Sinon en se laissant piéger par la légion démoniaque de l’orgueil, de la vanité, du mensonge sans oublier Mammon, l’amour de l’argent qui est à la racine de tous les maux (cf 1Ti 6,10).Mais n’aurions-nous pas à divers titres et à cerains niveaux une part de responsabilité lointaine ou récente, directe ou indirecte dans ce qui leur est arrivé, dans ce qui est advenu à Banamê Solevidji et dont la trainée de poudre est allée au-delà des frontières de notre pays ? Je renvoie ici encore à mon article évoqué ci-dessus avant de renchérir sur le que faire déjà abordé dans le même article. 

Que faire encore?

L’amour du Christ qui nous presse nous commande de les aimer, de leur vouloir du bien, de verser des larmes de compassion pour eux, de faire pénitence pour nos péchés, pour leurs péchés, de jeûner et prier sans relâche pour la libération de ces milliers d’âmes de l’emprise abrutissante du Malin, expert à tuer la conscience, à subjuguer l’esprit d’analyse, à enténébrer le bon sens, à empêcher le dialogue rationnel, à vouer à Dieu seul le culte d’adoration.

L’emprise abrutissante du démon ! C’est l’enjeu essentiel de la conversion des cœurs et des esprits de Sovidji. Certes beaucoup de personnes ont déchanté  et fait demi-tour parce que abusées dans leur crédulité et désabusées dans leurs espoirs. Mais beaucoup demeurent incapables de regarder en face les échecs, les décès à Sovidji même, les morts que l’on a ambitionné en vain de ramener à la vie, les accidents mortels de « pèlerins de Banamê » qui croyaient disposer d’assurance de longévité voire de dispense de la mort parce que portant sur eux ou dans leur véhicule la photo de …, le « chapelet rouge », etc. Je me demande en outre pourquoi les prétendus cadres du mouvement sont incapables d’analyse critique, se défilent devant la démarche argumentative. En fait c’est à cause du même effet de l’emprise du Malin qui a l’art de jeter un voile opaque sur l’esprit, sur la raison, sur la conscience.

Que faire d’autre donc? Faire bon accueil aux « fils prodigues ». Nous engager résolument et en connaissance de cause dans la nouvelle évangélisation pour ne pas avoir des « chrétiens sans Jésus »,  des chrétiens de  dévotions », des chrétiens friands de révélations privées  comme l’a si judicieusement diagnostiqué le pape François au cours de son homélie de la Messe du samedi 7 septembre 2013 dans la chapelle de la Maison Sainte Marthe (cf Zénit du 8 septembre 2013). En continuant d’aller à la recherche de la brebis perdue, apprenons aussi du Maitre divin à lui faire des disciples parmi la foule de ceux qui courent après lui pour diverses raisons,  lui trouver des disciples qui acceptent les radicalités et les contre-courants de l’Evangile, qui acceptent de prendre chaque leur croix pour persévérer jusqu’au bout, libérés de toute peur. Car le Christ ressuscité a vaincu le monde, entendez le Prince de ce monde.. Mais en attendant son retour glorieux, soyons sobres, soyons vigilants : notre adversaire, le démon comme un lion qui rugit va et vient à la recherche de sa proie. Résistons-lui avec la force de la foi » (cf.1 P 5, 8-9a). En d’autres termes Saint Jacques exhorte avec gravité : »Soumettez-vous à Dieu, mais résister au diable, et il fuira loin de vous, approchez-vous de Dieu et il s’approchera de vous. Nettoyez vos mains, pécheurs, et purifiez vos cœurs, hommes partagés. Reconnaissez votre misère, prenez le deuil, pleurez ; que votre rire se change en deuil et votre joie en abattement ! Humiliez-vous devant le Seigneur, et il vous élèvera. ( Jc 4,7-10)

Père André Kpadonou
Curé de Naogon

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