L’Un retrouve ses reflexes d’opposition

Longtemps ils sont restés amorphes, faisant du procès de la gouvernance Yayi, le seul mode de leurs luttes d’opposants. Mais hier, les barons de l’Un, Bruno Amoussou en tête, sont sortis de leur torpeur. Une marche pacifique et improvisée les a conduits à l’Ortb, où ils ont réclamé l’accès équitable aux médias de service public. Une initiative louable qui ne devrait pas s’arrêter en si bon chemin.

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C’est à peine croyable. Bruno Amoussou, 73 ans, a pris la tête d’une marche pacifique de l’Un de chez lui – situé à la Patte d’Oie – jusqu’à la Télévision nationale. Si la distance parcourue n’est pour autant essoufflant pour le septuagénaire et ses oilles, tous cinquantenaires ou quadragénaires, il faut saluer l’originalité de l’initiative. Une marche improvisée, pacifique, faite à l’insu des militants, et surtout des pouvoirs publics dont on connaît la promptitude à réprimer les marches de protestation et les mouvements d’humeur des partis de l’opposition. Habilement, ils ont réussi à échapper à la répression qui s’abat sans pitié sur les forces politiques de l’opposition, pour défendre une cause légitime : l’accès de l’opposition aux médias de service public.

Depuis 2006, année de l’arrivée de Boni Yayi au pouvoir, ils ont vu progressivement les portes de l’Ortb se fermer à eux. Le Béninois lambda se rappelle à peine de la seule fois où le leader de l’Un, Bruno Amoussou, a pris par là, un soir, au cours d’une émission de quelques minutes. Pas une seule fois, les leaders de l’Un n’ont été appelés pour apporter leurs points de vue sur les sujets brûlants de l’actualité. Ils n’ont pu avoir la chance d’apporter la contradiction lors d’un débat sérieux qui réunit des forces politiques d’obédiences différentes. Ce qui a fait sortir les responsables de l’Un, c’est le monologue entamé ces derniers jours, au sujet de la révision de la Constitution, avec deux émissions successives organisées avec différents ministres du gouvernement. A un moment où le sujet de la révision fait polémique, l’Ortb n’a pas trouvé, hélas, opportun d’inviter les pourfendeurs du projet à un débat contradictoire avec les hommes du pouvoir. Hier, à l’Ortb, les députés Bruno Amoussou, Saka Fikara, Lazare Sèhouéto, Eric Houndété, Léon Basile Ahossi et Gabriel Tchokodo, ont dénoncé cet ostracisme médiatique. Ils citent à profusion des éléments du Droit positif béninois, qui garantissent ce droit. C’est le cas de la Constitution, de la Charte des partis politiques et d’une décision de la Haac, la Décision 98-050/HAAC du 17 juin 1998, qui prescrit en son article 3 : «Pour l’animation de la vie politique nationale, il est attribué à chaque parti politique ou à chaque alliance de partis, représentés à l’Assemblée Nationale, une tranche horaire mensuelle à la radio, à la télévision, et des espaces rédactionnels dans le quotidien «La Nation»». Mais, depuis 2006, cette décision a été royalement bafouée par la Haac et l’Ortb. Les nombreuses sollicitudes de ces leaders sont restées vaines.

Maintenir le cap

Cette action très courageuse, marque le début d’une nouvelle ère politique pour l’Un. Depuis des années, cette coalition de partis d’opposition est restée trop silencieuse, trop inactive. Or l’opposition ne se contente pas de critiques,  elle se nourrit d’actions énergétiques, et parfois fougueuses comme celle-là. Si l’Un avait procédé ainsi depuis des années, elle aurait réussi à désorienter le pouvoir et changer des décisions dans le pays. Malgré son âge, si Amoussou décide de prendre la tête d’une marche contre l’Ortb, c’est la preuve que cette coalition peut encore lutter pour changer les choses, au lieu de se mettre dans la posture du «spectateur joyeux» qui reste indifférent aux affres et frasques du pouvoir. Ce cap doit donc être maintenu, afin que l’opposition fasse vivre la démocratie béninoise.

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