L’ancien Premier ministre, Pascal Irénée Koupaki, réputé pour son sens de retenue et de silence face aux sujets politiques, a dérogé, pour une fois, à sa règle. C’est la première fois depuis sa sortie du gouvernement, il y a un mois, que l’homme se prononce publiquement.
Au micro de Radio Tokpa, il a donné son point de vue sur des sujets brulants tels que la révision de la Constitution, La correction de la Lépi et la gouvernance au Bénin. C’était après avoir déposé sa déclaration de biens et de patrimoine à la Chambre des Comptes de la Cour Suprême, comme l’exige l’alinéa 2 de l’article 52 de la Constitution du 11 décembre 1990.
«Je pense que le problème qui se pose est un problème de démarche. Peut-être que, dans le fond, on a besoin de traiter la question avec beaucoup de retenue, beaucoup de détachement, moins d’action», a déclaré Pascal Irénée Koupaki, en se prononçant sur la question de la révision de la Constitution. Sans pour autant dire s’il est pour ou contre le projet de révision engagé par le Chef de l’Etat, l’homme a estimé qu’on a, à l’heure actuelle, besoin d’un apaisement pour voir un peu plus clair dans ce qu’il y a à faire dans le sens d’une éventuelle révision.
Il a, par ailleurs, abordé la question de la correction de la Lépi. Sur ce point, l’ancien ministre de Boni Yayi croit savoir qu’on aurait dû finir l’actualisation de la Lépi depuis juin 2012. «Mais, nous prenons le temps de faire lentement les choses essentielles, et nous nous pressons de faire des choses qui ne sont pas essentielles», a-t-il ajouté.
Selon Pascal Irénée Koupaki, la gouvernance de notre pays a besoin d’être repensée. Selon lui, ce n’est pas seulement au cours de ces dernières années qu’on a observé de la mauvaise gouvernance, cela dure depuis de longues années. Pour l’homme, Il faut un vrai débat national sur les questions de gouvernance, car le sujet apparait aujourd’hui comme un facteur important de développement. (Lire l’intégralité de l’interview).
Transcription de l’Intégralité de l’interview accordée par Pascal Irénée Koupaki à Radio Tokpa
Monsieur le Premier ministre, qu’est-ce qui justifie votre présence à Porto-Novo ce jour ?
Je ne fais qu’accomplir un devoir. C’est une obligation. J’ai rempli ma déclaration de patrimoine, je suis venu déposer cette déclaration auprès de la Cour Suprême. Elle sera traitée par la Chambre des Comptes de la Cour Suprême. Je crois bien qu’il faut se mettre en norme quand on entre en fonction, et il faut se mettre en norme quand on sort de fonction. C’est pour cela que je suis arrivé à Porto-Novo, il n’y a plus de raison particulière qui explique ma présence ici.
Beaucoup pensent déjà, dans le milieu politique, que votre départ du gouvernement est le début d’un acharnement politique. Qu’en pensez-vous ?
Non, je n’ai pas ce sentiment-là. Je suis parti tranquillement comme je suis rentré en fonction ; tranquillement. Je ne sens aucun acharnement contre ma personne. Cela fait seulement quatre semaines que j’ai quitté le gouvernement. Je ne sais pas d’où vient cette idée-là. Je vis normalement, je suis un citoyen libre voyez-vous. Je n’ai pas d’agent de sécurité avec moi. Je suis venu de Cotonou à Porto-Novo libre. Donc il n’y a pas de problème à ce sujet.
Monsieur le Premier ministre, avec le recul aujourd’hui, comment appréciez-vous la gouvernance de notre pays ?
La gouvernance de notre pays a besoin d’être repensée. Ce n’est pas au cours de ces dernières années seulement qu’on a observé cela. C’est depuis de longues années. Il faut un vrai débat national sur les questions de gouvernance. La gouvernance apparait aujourd’hui comme un facteur important de développement. Que cela soit la gouvernance politique, administrative, judiciaire, sociale. Toutes ses formes de gouvernances ont un lien commun, car c’est tout cela qui nous conduit vers une bonne gouvernance économique. Donc il faut qu’on prenne compartiment par compartiment, un vrai débat national pour qu’on s’entende. Parce que, ici ou là, il y a des dérives qu’on observe. Ici ou là il y a des précipitations qu’on observe. Ici ou là, il y a des attentes exagérées. Il faut pouvoir donner la mesure qu’il faut à toutes ces choses-là. Donc, un vrai débat national sera l’occasion de revenir sur ces questions-là, parce que cela préoccupe.
La question de la révision de la Constitution. Vous seriez contre les reformes constitutionnelles. Si c’est oui dites-nous pourquoi ?
Vous pensez à ma place. Moi, je n’ai jamais émis une quelconque opinion sur la révision de la Constitution. Je suis un citoyen et je pense que le problème qui se pose est un problème de démarche. Peut-être que, dans le fond, on a besoin de traiter la question avec beaucoup de retenue, beaucoup de détachement, moins d’action. Mais, telle que la procédure a été engagée, je crois qu’on n’a pas bien mesuré le fond de la question, si bien qu’aujourd’hui, j’ai le sentiment que très peu de gens ont lu le document. Alors, au-delà de ce fond-là, il y a la démarche. Il y a eu quelques confusions entretenues, ici ou là, mais je pense qu’on a besoin d’un apaisement pour voir un peu plus clair dans ce qu’il y a à faire.
Mais, une question me dérange, la question de la Lépi ?
Il faut absolument qu’on actualise la Lépi. Comme tout instrument, ça ne peut pas être parfait au départ. Mais, quand on se rend compte qu’il y a des dysfonctionnements, et c’est le cas, il faut s’asseoir et travailler à un rythme plus accéléré. Parce que, si on le fait trop lentement, on pose un problème de confiance entre les gouvernants, les parlementaires et les populations.
Monsieur le Premier ministre, c’est vrai que vous n’êtes plus aux affaires, pour le moment vous vous êtes retiré, vous regardez certainement autrement l’actualité du moment. On avait déjà une décision, qui émane de la Cour Constitutionnelle, qui dit que sans Liste électorale permanente informatisée fiable, on ne peut pas aller aux élections communales. A cause de cette Lépi qui n’est pas prête, on n’a pas pu aller aux élections communales, et beaucoup de Béninois se posent des questions quant à l’avenir. Qu’est ce que vous avez envie de leur dire ?
Pour la Lépi, c’est encore là une question de démarche. Ce que je crois savoir, on aurait dû finir l’actualisation de la Lépi depuis juin 2012. Mais, nous prenons le temps de faire lentement les choses essentielles, et nous nous pressons de faire des choses qui ne sont pas essentielles. La Lépi est essentielle pour rester conforme à l’esprit de la décision de la Cour. Donc, tous les moyens pourraient être déployés à temps, mais le tout ne dépend pas du gouvernement (…) Beaucoup de choses dépendent aussi de l’Assemblée Nationale. Maintenant que l’Assemblée Nationale a pris un rythme, espérons que le rythme soit accéléré. Mais, il est impératif de régler ce problème, pour la crédibilité et la transparence de nos élections.
Transcription : Elysée Dossou
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