Des milliers de terres aménagées pour une autosuffisance du Bénin en riz

Des milliers d’hectares de terres déjà aménagées dans la vallée de l’Ouémé, pour la saison prochaine de culture du riz (en grande partie) et du maïs. Même sur des périmètres entre temps inaccessibles depuis près de 40 ans. Constat de terrain dans le cadre du Programme cadre d’appui à la diversification agricole (ProCard) regroupant le Ppaao et le Pada. 

Publicité

Des carrés de terre de 25/25 mètres, tracés, attendant la décrue pour accueillir  la culture du riz. De petites levées de terre, appelées diguettes, les entourant et servant à maintenir de l’eau. Des drains pour l’évacuation. Un grand collecteur auquel sont ramifiés l’ensemble, et débouchant sur le fleuve Ouémé. A Madoudjè, au village Mondotokpa, Mairie de Dangbo, dans la vallée de l’Ouémé,  sur un périmètre de 60 hectares, cet aménagement hydro-agricole est déjà à 90%, à la date de ce mercredi 25 septembre où nous effectuons notre visite. Un site pourtant inaccessible et inexploité depuis près de quatre décennies. «Déjà plus de 40 ans, qu’un projet de riziculture est arrivé à terme, ce périmètre n’a plus jamais été exploité. Durant l’année, l’eau reste stagnée.» Raconte Théodore Agboyinou, producteur de riz dans ce village. «C’était une grande brousse. Tel que c’était, le site était inexploitable. C’était de l’eau à hauteur de genou, pour personne adulte, à plein temps. Impossible d’y mener une quelconque activité.» Ajoute son collègue Achille Kouton, Président de leur groupement de producteurs, dénommé «Tonafa». A les en croire, les populations impuissantes face à ceci, n’avaient que la possibilité de cultiver quelques mètres carrées en bordure. Et encore, c’était des tentatives avec une forte probabilité de peine perdue. «Parce que axées sur du travail à-tâtons et des méthodes peu productives.» Rappelle Achille Kouton.

Pada, le messie…

Mais, depuis plus d’un an, comme on le perçoit ce mercredi, c’est la joie et l’enthousiasme chez ces producteurs rencontrés sur le terrain. Pour avoir reçu un appui attendu depuis des années, leur permettant d’exploiter et de remettre en valeur la riche et immense potentialité qu’ils ont sur ce site. Joie qu’ils doivent, confient-ils, au Projet d’appui à la diversification agricole (Pada). Un des projets coordonnés par le Programme cadre d’appui à la diversification agricole (Procad) et financés par la Banque Mondiale. Ceci, dans le but de la diversification agricole, de la restauration et de l’amélioration du niveau de la productivité agricole dans la sous-région ouest-africaine.

Ce site de Mondotokpa, apprend-t-on, est l’un des 16 sites retenus pour bénéficier du financement de ce projet, dans la vallée de l’Ouémé. Sur le site de Kodé, que nous avons aussi visité ce 25 septembre, dans la Commune d’Adjohoun, les réalités et témoignages sont les mêmes qu’à Mondotokpa.

D’après les témoignages des producteurs et responsables de regroupements de producteurs rencontrés sur les deux sites, identique est la situation sur plusieurs sites de la vallée de l’Ouémé,  où le Pada investit. Un investissement de plus de 700 millions de francs Cfa à Dangbo seul, pour le compte de l’année 2012, nous informe Emile Noukpo Houansou, producteur de riz et président du groupement Missimidé de Kodonou, dans l’Arrondissement de Késsounnou à Dangbo. Il est aussi le Secrétaire général du Conseil de concertation des riziculteurs du Bénin (Ccrb).

Publicité

Avec ce projet de réhabilitation des périmètres, les producteurs de riz de ces sites retrouvent le sourire, du fait que leurs terres sont désormais exploitables et avec une assurance d’avoir une bonne récolte. «Seule, la récolte de ce périmètre est à même de nourrir tout Dangbo.» Se réjouit  Agboyinou Théodore. Il poursuit : «Et si on doit comptabiliser les récoltes de toutes les superficies prévues dans l’Ouémé, je peux dire sans me tromper, que la vallée de l’Ouémé, seule, peut couvrir la demande de tout le Bénin.»

Des contraintes levées

Le Pada, en réalité, est ce projet qui a permis de lever un certain nombre de contraintes qui constituaient des obstacles pour la valorisation de cette vallée de l’Ouémé. C’est le cas de la maîtrise de l’eau. «L’eau était notre problème majeur.» Témoigne Hyppolite Agossa Ahossa, président du groupement Finagnon de Kodé. «C’est cette maîtrise qui a permis de libérer des terres, pour l’installation prochaine des cultures», explique Bulgide Zoumènou, Point focal Ouémé-Plateau. A cette étape d’installation des cultures, intervient le Projet de productivité agricole en Afrique de l’Ouest (Ppaao), un autre projet toujours du ProCard, complémentaire au Pada. «Parce qu’après libération des terres, on va commencer à installer les cultures, principalement le riz. Cet accompagnement du Ppaao, consistera à faire changer de comportements aux producteurs.» Il s’agit de transferts aux producteurs, de nouvelles technologies. A propos, les producteurs interviewés informent qu’ils ont été formés sur de nouvelles techniques, dont le Sri (système de riziculture intensif) qui permet d’accroître la productivité avec peu de semence. L’objectif étant de faire de ces producteurs des professionnels dans leur domaine, pour qu’ils soient à la longue indépendants. Tous les deux projets, le Pada comme le Ppaao, reposent sur le principe du Faire-faire.  «Cela va leur permettre de pouvoir maîtriser les techniques améliorées, et poursuivre eux-mêmes après le projet. Puisque ce sont eux-mêmes qui exécutent actuellement les travaux, sous l’encadrement du Carder.» Explique Edouard Dofonsou Gbègbèlègbè, Chargé d’aménagement hydro-agricole au niveau du Carder-Ouémé et point focal Pada. En témoigne ici Emile Noukpo Houansou. «C’est nous-mêmes qui réalisons les travaux. Une main d’œuvre locale pour que nous n’ayons pas de difficulté à continuer, à pérenniser les acquis que nous avons gagnés du Pada, lorsque le projet va se retirer. Pour que, dans l’avenir, on ne tend plus la main, et qu’on puisse vivre pendant longtemps heureux dans l’agriculture, surtout dans cette vallée.»

D’autres contraintes relevées, c’est l’accès au financement agricole et la lutte contre les oiseaux ravageurs. Cette lutte est essentielle en matière de riziculture, surtout dans cette vallée de l’Ouémé. «Si la protection aviaire n’est pas assurée, il faut leur accorder deux heures, pour ne rien récolter sur 10 hectares.» Mais, déjà, il y a une solution, celle de l’utilisation des filets de pêche. Dont l’acquisition est laissée à la charge des producteurs, selon le contrat avec le Pada. «On leur apprend à pêcher et non à leur donner seulement du poisson. Il y a des choses que les producteurs doivent pouvoir s’organiser pour faire.» Indique le Chef-projet Pada. Dans l’ensemble du projet, le Pada contribue à hauteur de 75%, contre 25% en nature et en numéraire de la part des bénéficiaires. Toutefois, puisque l’acquisition de ces filets est revenue dans les difficultés et doléances des producteurs, le Chef-projet précise : «Par rapport précisément au filet, s’il faut encore les aider, on va étudier en Comité de gestion, parce qu’on ne peut pas produire et laisser les oiseaux dévastateurs les détruire.» Puisqu’il s’agit plus précisément de braver 5.600 hectares au plan national, dont 2.500 hectares dans la vallée de l’Ouémé, à en croire le Chef-projet.

Le retour massif à la terre

Avec ces contraintes levées, le retour des jeunes à la terre se précise. «Grâce à l’aide du Pada, nos frères conducteurs de zémidjan, ont décidé de se convertir en producteurs de riz. Beaucoup de femmes sont dans les champs de riziculture.» Témoigne Jeanne Agbokannou, présidente de «Mihinmidé», un groupement de productrices de riz, basé à Hondji. Elle sera appuyée par Edouard Dofonsou Gbègbèlègbè, qui confirme que «ceux qui, dans le passé, ne pouvaient pas cultiver, parce que les terres sont inondées, et parce qu’il y a beaucoup de contraintes liées, sont revenus». «Ces contraintes, les majeures, c’était la non-maîtrise de l’eau, la pression aviaire, le non-accès au financement.» Ajoute Bulgide Zoumènou. Aussi, annonce-t-il, le niveau de la productivité constituera-t-il une source de motivation. «Quand les producteurs adoptent les technologies éprouvées et constatent que leurs revenus sont améliorés, ils continuent. C’est ça qui va faire revenir les jeunes qui sont en ville». C’est d’ailleurs l’un des objectifs du Pada. «Ce que nous attendons, c’est surtout la jeunesse.» Souligne le Chef-Pada. Il espère que, quand ces jeunes verront les résultats de la campagne prochaine, ils vont s’y investir. «Et les problèmes de chômage et de sous-emploi trouveront une solution par ici.» Projette-t-il, soulevant un paradoxe. «Nous importons du riz, pourtant on a des terres pour sa culture et pour nourrir tout le Bénin». Il ajoute, «c’est en cela qu’on s’attèle.»

«Et la jouissance des fruits du présent investissement, c’est pendant des années encore car l’aménagement qui est fait par le Pada, les producteurs vont en profiter encore, pour beaucoup d’années.» Rassure le point focal Pada Ouémé. «Mieux, avec chaque année, une bonne récole de riz de bonne qualité et compétitive sur le marché, pour libérer le Bénin de la dépendance vis-à-vis de l’extérieur, pour cette spéculation.» Se réjouit Emile Noukpo Houansou, Sg du Conseil de concertation des riziculteurs du Bénin (Ccrb). 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Publicité