Jean Yves Sinzogan dénonce l’immixtion des parlementaires dans le Cos-Lépi

Il était candidat à la dernière élection présidentielle. Mais depuis 2011, Jean Yves Sinzogan fait de la correction du fichier électoral son cheval de bataille. Après avoir exigé du Sap-Cena la publication de la liste électorale, il envoie le 02 Septembre dernier un recours à la Cour constitutionnelle pour demander de déclarer contraire à la constitution deux dispositions de la loi N°2012-43 portant apurement, correction, mise à jour et actualisation du fichier électoral national et de la Lépi.

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Il s’agit des articles 6 et 87, alinéa3 de cette loi qui viole selon lui la constitution et  met les députés dans un rôle de juge et arbitre.  

Jean-Yves SINZOGAN   Ouagadougou, le 2 septembre 2013

02 BP 955 Cotonou

A Monsieur le Président de la Cour Constitutionnelle

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COTONOU

Objet : Recours pour inconstitutionnalité de la Loi n° 2012-43 portant apurement, correction, mise à jour et actualisation du fichier électoral national et de la liste électorale  permanente informatisée (LEPI).

Monsieur le Président,

Par la présente, je viens soumettre à la Haute Juridiction un recours en inconstitutionnalité de la Loi n° 2012-43  portant apurement, correction, mise à jour et actualisation du fichier électoral national et de la liste électorale permanente informatisée (LEPI), en particulier en ses articles 6 et 87.

1. Inconstitutionnalité de l’article 6

L’article 6 de la Loi n° 2012-43 est libellé comme suit « Article 6 : De la composition du Conseil d’orientation et de supervision.

Le Conseil d’orientation et de supervision est composé de onze (11) membres désignés comme suit :

– cinq (05) députés par la majorité parlementaire ;

– quatre (04) députés par l’opposition parlementaire;

– du directeur général de l’Institut national de la statistique et de l’analyse économique ;

– du directeur du service national en charge de l’état civil.

Les députés sont désignés chaque année pendant la période de mise à jour à savoir du 1er juillet au 31 janvier.

En tout état de cause, aucun député ne peut siéger plus de deux (02) fois dans le Conseil d’orientation et de supervision au cours d’une même législature ».

Selon cet article, le Conseil d’orientation et de supervision de la LEPI (COS-LEPI) est essentiellement composé  de députés qui se sont adjoints, puisque cette loi est une initiative de l’assemblée nationale, deux responsables techniques de l’Administration nationale. La position de ces deux responsables dans l’énumération des membres du COS confirme bien qu’ils ne viennent qu’en complément des députés.

Or, la Constitution de la République du Bénin en son article 79 dispose : « Le Parlement est constitué par une assemblée unique dite Assemblée nationale, dont les membres portent le titre de député. Il exerce le pouvoir législatif et contrôle l’action du Gouvernement. ». Cet article qui indique clairement le rôle des députés est confirmé par diverses autres dispositions de la Constitution, notamment les articles 94 à 113 qui organisent les rapports entre l’Assemblée et le Gouvernement. En particulier, aucune disposition de la Constitution ne prévoit que la confection ou la correction de la liste électorale relèvent des attributions de l’assemblée nationale.

Or, l’article 5 de la Loi n° 2012-43 est libellé comme il suit : « Article 5 : De la création et des attributions du Conseil d’orientation et de    supervision (COS).

Il est créé une structure administrative, indépendante dénommée Conseil d’orientation et de supervision.

Elle est dotée de la personnalité juridique et de l’autonomie administrative et de gestion. Ses attributions sont :

• de définir les orientations stratégiques de l’Agence nationale de traitement (ANT) ;

• de superviser l’Agence nationale de traitement ;

• d’analyser et régler les difficultés d’application pratique pouvant résulter des dispositions légales et réglementaires relatives au fichier électoral national;

• de définir les autres applications et les modalités de leur gestion ;

• de décider de toutes les questions permettant d’assurer la gestion et le fonctionnement effectif de l’Agence nationale de traitement et des Commissions communales d’actualisation en charge des opérations continues d’apurement, de correction et de mise à jour du fichier électoral national ;

• d’élaborer  et valider le budget de l’Agence nationale de traitement ;

• d’adopter le document de faisabilité technique des opérations d’apurement, de correction et de mise à jour ;

• d’adopter le règlement intérieur et le manuel de procédure de l’Agence nationale de traitement ;

• de recevoir les plaintes des citoyens et lancer les enquêtes s’il le juge nécessaire.

Le Conseil d’orientation et de supervision se met en place le 1er juillet de chaque année et cesse ses travaux le 31 janvier de l’année suivante. »

Il apparaît clairement que le COS est une « structure administrative, indépendante…dotée de la personnalité juridique et de l’autonomie administrative et de gestion ». Le COS LEPI n’est donc pas une émanation de l’Assemblée destinée à concourir à l’exercice du pouvoir législatif ni au contrôle de l’action du Gouvernement. Il est une entité dont les fonctions relèvent entièrement du domaine de l’Exécutif.

Par conséquent, il ne peut être donc composé de députés ni à titre essentiel ni à titre subsidiaire.

Au surplus, en vertu des dispositions de l’article 5, les députés qui sont eux-mêmes des élus, deviennent juge et partie et s’arrogent, parmi d’autres, le droit « de recevoir les plaintes des citoyens et lancer les enquêtes s’il le juge nécessaire » ou celui de « de définir les orientations stratégiques de l’Agence nationale de traitement (ANT) » ou encore « de superviser l’Agence nationale de traitement ». A l’examen, aucune des attributions de l’article 5 ne  relèvent du domaine de l’Assemblée nationale.

Il apparait  clairement sur la base de ces motifs, que l’article 6 de la Loi n° 2012-43 viole les dispositions de l’article 79 de la Constitution de la République du Bénin.

2. Inconstitutionnalité de l’article 87

L’article 87 de la Loi n° 2012-43 intitulé « De la publication de la liste électorale » dispose en son troisième alinéa : « Toutefois pour les versions actualisées de la liste électorale permanente informatisée, seules les informations ayant subies de modifications sont publiées au Journal Officiel ».

Cette disposition ne permet pas aux électeurs, individuellement et collectivement, de s’assurer que la liste respecte les critères de qualité définies par l’article 36 de la même loi , cet article dispose : « Les opérations d’apurement, de correction de mise à jour et d’actualisation du fichier électoral et de la liste électorale permanente informatisée doivent se faire en respectant les principes d’universalité et d’égalité conformément aux dispositions de l’article 6 de la Constitution du 11 décembre 1990,  à travers  le  respect des  critères  de transparence, d’exhaustivité, d’actualité, de fiabilité et de sincérité ».

Le troisième alinéa de l’article 87 s’oppose donc à l’esprit des dispositions de l’article 36 et les vide de leur substance dans la mesure où les qualités de la liste énoncées dans l’article 36 ne peuvent être attestées par les électeurs, la société civile, les observateurs ou toute autre partie intéressée, que si l’accès à la liste entière est libre et garantie pour tous. Le fait de procéder à des corrections et de les afficher ne garantit nullement qu’il ne subsiste pas d’erreurs dans la liste. En outre, il n’est pas concevable, dans un régime de démocratie, d’empêcher les électeurs d’accéder, avant une élection, à la liste électorale dans son entièreté. Enfin, rien ne s’oppose matériellement à l’affichage de la liste entière, après correction, dans le Journal officiel ou sur les autres supports d’affichage.

Par ailleurs, cet alinéa s’oppose de fait à toute publication de la liste électorale permanente informatisée dans son entièreté. En effet, le libellé de l’article laisse supposer que la liste dans  sa version initiale a déjà fait l’objet d’une publication dans  le Journal officiel. Or, il est notoire que cette publication n’a jamais eu lieu. La Cour constitutionnelle elle-même l’a reconnu à travers diverses décisions, en l’occurrence, la Décision EP 11-052 du 31 mars 2011. Si telle ne devrait pas être l’interprétation de cet alinéa, le législateur devrait alors veiller à ce que la version initiale soit publiée  avant que ne commencent les opérations de correction de la liste ; à cet effet, la publication de la liste initiale devrait figurer dans les dispositions transitoires décrites dans le chapitre III du titre IV da la même Loi.

Le troisième alinéa est donc contraire à la Constitution de la République du Bénin en ce qu’elle viole l’article 6 de cette Constitution.

C’est au regard de ces motifs que je viens solliciter de la Haute Juridiction  qu’elle déclare contraire à la Constitution de la République du Bénin la Loi n° 2012-43 portant apurement, correction, mise à jour et actualisation du fichier électoral national et de la liste électorale permanente informatisée (LEPI) en ses articles 6 et 87.

Veuillez accepter, Monsieur le Président, l’expression de mes salutations distinguées.

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