La République des insolites

Notre pays raffole d’histoires insolites, de discours et d’actes rébarbatifs, provenant d’hommes politiques, capables de dire des inepties à vous couper le souffle. Le week-end dernier, on a eu le pic de cette valse des conneries républicaines. De Glo-Djigbé à Cotonou, députés, ministres et même le Chef d’Etat se sont illustrés.

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Là-bas à Glo-Djigbé, les fidèles de l’Eglise africaine de réveil ont été abasourdis par les agissements d’un coreligionnaire devenu ministre. Il s’agit de Valentin Agossou Djènontin. Promu Garde des Sceaux, il lui fallait, pour coller à la tendance actuelle, organiser sa «messe de remerciement», pour louanger le Chef de l’Etat qui lui fait à nouveau confiance, en le conservant dans son gouvernement et en lui donnant ce poste assez prestigieux. Le méritait-il ? Pas si sûr qu’un autre Président, rompu aux subtilités du Pouvoir d’Etat, nommerait un Administrateur des hôpitaux, comme lui, à ce poste, et à un moment où la fronde des Magistrats fait rage. Alors, il ne peut manquer au devoir de remercier son sauveur et «Messie». Mais, curieusement, ce dimanche, l’Eglise a été inondée de prospectus sur la révision de la Constitution, et les fidèles n’ont pu échapper au grand oral du ministre sur le projet querellé. L’obsession du pouvoir, le goût poussé pour la propagande, la volonté d’abrutir le Peuple, n’a plus de retenue au sein des membres du gouvernement, prêts à utiliser Dieu pour faire la politique, en bafouant le principe de la laïcité de l’Etat. Exit les populations qui, à la quête de présents et de jetons de présence, qui soucieux de voir leur bourgade électrifiée, se sont sentis désabusés par un politicien peu soucieux de leur bien-être.

Allons à quelques kilomètres plus au Sud. A Cotonou, et plus précisément au Palais de la Marina, où un autre épisode de l’insolite politique s’est joué. Ici, c’est le Chef de l’Etat et un député qui se mettent en vedette. Le député en question s’appelle Lucien Houngnibo. Si ce nom ne dit presque rien au grand monde c’est simplement parce qu’il fait partie des hommes politiques de la nouvelle génération, qui ont gagné l’arène politique juste après l’arrivée de Boni Yayi au pouvoir. Elu Maire de la Commune d’Allada en 2008, il a essuyé une longue fronde de ses conseillers, avant de l’échapper bel, en se faisant élire député dans la 5è circonscription électorale, lors des législatives de 2011. Ce samedi soir à la Marina, le Chef de l’Etat avait convoqué quelques membres de sa majorité, pour la politicaillerie. Il s’agit de désigner celui qui va prendre le poste de Deuxième Questeur de l’Assemblée Nationale, laissé vacant par Mme Françoise Assogba promue ministre de la Micro-finance. Un gâteau à donner, mais qu’on ne peut couper en deux pour satisfaire les appétits de Valentin Houdé, et surtout de Lucien Houngnibo. Mais, au cours des discussions, Houngnibo ne retient plus ses nerfs. Qu’il ne pourrait plus vivre si on ne lui accorde ce poste et que depuis qu’il est élu député, il n’a rien gagné sauf que l’ex-ministre de la Jeunesse et des Sports, Didier Aplogan, lui a donné 200.000 F de tickets-valeur. Alors que tout semble lui filer entre les doigts au profit de Valentin Houdé, qui a les faveurs du Chef de l’Etat, un membre de cette majorité présente à cette réunion, lui propose un autre poste, mais il s’y oppose, affirmant qu’il n’y a rien  à «bouffer» là.  Et effectivement, il tomba en syncope et ne retrouve ses esprits qu’à l’Hôpital d’Instruction des Armées. Le Chef de l’Etat lui rendra d’ailleurs visite pour lui souhaiter prompt rétablissement.  L’acte et le discours de Houngnibo, d’une rare ignominie, résument la politique à la seule recherche de la satisfaction personnelle et de réalisation de soi. Mais, ils ne révèlent pas que la nature de cet étrange personnage politique, mais aussi et surtout une crise morale. On y va en politique comme on choisit de faire du commerce, pour gagner de l’argent.  Pas besoin de discours politique, de projet de société, d’ambitions pour le pays ou ses électeurs, l’essentiel est de savoir distribuer des billets de banque, de savoir «acheter» les voix et de les revendre plus chers. Ou à défaut, bénéficier de strapontins pour rentabiliser son investissement. C’est le business le plus rentable au Bénin. Depuis que les hommes d’affaires ont compris cela, ils se sont tous jetés dans la politique. Le cas Houngnibo n’est pas singulier. Il est l’expression de la honte nationale et de l’échec d’une génération d’hommes politiques. Yayi, lui, a compris que le système était pourri, depuis des années, et il en profite à merveille.

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