Les « fous » de Dieu

C’est peut-être le seul domaine où les acteurs ne se plaignent guère au pays. Depuis quelques années, l’activité religieuse prospère au Bénin. Il faut les voir, ces Ecclésiastes fagotés dans des costumes de toutes les gammes, exhibant leur Bible aux bordures rouges, qu’ils ont toujours en main. A Cotonou, Porto-Novo, et les grandes villes du pays, ils essaiment nos rues, nos maisons,  parcourent les vons, à la recherche de terrains vides qu’ils n’hésitent pas à transformer en chapelles de fortune.

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Il suffit de construite un hangar, de faire fabriquer par le menuisier le plus proche, un ou deux bancs, ou même de les emprunter auprès d’un fidèle, pour qu’une nouvelle confession religieuse naisse. Le Pasteur s’occupe du reste. Il baptise d’abord sa chapelle. Dans les rues de Cotonou, on ne compte plus le nombre, de plus en plus croissant, de «ministères», de «chapelles de …», de «missions», de «montagnes», et tutti quanti. Le seul talent recherché ici, est la grande gueule du Pasteur. Il lui suffit de commencer à réciter béatement, et à tue-tête, quelques versets bibliques, de se faire accompagner par quelques fidèles désœuvrés qui répondent en chœur «Amen» (prononciation anglaise), pour ameuter les autres. A eux, on miroite les merveilles de la Bible, de la Foi en Jésus Christ, reconnu comme le seul Sauveur et la panacée à tous les problèmes. Petit à petit, le nombre des fidèles croît. Les ambitions du Pasteur changent. Il montre à ses fidèles la nécessité de construire une chapelle plus grande, et combien de fois il est miséricordieux de mettre la main à la poche pour construire la maison de Dieu. Les fidèles doivent serrer les ceintures, et débourser leurs maigres ressources pour cela. A chaque fois, il y a toujours un défi à relever, qui demande la contribution matérielle du fidèle. Pendant ce temps, le Pasteur lui, bâtit sa fortune, infiltre les réseaux politico-religieux en vogue à Cotonou, depuis que les «évangélistes» sont au pouvoir. En plus des deniers et des quêtes des fidèles, il court pour capter la manne étatique. Les fidèles médusés, voient le bonheur qu’on leur a promis se transformer en calvaire. La paupérisation s’abat sur eux et leurs familles, avec  acuité. Le seul espoir est entretenu pendant les prêches et les cultes. Dieu est le seul recours, «le soupir des accablés», comme l’a dit Karl Marx. Maladie, accident, manque d’argent pour faire face aux charges élémentaires de la vie, décès, c’est Dieu qui sera la cause de tout cela. Le croyant n’a rien d’autre à faire que de prier, prier à tue-tête, même jusqu’à faire éclater sa corde vocale. Le maître spirituel, le Pasteur réussit ainsi à dompter ses fidèles, en les appauvrissant davantage. C’est une sorte d’esclavage spirituelle qui ne dit pas son nom, et qui anesthésie totalement les croyants. Même les banalités de la vie sont assimilées à des menaces d’ennemis mécréants. Que le vent fait balancer une petite feuille dans les alentours, c’est la manifestation du diable. On crie «sang de Jésus».  Une conduite imprudente d’un motocycliste, «sang de Jésus».

Les nouveaux maîtres de la Bible ne persécutent pas que leurs fidèles. Les voisins des chapelles ne dorment plus. Ils doivent subir, à longueur de journée, les affres de la pollution sonore, devenue le lot quotidien des fidèles. On crie, on chante et danse tout le temps. Attendant naïvement que Dieu fasse des miracles dans les vies.  Ce sont eux les «fous» de Dieu, qui polluent dangereusement le Bénin, et qui hélas, reçoivent grâce et soutien au sommet de l’Etat.

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