Vèdoko : jeux de cache-cache entre policiers municipaux et réfugiés togolais

Déguerpis du jardin public de Vèdoko, en face du carrefour «la vie», où ils venaient de passer exactement dix jours, à la belle étoile, puis conduits sous escorte policière jusqu’à Godomey, les réfugiés togolais sont revenus sur le site, hier dès le coucher du soleil. Entre policiers municipaux et réfugiés togolais, c’est le jeu du chat et de la souris.  Chassés hier du jardin public de vêdoko, et conduits jusqu’à l’entrée d’Abomey-Calavi, certains réfugiés togolais sont revenus dans la soirée d’hier, sur les mêmes lieux.

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 « A Godomey, en face des bureaux de la Sbee où nous avons trouvé refuge, après avoir été chassés  par la Police municipale du jardin public de Vêdoko, nous ne sommes pas en sécurité. On a que le choix de revenir. » C’est en ces termes qu’un des réfugiés togolais justifie leur retour, dans la soirée d’hier au jardin de Vèdoko. A bord de taxi ou avec des « zem »,  la plupart des réfugiés déguerpis dans l’après-midi ont regagné le jardin public de Vèdoko, où ils étaient depuis dix jours.  Là, ils sont  installés, colis éparpillés, et végètent dans des conditions exécrables.

Retour sur les faits

Le « feuilleton » séjour des réfugiés togolais au Bénin, connait  un nouvel épisode.  Après Lokossa, la Mairie de Cotonou ne veut plus des réfugiés togolais illégalement installés sur une des places publiques sur son territoire. Chassés dans l’après-midi de la journée d’hier, les réfugiés togolais ont pris quartier, pendant quelques heures, dans la Commune d’Abomey-Calavi, au pied de l’échangeur de Godomey.

13 heures 10 minutes. Ce mercredi 23 octobre 2013. Dans le jardin de Vèdoko situé à quelques mètres du carrefour la « Vie « . Les réfugiés s’y  trouvaient encore.  Comme à leur habitude, depuis  le lundi 14 octobre,  après avoir été chassés de la Maison du Peuple de Cotonou.

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Quelques minutes après. A 13 heures 20 minutes. Les réfugiés togolais reçoivent la visite des agents de  la Police Municipale de Cotonou. Une trentaine. Leur mission est, visiblement, de faire quitter les réfugiés du jardin public.

La marche vers l’obscurité

Le périple commence. La marche d’Agamè pour Comè, à pied, reprend   pour ces réfugiés. Des centaines d’hommes,  femmes, jeunes, et enfants en majorité. Ils démarrent pour une destination inconnue, en direction d’Abomey-Calavi. Sous escorte de la Police Municipale de Cotonou. Chargés de sacs au dos ou sur la tête, les nattes à peine pliées  tenues en main. Les pieds  nus pour certains. Dans le rang des réfugiés, des chansons de détresse pour se soulager des peines de la longue marche. « Nous irons au bout du monde, les réfugiés ne vont pas mourir ». Peut-on retenir, des chansons exécutées jusqu’à destination.  

Au pied de l’échangeur de Godomey. A en croire Maounou Sogbo, un des responsables des réfugiés, les policiers sont venus les déloger sans un avertissement.  » Actuellement nous ne sommes plus au nombre, car d’autres ont fui. On ne retrouve plus tous les enfants. « Laisse-t-il entendre.  

Informée de la descente des agents de la Police Municipale de Cotonou, la Ligue Béninoise des Droits de l’Homme, commet un huissier pour le constat. Me Lassehin Codjo Antoine.  » Nous autre sommes là pour faire le constat. Ma mission s’arrête à  ce  niveau,  on pourra voir le reste après », fait-il savoir.

14 heures 55 minutes, le premier refugié arrive au niveau de l’échangeur de Godomey. Les autres suivront peu à peu. C’est en fonction de la force que chacun a dans les jambes et de la capacité à pourvoir porter un enfant dans le dos, ou un bagage sur la tête, tout en faisant le chemin  de croix. En moyenne deux heures de marche pour tous. Enfants, jeunes, et personnes âgées sans discrimination. Mais, à peine 4 heures plus tard, les voilà de retour, en tout cas pour certains, au jardin de Vêdoko d’où ils venaient d’être déguerpis. Et ils y sont, attendant peut-être d’être à nouveau délogés. Une tragédie qui prendra fin quand ? On ne le sait.

Un déguerpissement saugrenu des réfugiés togolais

S’il est une réalité que l’Unhcr et le ministère de l’Intérieur ne reconnaissent plus le statut de réfugié à ces «cas sociaux», ils n’en demeurent pas moins des êtres humains, qu’on doit, au-delà de toutes formalités administratives et paperassières, traiter avec dignité. Après tout, l’être humain n’est-il pas sacré ?

Qu’est-ce qui peut expliquer le dernier déguerpissement, celui d’hier, qui parait encore plus saugrenu que les deux premiers ? Saugrenu en ce sens que ces déguerpissements, loin de régler le problème, ne font que le déplacer, en créant plus de dommages. La preuve en est que certains réfugiés sont retournés au jardin de vèdoko, quelques heures seulement après leur déportation.

Alors que le ministre de l’Intérieur était déjà monté au créneau pour promettre une gestion humanitaire de cette situation lamentable et dégradante qui n’arrange personne, qu’est-ce qui peut encore justifier une déportation vers un site à peine accueillant, sous un échangeur, en plein air et en toute insécurité?

Où sont donc passés les associations de défense des Droits de l’Homme et autres organisations non-gouvernementales à caractère humanitaire qui jonchent l’espace béninois ? Où est passé le Haut Commissariat à la Solidarité Nationale ? Où sont passés les services de protection civile, ou les organisations humanitaires et de gestion de catastrophes au Bénin ? La présence, en plein cœur de Cotonou, d’êtres humains, dans des conditions misérables, quels que soient leur statut et leur nationalité, n’est-elle pas un phénomène, une catastrophe humanitaire, à prendre avec plus de sérieux ?

Où est passé ce Bénin, terre d’accueil et d’hospitalité, que les aïeux nous ont laissée en héritage?

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