Comment le Budget 2014 ne reflète pas les contraintes de l’économie nationale

(Les propositions de la Maison de l’Entreprise pour une transformation de l’économie béninoise) Le Processus d’adoption du Budget Général de l’Etat, gestion 2014 est enclenché depuis peu à l’Assemblée Nationale. Les ministres ont commencé leur ballet devant la Commission Budgétaire, pour défendre chacun le budget de son département.

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Dans le même temps, des voix averties se lèvent pour attirer l’attention de l’opinion publique et du gouvernement, sur les mauvaises options contenues dans cette Loi de Linances 2014. Sur le plateau de l’émission Zone Franche de la chaine de télévision privée Canal 3 Bénin, Eric Houndété, député de l’Union Fait la Nation (Opposition), a qualifié ce budget de l’expression de la navigation à vue du régime Yayi. Dans un mémorandum dont l’intégralité est ci-dessous publiée, Albert Victor Fakeye, Zola Michel Ballo et G. Marcle Davo, trois économistes de la fondation la Maison de l’Entreprise du Bénin (Meb) tirent à leur tour sur la sonnette d’alarme. Respectivement Analyste économiste, Economiste gestionnaire et Statisticien économètre, ces trois connaisseurs de l’économie béninoise postulent que : La Loi des Finances 2014 en étude à l’Assemblée Nationale ne reflète pas les contraintes de l’économie nationale. Après avoir relevé les limites des politiques actuelles pour l’emploi au Bénin, les entraves à la transformation de l’économie béninoise, Albert Victor Fakeye, Zola Michel Ballo et G. Marcle Davo font des propositions pour une transformation de l’économie béninoise. Une transformation  basée sur la promotion de l’entreprise. Lisez plutôt.  

REPUBLIQUE

DU BENIN

MAISON DE L’ENTREPRISE DU BENIN (MEB)

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Fondation

Mémorandum

Loi des finances 2014

Soutenir la transformation de l’économie nationale

NOVEMBRE  2013

Soutenir une politique économique nationale durable

Le choix  d’économie de marché adopté par le Bénin depuis la conférence nationale de 1990, a accordé, au vrai sens du terme, une place prépondérante au secteur privé qui est appelé à jouer un rôle moteur dans la création de la richesse et des emplois et à soutenir une croissance durable dans le pays. Les exigences de cette approche économique imposent au pouvoir public la création des conditions de valorisation des secteurs économiques avec la mise en place des mécanismes qui promeuvent la transformation progressive de l’économie nationale vers la vision de l’Etat qui est de faire du Bénin un pays à forte croissance économique soutenue par une classe moyenne qui investit et consomme la production nationale.

Le centre de contrôle de l’application de cette volonté de l’Etat de faire du secteur privé un acteur majeur est l’appui inclusif à l’entreprise quelle que soit la taille.

Au Bénin, ces vingt dernières années, il a été noté une volonté politique publique de construire un cadre institutionnel et des dispositifs favorables à l’entreprise.  Malheureusement la plupart des initiatives n’ont pas eu les effets attendus. Ceci pour plusieurs raisons dont entre autres,  le fort développement de l’entrepreneuriat politique, c’est-à-dire l’emprise de la politique sur toute volonté d’action de changement et de développement national.

Ce qui fait de ces cadres institutionnels et dispositifs qui évoluent au gré de chaque régime ne sont juste qu’un outil politique et non un outil de développement, ni un outil de politique publique ; parce que même les personnes chargées de mener les activités de ces dispositifs ne s’y connaissent pas des offres et de la demande de l’économie.

L’exemple le plus impressionnant est que le Bénin n’a pas pu mettre en œuvre la charte des PME, le Code de l’Artisanat et ne dispose d’aucune organisation représentative réelle des petites et moyennes entreprises. Les organisations professionnelles dans différents secteurs de l’économie nationale ne fonctionnent point. Alors que dans la sous région de l’espace UEMOA, la plupart des pays ont fini avec les chartes des PME pour faire le choix d’une loi de promotion économique prenant en compte les changements attendus et les incitations par secteur de l’économie.

Au Bénin, une réforme quelle que soit sa forme, technique, thématique et sectorielle dure en moyenne dix ans. C’est dire que, même l’administration publique et les institutions politiques ne fonctionnent pas réellement. L’exemple, au moment où le Bénin n’arrive pas à réformer son code des investissements, le Togo à coté l’a fait et a même fusionné désormais le code des investissements avec la loi sur la zone franche et les zones économiques spéciales.

Mais, ce ne sont pas les foras de réflexions sur l’économie qui manquent au Bénin, seulement l’administration publique par entité de ministère a un fonctionnement individuel, les institutions stratégiques également et chacun défend son chapitre et entre temps le secteur privé, en particulier les entreprises, vivent dans l’attentisme.

Que deviennent  ou à quoi servent les politiques publiques sectorielles quand elles sont absentes  des  lois des finances chaque année ? De 1994 à 2008, il a été dénombré plus de cinquante études dans différents secteurs pour la relance du secteur privé financé souvent par les bailleurs. Les préconisations des études servent à quoi ?

Pour mémoire, le Bénin a organisé respectivement, la Table Ronde sur la Relance du Secteur Privé en 1994, la conférence économique nationale en 1996, le Forum National sur l’Accélération de la Croissance Economique en 2001 et la table ronde sur le partenariat public-privé en 2012.

Mais aucune de ces rencontres n’ont abouti à des applications réelles de solutions issues des assises dans une politique publique, dans une loi des finances, dans une réforme économique.

Des exemples de faible application de solutions de développement national sont multiples, en 1997, le gouvernement adopte,  une politique de promotion des PME, suite à un séminaire national tenu à Lokossa. Mais aucune des actions de cette politique n’a été appliquée nulle part. Par contre, des structures ont été créées pour modifier souvent les dispositifs d’appui à l’économie. En effet l’absence de cohérence dans les politiques publiques et l’absence de leur intégration dans la gouvernance nationale  reste la pratique des régimes politiques qui se sont succédé à la tête du Bénin.

C’est pourquoi ni les politiques à l’assemblée nationale, ni les institutions politiques, ni les organisations professionnelles dans tous les secteurs de l’économie ne se meuvent pas de toute la gloire qu’on donne à l’initiative du Centre Songhai qui scientifiquement n’est pas un projet qui peut être démultiplié dans sa forme actuelle. Le Centre Songhai est beaucoup plus un centre d’expérimentation ; c’est un centre de recherche qui forme  des apprenants sur les pratiques découvertes mais l’approche production et commerciale, c’est-à-dire l’entrepreneuriat n’est pas la mission de cette noble institution.

C’est comme également le projet Business Promotion Center Women ! Cette initiative ne peut être une politique publique alors qu’elle n’a été créée qu’il y a presque un an par la Fédération des Femmes d’Affaires (FEFA) avec le soutien de la CEDEAO et au niveau national, le PNUD.

La Maison de l’Entreprise du Bénin après plus de quinze ans d’expérience sur les questions de développement du secteur privé souhaite inviter les Béninois quelles que soient leurs positions, leurs bords à faire évoluer les pratiques de management public au Bénin. La démarche de mise en œuvre des approches de développement sont les causes réelles de notre retard et des contraintes à l’essor de l’économie nationale.

Aucune économie ne peut se transformer au détriment des entreprises qui construisent le modèle de l’économie du pays par leur créativité, organisation et performance.

La loi des finances 2014 en étude à l’assemblée nationale ne reflète pas les contraintes de l’économie nationale, c’est-à-dire la possibilité de faire croître l’initiative privée. La chose la plus rare actuellement  au Bénin c’est l’esprit d’entreprise, et l’absence d’un environnement qui nourrit l’esprit d’entreprise.

Ce mémorandum est juste un document d’appel et de sursaut, même nous disons d’ambitions pour l’économie en particulier la micro-économie. C’est pourquoi il n’est pas superflu de demander aux députés à l’assemblée nationale de créer un groupe de travail sur le secteur privé national. La situation du secteur privé actuellement et ses perspectives pour les dix aux vingt prochaines années en prenant en compte toutes les contraintes institutionnelles.

Traduire les politiques publiques sectorielles en appui à la transformation de l’économie nationale

Dans la plupart des ministères sectoriels, il a été établi des politiques publiques par secteur avec des plans d’action. Le constat depuis plusieurs années, est qu’à chaque nouveau régime politique ces documents de développement sont laissés dans les armoires des ministères alors que déjà leur application n’a pas été effective dans le temps. L’effet sur les entreprises est que les investisseurs privés nationaux n’arrivent pas à se déterminer sur les orientations dans les secteurs pour explorer les opportunités.

Aussi, les différents ministères sectoriels manquent-ils d’intégration par rapport aux questions économiques ; ce qui induit la duplication d’activités dans plusieurs ministères. Nous avions observé dans  le secteur des PME et du développement du secteur privé qu’il n’y pas une prise en compte des orientations des autres secteurs gérés par d’autres ministères pour harmoniser les appuis aux entreprises. D’ailleurs, on observe une multiplication de projets de développement de l’entrepreneuriat agricole en début de cette année par des partenaires techniques et financiers sans que les ministères stratégiques ne soient informés. Les ministères également entre eux font la politique de « captation » de projet avec des guéguerres sur des questions d’encrage des projets ou des dispositifs.

Les ministères sectoriels doivent définir des liens de relations stratégiques afin de favoriser l’appui à la transformation de l’économie parce que la vision de développement nationale est  unique. Les dispositifs sous tutelle doivent répondre réellement à une demande des agents économiques, en particulier des entreprises.

Même les réformes économiques, techniques et thématiques doivent avoir pour source les documents de politiques publiques parce que ces derniers ont été élaborés dans une approche participative pour faire remonter les changements nécessaires au développement d’un secteur ou d’une politique générale.  Les  documents de politiques publiques tirent leur fondement des orientations stratégiques de développement national ; ne pas les utiliser est simplement de refuser le développement ou de ne pas affirmer la volonté politique de la vision nationale.

Les entraves à la transformation de l’économie nationale

Les entraves à la transformation de l’économie béninoise résident dans la mauvaise conduite des réformes à tous les niveaux de l’économie. Ceci a pour cause l’emprise politique sur  l’administration nationale mais aussi l’emprise politique sur l’économie avec des confusions d’approches de collaboration entre le secteur privé et le politique. Cette situation de mélange des rôles profite aux politiques et à une catégorie du secteur privé. Ceci induit une contre performance de l’économie nationale parce que quelques fois, les profits de l’économie qui devrait aller au développement national vont au bénéfice d’une catégorie de secteur privé.

C’est pourquoi, à la Maison de l’Entreprise du Bénin, nous avons conclu que la situation de méfiance et de l’absence de dialogue entre le secteur public et le secteur privé que traverse le pays actuellement, est du fait des politiques. Ces politiques ne fabriquent-ils pas une catégorie de secteur privé dont le contrôle leur échappe après ?

Le débat économique actuel concerne-t-il la petite entreprise ? Non, mais elle subit les conséquences de la rareté de l’investissement privé parce que les petites entreprises tirent leur performance des activités de sous-traitance avec les grandes entreprises.

Et comme l’organisation de la politique économique au Bénin ne se repose pas sur la veille stratégique, la crise de confiance qui s’est installée entre le secteur privé et les politiques a affaibli l’investissement et la consommation ; conséquences, des petites entreprises ferment leur activité et les grandes entreprises réduisent leur charge par des licenciements et autres.

Donc la première entrave de l’économie béninoise est la politique. Quel rôle pour les politiques dans la transformation de l’économie nationale ? Comment les institutions politiques béninoises peuvent-elles s’investir dans une médiation entre les acteurs parties prenantes du secteur privé et du secteur public ? Quelle positionnement désormais pour le secteur privé ? Quels dirigeants d’entreprises le Bénin veut-il se donner dans les prochaines années.

Pour la promotion de l’emploi durable et qualifié, il faut soutenir l’entreprise d’abord

La question de l’emploi, telle que abordée par les politiques en terme de création d’emploi aidé, n’a jamais apporté une solution durable. Même en Europe les choix de subvention ou d’emploi aidé sont remis en cause à cause de la pérennité, la durabilité de l’option. C’est pourquoi la plupart des études sur la question de l’emploi aidé propose d’allier ces politiques publiques d’emplois aidés à des formations spécialisées en réponse à l’évolution de l’économie. Au Bénin, dans le cadre de la loi des finances 2014, des chiffres de création d’emplois aidés ont été publiés dans la presse et à plusieurs manifestations politiques. La Maison de l’Entreprise du Bénin suggère de transformer ces fonds qui doivent aller à l’emploi aidé pour soutenir la création et le développement de la petite entreprise avec une approche d’intégration à l’économie, du secteur informel. C’est l’entreprise qui crée l’emploi. Donc, investissons les politiques publiques dans la promotion de la création de la petite entreprise. Et pour le faire, une chaine d’offres est nécessaire et demande la création d’un mécanisme de coordination entre l’école, l’entreprise et l’économie.

Quelle est la structure de l’économie béninoise ? Les réformes actuelles conduisent l’économie béninoise sur quelle tendance par rapport à la compétitivité régionale et internationale ? Que produit le Bénin, pour quel marché, à quelle condition ? Sommes-nous conscients du discours sur l’opportunité que représente le marché nigérian, si oui, par rapport à quoi ? Quel appui apportons-nous à nos entreprises pour produire pour le marché nigérian.

La prise en compte des spécificités de la promotion et du développement de la petite entreprise peut contribuer à transformer l’économie nationale, à modifier l’offre de l’économie. La problématique reste dans l’approche, le choix du cadre institutionnel et des dispositifs d’appuis.

Nécessité de création d’un cadre de consolidation, de synergie d’action et d’un organe de contrôle et de suivi de l’application des politiques publiques sectorielles

L’inexistence d’un cadre institutionnel clair et adapté aux conditions de développement des petites et moyennes entreprises au Bénin constitue un véritable frein au développement économique national. La force des MPME à créer de la valeur ajoutée et à la résolution du problème de chômage des jeunes (70%, BAD 2011) montre tout l’intérêt pour l’Etat d’élaborer ledit cadre afin de favoriser l’éclosion et le développement de nouvelles entreprises dans une forte synergie des acteurs. L’échec des différentes initiatives prises par l’Etat afin d’accompagner la création de nouvelles entreprises est inévitablement dû au manque de synergie des acteurs, de cohérence des approches et la transparence des objectifs des choix stratégiques de l’économie.

PRECONISATIONS DE L’EQUIPE DE LA MAISON DE L’ENTREPRISE DU BENIN

1- Mettre en place une loi d’orientation de promotion économique ;

2- Sortir de l’orientation budgétaire des lois des finances à une orientation microéconomique dont le socle sera la valorisation des secteurs productifs ;

3- Promouvoir et développer un marché de sous-traitance au profit de la petite entreprise ;

4- Clarifier le rôle des politiques et du secteur privé ;

5- Avoir une programmation de dépenses publiques qui privilégie la réduction de la dette intérieure ;

6- Créer une vraie concurrence dans toutes les procédures de passation des marchés publics et délégations de service public ;

7- Rendre cohérents avec la demande et le contexte de l’économie béninoise, les projets d’appui au secteur privé (PCCI de la banque mondiale, PADSP de l’Union européenne, le Projet d’appui au secteur privé des Pays-Bas et le Projet de promotion et de financement des PME de l’UEMOA) ne répondent pas suffisamment aux problématiques des secteurs de l’entreprise béninoise. La plupart de ces projets consacrent plus de 50% des fonds à des études non applicables ;

8- Construire des accords stratégiques interministériels au profit de l’économie afin de mieux soutenir durablement la transformation de l’économie ;

9- Eviter la démultiplication des dispositifs et cadres institutionnels d’appui à l’économie ;

10- Opter pour une autre approche efficiente dans les processus des différentes réformes de l’économie ;

11- Renforcer la compréhension et l’appréhension des députés à l’Assemblée Nationale des questions de l’économie, en particulier la problématique du développement du secteur privé ;

12- Créer un lien fonctionnel entre l’école, l’entreprise, l’économie et les politiques ;

13- Prendre toutes les dispositions pour la création d’un cadre de surveillance et de coordination de l’application des politiques publiques sectorielles ;

14- Créer et renforcer un pôle de cluster constitué du secteur privé local, les centres universitaires, les associations de développement local et les élus locaux à la prise de conscience dans le développement économique des territoires (l’exemple de la situation actuelle de la recherche du mécanisme de gestion des usines de transformation locales) ;

15- Clarifier les objectifs poursuivis de la réforme administrative dont on ne perçoit pas les effets depuis plus de dix ans.

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