Le « Bonheur National Brut » et l’évaluation du bien-être humain

Le temps du Produit Intérieur Brut (PIB) et de l’indice du développement humain (IDH), deux moyens officiels d’évaluation de l’évolution du niveau de vie des populations, semble révolu. Ceci, à cause de leurs limites liées à leur champ d’investigation restreint. Ce constat a motivé la communauté internationale à opter pour un nouveau moyen plus fiable. Il s’agit du « Bonheur National Brut ».

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Tout est parti d’un petit royaume de 700.000 habitants, perdu dans les montagnes himalayennes. Où en 1972, le Roi Jigme Singye Wangchuck du Bhoutan, région enclavée entre l’Inde et la Chine, a préconisé l’abandon du Produit Intérieur Brut (PIB), au profit d’un nouvel instrument d’évaluation du niveau de vie des populations. Et cet instrument qu’il propose s’appelle le « Bonheur National Brut ». Un outil que le Bhoutan a utilisé, plusieurs années durant, avant de proposer son adoption aux Nations Unies. C’est en juillet 2011 que le Bhoutan a déposé une résolution devant l’Assemblée Générale des Nations Unies, invitant ses membres à revoir la philosophie des indicateurs économiques conventionnels, et à débattre du « Bonheur National Brut » (BNB). Et ce fut adopté. Dans le texte, il est admis que «de par sa nature même, le Produit Intérieur Brut n’est pas un indicateur conçu pour mesurer le bonheur et le bien-être de la population d’un pays, et n’en donne pas une image exacte». Les pays qui ont soutenu ce texte, se sont déclarés conscients de «la nécessité d’adopter une approche de la croissance économique plus large, plus équitable et plus équilibrée, qui encourage le développement durable, contribue à l’élimination de la pauvreté, et favorise le bonheur et le bien-être de tous les peuples». En effet, le « Bonheur National Brut » est un indice qui tente de définir le niveau de vie des hommes, en des termes plus psychologiques et holistiques que le Produit Intérieur Brut (PIB) ou le Produit National Brut (PNB). Les autorités du Bhoutan ont associé à ce système, les quatre piliers dits d’une société heureuse, auxquels elles attachent une part égale. Il s’agit de la croissance et du développement économique, de la conservation et de la promotion de la culture, de la sauvegarde de l’environnement et l’utilisation durable des ressources, ainsi que la bonne gouvernance responsable. Ces 4 piliers sont ensuite déclinés en 9 domaines, dont la santé psychologique, l’écologie, la santé, l’éducation, la culture, le niveau de vie, l’utilisation du temps, la vitalité des communautés et la bonne gouvernance… Au total, ce sont 72 indicateurs pondérés, censés donner, pour chacun, un niveau plus ou moins bon. Ainsi, le domaine psychologique inclut les notions de relaxation ou de prière, les sentiments de jalousie ou de générosité… Si ce nouvel indicateur supplante les autres, en considérant, en plus des facteurs économiques, ceux psychologiques, il ne demeure pas sans limites, d’après certains économistes. Entre autres choses reprochées au « Bonheur National Brut », la subjectivité de son champ d’investigation, dont les indices considérés restent, selon certains économistes, relatifs et surtout très instables, en présence de plusieurs facteurs, même ceux naturels. Ce qui suscite le débat sur la possibilité ou non du remplacement du « Produit Intérieur Brut » par le  » « Bonheur national Brut ». Les positions restent, alors, partagées selon les sensibilités. Pour l’économiste Claudia Senik, Professeure à l’École d’Economie de Paris, «Le Bonheur national brut ne saurait remplacer le PIB sur le long terme.» Car : «La façon dont on mesure le bonheur, évolue au fil du temps. Une échelle allant de zéro à dix va être interprétée par les gens de manière différente, d’une génération à une autre, car les circonstances changent…» Explique-t-elle, tout en soulignant que le cas du Bhoutan reste particulier. Malgré ces débats, face à la misère ambiante et croissante, les guerres et le capitalisme, le « Bonheur National Brut » semble avoir encore de beaux jours devant lui.

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