Le Professeur Michel Boko à propos des cyclones et la possibilité de leur apparition au Bénin

Les cyclones tropicaux, les typhons, les ouragans, leurs origines, leurs différences, leurs fréquences, leurs lieux de fréquentation et la possibilité de leur apparition en Afrique, en général, et au Bénin en particulier, L’Expert international en climatologie, le Professeur Michel Boko, en parle. Interview. 

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Un bureau minuscule, très modeste comme l’homme, avec une table et trois chaises, mais témoin silencieux d’une bonne partie des heures de concentration et de réflexions de l’un des grands climatologues du Bénin et du monde, Michel Boko.  C’est dans ce bureau situé dans l’enceinte de l’Ecole Nationale d’Economie Appliquée et de Management (Enéam) de Gbégamey (Cotonou), au Centre Inter-facultaire de Formation et de Recherche en Sciences Environnementales pour le Développement Durable, que l’Expert en climat et membre du Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (Geic), nous a reçus dans la matinée du mardi dernier. Vêtu comme toujours, à la mode traditionnelle, avec un chapeau appelé en langue locale Goun «Gobi», avec ses lunettes optiques bien à sa place, dans un visage qui ne peut plus résister à l’apparition des rides, il est même venu nous accueillir à l’entrée de l’école, pour nous conduire dans son bureau. Et pendant dix minutes, compte tenu d’un agenda chargé, il s’est prêté à nos questions. Sans détours, et avec beaucoup de maîtrise de la Langue de Molière et de son domaine, le Professeur nanti d’un  Doctorat de 3e Cycle de Géographie Tropicale, nous a fait voyager dans un univers qui défraie la chronique ces derniers jours. Dans ce voyage hors du commun, à travers l’univers des cyclones tropicaux, le Professeur Michel Boko, Conseiller au Conseil Economique et Social du Bénin, a expliqué le fonctionnement, les causes, les conséquences et les différents noms donnés à ce phénomène naturel.  

 La Nouvelle Tribune : Les Philippines ont été récemment frappées par un malheur. Un typhon du nom de Hayan a traversé le pays faisant des milliers de morts et beaucoup de dégâts matériels. Parlez-nous de ce Typhon.

Professeur Michel Boko : Ce qui s’est passé aux Philippines, c’est quelque chose de très fréquent d’ailleurs. Parce que les Philippines, tout comme le Golfe du Bengale, ou bien l’Est de l’Afrique et les Caraïbes, sont les zones les plus fréquentées par les cyclones tropicaux. Ce qui s’est passé c’est ce qu’on appelle un cyclone tropical. Et chaque année, à la fin de l’automne ou à la fin de l’été hémisphérique, la mer est à la température la plus élevée possible, et c’est cet excès du réchauffement de la mer qui est la source principale des manifestations cycloniques tropicales.

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Et alors comment ça se fait ?

Vous voyez, quand vous chauffez de l’eau, ça se transforme en vapeur d’eau, et comme la terre tourne sur son axe, en tournant autour de la terre, cela crée des tourbillons. Quand vous êtes au Nord de l’Equateur, cela tourne dans le sens des aiguilles d’une montre et quand vous êtes au Sud de l’équateur, cela tourne dans le sens contraire des aiguilles d’une montre.

Donc lorsque la mer a été chauffée, pendant l’été de l’hémisphère considéré, et qu’on ait atteint des températures de l’ordre 26 à 28 degrés de l’eau de mer, cela génère beaucoup de vapeurs d’eau. Et ces vapeurs d’eau se combinent à ce qu’on appelle les lignes de grains, qui sont des perturbations atmosphériques – bulles qui circulent généralement de l’Est vers l’Ouest –  et ces lignes de grains, qui sont des cellules tourbillonnaires, se combinent donc à ces vapeurs d’eau et déclenchent les cyclones tropicaux. Aux Philippines, on les appelle des baguios.

Selon les régions, ça a des noms différents. Les baguios, dans le Pacifique sud et l’Océan Indien, on appelle ça les typhons. Et dans les Antilles, au Caraïbes et en Floride, on appelle ça Ouragan. Donc c’est le même phénomène, mais en Climatologie tropicale, on appelle ça des cyclones tropicaux.

En Afrique, l’Est du continent, c’est-à-dire le Canal de Mozambique, la partie est de Madagascar, les petites îles, Iles Maurice et autres, sont aussi exposés à ces phénomènes de cyclones tropicaux.  Le Golfe du Bengale, c’est l’une des régions les plus fréquentées. Les Philippines, la Malaisie, ce sont des régions très fréquentées. Dans l’Océan Atlantique, nous avons les Antilles, les Caraïbes, St Thomas, St Domingue et Haïti, qui sont très fréquentés par les cyclones tropicaux, jusqu’en Floride. Ça passe par la Floride et la Côte Est (côte Atlantique) des Etats-Unis, qui reçoivent les cyclones remontant des Antilles vers les zones extratropicales.

Comment cela meurt ?

Cela meurt lorsque la source d’alimentation en vapeur d’eau est coupée. Donc ça veut dire que, lorsque le cyclone arrive sur le continent, il ne reçoit plus la source d’alimentation en vapeur d’eau de mer qui se remplit progressivement. En terme technique en Climatologie, on dit que le creux barométrique se remplit, la dépression se comble et le cyclone meurt. Ou bien lorsqu’il évolue vers les zones extratropicales c’est-à-dire au Nord des 25°, jusqu’à 30°, où les eaux sont beaucoup plus froides, et donc l’alimentation devient faible. De même, lorsque le cyclone descend vers le Sud, il va mourir, parce que ce qu’on appelle la giration anticyclonique, qui est due à ce qu’on appelle en langage scientifique, la force de Coriolis, s’annule à l’Equateur. Puisque cette force  est fonction du Sinus de la Latitude. Et comme à l’Equateur, c’est Latitude zéro, ça fait zéro. Donc cette force, le tourbillon va s’annuler. Avant de reprendre de vigueur, en allant de plus en plus vers le Sud de l’Equateur, puisque la Latitude va encore augmenter. Mais, dans ce sens, la giration va s’inverser. Et au lieu de tourner dans le sens des aiguilles d’une montre, ça va tourner dans le sens contraire des aiguilles d’une montre.

De vos explications on comprend que, sans réchauffement de la mer, il ne saurait avoir cyclone. Est-ce qu’aujourd’hui, avec le réchauffement climatique de ces dernières années, dû à l’action humaine, il y a plus de risques de cyclones dans le monde?

Les cyclones sont devenus de plus en plus fréquents, depuis qu’on a commencé une surveillance étroite. Mais, il faut nuancer cette fréquence, parce que le système de surveillance est aujourd’hui beaucoup plus raffiné, le maillon de surveillance est beaucoup plus serré, et donc plus rien n’échappe à l’observation des satellites météorologiques. Donc, sur cette base, on observe de plus en plus de cyclones dans le monde. Et ces cyclones sont de plus en plus violents, parce que, justement à cause du réchauffement climatique, les océans atteignent des températures de surface beaucoup plus élevées. Donc la vapeur d’eau fournie au système cyclonique  est beaucoup plus importante, et de ce point de vue, les violences sont beaucoup plus élevées.

Depuis une vingtaine d’années, on observe des cyclones les plus violents. Et de plus en plus violents. A chaque fois, on dit que c’est le cyclone du siècle, et après un autre vient et est beaucoup plus violent, du fait des changements climatiques qui sont dus à l’action de l’Homme, à la pollution de l’atmosphère par l’Homme, par le rejet dans l’atmosphère des gaz à effets de serre.

Est-ce que ces catastrophes de plus en plus violentes, menacent le continent africain, en général, et le Bénin en particulier ?

Non, le Bénin n’est pas sur la trajectoire de cyclones tropicaux,  parce que les cyclones qui vont dans les Antilles, les Caraïbes, sont créés  par des lignes de grains qui viennent depuis l’Ethiopie, la République Centrafricaine, et qui traverse le Bénin sous forme d’orage, de tornade, surtout dans la Latitude de 10° au dessus de Bembéréké, Natitingou et autres, et cheminent jusqu’au Mont Nimba, où ils sont renforcés par la Latitude, et c’est au large de Dakar qu’ils se transforment en cyclones tropicaux, progressivement jusqu’à atteindre les vitesses les plus épouvantables qui vont dévaster les Antilles et les côtes atlantiques des Etats-Unis.  Le continent ouest-africain est la source, fait partie des mécanismes  qui alimentent les cyclones tropicaux, mais le continent ouest-africain ne peut pas être atteinte par les cyclones  tropicaux, parce qu’on est un continent actif, et la circulation Est-Ouest est au niveau continental, pas au niveau océanique. Quand vous prenez les  Antilles, la circulation Est-Ouest parcourt l’océan avant de leur parvenir. Et c’est sur cet océan que les cyclones prennent naissance, en profitant du passage des lignes de grains. Au Bénin, on peut avoir des orages, je crois qu’il y en a eu en juin 1989, très violent. Mais ce n’est qu’une ligne de grain d’une violence exceptionnelle. Mais, ça ne peut pas être un cyclone tropical.

BREF PROFIL du Professeur Michel BOKO

Michel BOKO

Né en 1950 à OUIDAH (République du Bénin)

Marié

Etudes et Diplômes

Après les études primaires à l’Ecole Missionnaire Catholique de Cococodji de 1956 à 1962 et les études secondaires au Lycée Béhanzin de 1962 à 1969, il a été inscrit, de 1969 – 1971, à l’École des Lettres de Lomé (Togo), de l’Institut d’Enseignement Supérieur du Bénin, puis à Université de Dijon (France) Faculté des Lettres et Sciences Humaines de 1971 à 1975 pour les diplômes de licence, de maîtrise et de doctorat
de 3e cycle, en Géographie Tropicale, de 1982 à 1988 pour le doctorat d’État en Géographie-Climatologie.

Après le Doctorat de 3e Cycle de Géographie Tropicale et le service militaire, il a été recruté comme jeune assistant au Département de Géographie et Aménagement du Territoire de la Faculté des Lettres, Arts et Sciences Humaines en février 1977. Quatre plus tard, il est élu vice doyen de la cette faculté, fonction qu’il a assumée de 1981 à 1986.

Il a continué ses recherches qui l’ont conduit à la soutenance d’un doctorat d’État en Géographie et en Climatologie en janvier 1988, faisant de lui le premier docteur d’État en Climatologie de l’Afrique Noire Francophone. Il est ensuite inscrit sur les listes du CAMES (Conseil Africain et Malgache pour l’Enseignement Supérieur et la Recherche) au grade de maître assistant en 1989, de maître de conférences en 1991 et de professeur titulaire en 1998. Il est en outre titulaire d’un diplôme de programmation en informatique, d’un diplôme en météorologie spatiale et d’un diplôme d’honneur du Symposium International de l’Eau de Stockholm (1995)

En 1997, il a été elevé au rang de Chevalier de l’Ordre National du Bénin

Côté administration, il est :

Directeur du Centre Intefacultaire de Formation et de Recherche en Sciences Environnementales pour le Développement Durable :

Secrétaire Permanent p.i. du Conseil Scientifique de l’UNB ;

Responsable Pédagogique de l’École Doctorale Pluridisciplinaire ‘’Espace, Culture et Développement’’ de la FLASH, UNB ;

Chef du laboratoire de Climatologie du Département de Géographie et Aménagement du Territoire de la FLASH.

Mais avant cela il a été également Conseiller Technique dans le premier cabinet du président de l’Assemblée Nationale de 1992 à 1994.

Activités Scientifiques et de Formation:

Il est membre de l’Association Internationale de Climatologie, Auteur Principal du Groupe de Trvail N° 2 de l’IPCC/GIEC (Groupe Intergouvernmental d’Etude des Climats) depuis 1989. Il a été récemment nominé membre du Secrétariat Régional Panafricain du Programme Inter-gouvernemental Géosphère-Biosphère. Enfin, vous êtes aussi membre du Groupe de Recherche Français Climat et Santé du CNRS (Centre national de Recherche Scientifique, un organisme de recherche français). Il est aussi membres de deux commissions spécialisées de l’Organisation Météorologique Mondiale, à savoir la Commission de Climatologie et la Commission de Climatologie Agricole. C’est à ces différents titres qu’il participe à de nombreuses réunions scientifiques dans le monde entier  sur le climat et les impacts des changements climatiques, ainsi que sur la problématique de la protection de l’environnement face aus besoins de développement des nations : France, Pays-Bas, Allemangne, Suisse, Portugal, Suède, Belgique, États Unis, Japon, Australie, sans compter les pays africains (Kenya, Ouganda, Ethiopie, Zimbabwé, Afrique du Sud, Côte d’Ivoire, Burkina Faso, etc)

Il a publié plus d’une vingtaine articles et de communications dans les domaines relevant de vos activités de recherche à savoir la climatologie, l’agroclimatologie, la bioclimatologie, l’environnement et le développement durable, et un livre de géographie du Benin (deux fois édité) en collaboration avec son inséparable ami, le professeur Sikirou Kolawolé ADAM.

A l’Université Nationale du Benin, au Centre de Recherche de Climatologie de l’Université de Bourgogne en France et à l’Université du Benin au Togo, il dispense des cours de bioclimaologie, d’agroclimatologie, d’Ecologie Industrielle sur des cours sur les Changements Climatiques et leurs Impacts. 

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