Pêche maritime artisanale à Grand-Popo : ce qui se fait pour ramener le poisson

Fumé, Assaisonné et  braisé, ou frit, le poisson agrémente nos plats, alors même qu’on ignore souvent tout le mal que le pêcheur s’est donné pour le ramener des eaux. De retour d’Ayiguinnou et de quelques villages côtiers de Grand-Popo, où les populations pratiquent la pêche maritime artisanale, nous vous livrons les dures réalités de  la pêche au Bénin.

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Le risque devenu habitude. C’est le quotidien des pêcheurs d’Ayiguinnou, un village  côtier de Grand-Popo, dans le département  du Mono. Au prix de leurs vies, ils affrontent chaque jour les vagues de la vaste étendue d’eau salée – constamment mouvante de ce côté – appelée la  mer, pour y ramener du poisson.  «Nous y sommes habitués,  affronter ces vagues fait déjà partie de notre quotidien, et nous ne craignons en rien la mer.» Rassure Koassi Agonglovi, au milieu d’un groupe d’anciens pêcheurs, des sexagénaires pour la plupart. Mais, à voir la scène de l’embarquement des pêcheurs qui vont en mer, tout novice serait pris de panique. «Il est difficile, souvent vain, de traverser à bord d’une barque, les vagues qui sont très fortes du côté du rivage», nous apprend Koassi. Cette explication de l’ancien pêcheur, permet de comprendre ce à quoi on assiste à Ayiguinnou, de jeunes pêcheurs qui rejoignent des barques situées à environ une centaine de mètres du rivage, à la nage. «Nous laissons nos barques à au moins 1 km de la plage», précise Koassi.

La pêche se prépare

Avant d’aller en mer, les pêcheurs apprêtent tout. Même si la plupart du temps, nous revenons dans l’après-midi, une  partie de  pêche peut durer une semaine, explique le vieux pêcheur.  Et pour cela, continue-t-il, nous emmenons  tout ce qui est nécessaire, pour passer des jours sans manquer de rien. Condiments, fourneau, charbon, farines de maïs et de manioc… les  pêcheurs chargent les barques de tout, pour se faire à manger en mer. Et, puisque les barques sont laissées à une bonne distance du rivage, Mensah Attiogbé, un autre  pêcheur du groupe nous apprend que c’est à la nage que les colis de condiments et même des sacs de farines sont transportés jusqu’à la hauteur des barques. «Nous avons de l’expertise pour ces types de tâches. Elles ne sont pas confiées à n’importe qui», confie-t-il. Aussi rappelle Mensah, la pêche maritime artisanale est un travail d’équipe, de collectif.  Il explique : «Nous nous organisons. Parmi nous, il y a des personnes chargées d’assurer la cuisine en mer, chanter et motiver  l’équipage,  assurer le déploiement  des filets, etc., et de retour de la pêche,  il y a du côté de la plage, des jeunes qui viennent transporter les prises, consignées dans des bocaux, jusqu’à destination».

L’arsenal de pêche

L’arsenal de pêche est juste constitué de barques motorisées,  et des lignes ou filets. Les lignes sont de diverses sortes. Les plus usitées par les pêcheurs de ce village de Grand-Popo, sont de trois ordres. «La scène de plage», «la scène tournante» et «la scène dormante». Au nombre de celles-ci, «La scène de plage» mobilise un grand nombre de personnes qui, à la queue leu leu, tirent la ligne de la mer sur de longues distances. C’est elle qui offre de bons rendements.  A ces trois premières, s’ajoute un autre type de ligne dite «Aguinnin», qui est une sorte de labyrinthe pour les poissons. Aux filets,  les pêcheurs accrochent des gonflables en guise de flotteurs, qui permettent de reconnaître la limite de la ligne. Ces lignes sont de tailles impressionnantes. Selon les explications, des pêcheurs, c’est en moyenne 400 à 500 m de longueur. Mais, «La scène de plage» atteint 800 voire 1.000 m de longueur, et nécessite 13 à 15 m pour son déploiement.

Le calendrier de pêche

Sans avoir étudié la météorologie, les pêcheurs savent identifier les périodes de pêches florissantes de celles moins florissantes. C’est à l’aune du cycle lunaire qu’ils se situent. «Quand la lune apparaît sous une forme de croissant, les prises sont très bonnes. Mais, dans la pleine pénombre, les prises faites sont souvent constituées de gros poissons», ont-ils expliqué.   La pleine lune quant à elle, est la période  à risque, où les prises sont souvent minables. Aussi, selon ce calendrier, les pêcheurs savent à quel moment de la journée les prises sont florissantes. Au dernier quartier, c’est la prise nocturne, pendant qu’au premier, il faut être à la pêche en pleine journée.

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Un business local

A Ayiguinnou, Agoué et autres villages côtiers de la Commune  de Grand-Popo, la pêche est la première activité économique. Une activité qui se révèle fructueuse, quand les prises sont bonnes.  «15 à 30 millions de recette  par jour, quand les prises sont bonnes» nous apprend un des pêcheurs.  Mais, aussi mirobolante que peut paraître la recette, cette activité peut aussi tourner au vinaigre. «Pour une partie de pêche de longue durée, en dehors des vivres pour l’équipage, la carburation à elle seule est évaluée entre 500.000 et 600.000 francs Cfa. La barque, en provenance du Ghana, coûte  jusqu’à 5 millions, le moteur lui est à 3 millions, les filets coûtent aussi chers, selon leurs caractéristiques, sans oublier les frais d’entretien.» Détaillent les pêcheurs, qui concluent : «Mais, on revient parfois  d’une partie de pêche avec des prises minables, et une partie du matériel détériorée ou bousillée par les vagues». Dans les regroupements, il y a les pêcheurs et les chefs d’embarcation, ceux-là qui investissent dans l’achat de l’équipement, et qui nouent des contras avec des groupes de pêcheurs. compte tenu de ses risques, nous apprend un des pêcheurs, c’est devant  le fétiche «Oungokpo» du Ghana, que les engagements entre chefs  d’embarcations et pêcheurs se nouent.

Au terme d’une partie de pêche, explique Agonglovi Mensah, un chef d’embarcation, la prise est divisée en trois parties. Tout l’équipage se partage un tiers, un autre est réservé aux dépenses liées à la pêche, dont la carburation, les vivres, la vidange du moteur…,  et le dernier tiers revient au propriétaire de l’embarcation. Mais, lorsque l’équipement appartient à un groupe, le partage se fait selon d’autres clauses.

L’autre partie du business est entretenue par les femmes des pêcheurs. C’est elles qui s’occupent de la transformation du poisson, par fumage, ou de la conservation par salaison, pour en faire du poisson séché, tant prisé par les populations.

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