Le concours de la honte !!!

Juillet-oaût 2012, organisation d’un concours de recrutement 432 agents, par le ministère du Travail et de la Fonction publique, au profit du ministère de l’Economie et des Finances. Décembre 2012, résultats proclamés. Ils auraient pu passer inaperçus, comme ceux de tant d’autres concours du genre avant celui-ci, si une candidate n’avait pas levé le lièvre, dénonçant la substitution de son nom au profit d’un autre candidat.

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Saisine du Médiateur de la République dont l’action, incidemment, fera savoir que le cas de dame Odjouàla, en cette affaire, n’était qu’un minable épiphénomène, une toute petite partie visible de l’iceberg ; tant le concours dans son essence même exhalait la puanteur de la fraude, et s’exposait à l’invalidation, si nous avions été dans une société ambitieuse et assise sur des valeurs.

Les aveux de certains organisateurs, devant la commission d’enquête de l’ex Observatoire de Lutte contre la Corruption, les demi-aveux d’autres encore, et la grosse polémique faite de dénonciations diverses qui s’en suivit, exposaient le concours à une logique annulation. Perspective d’autant plus plausible que même le chef de l’Etat, d’après son entourage, aurait mis en place une commission d’enquête présidée par son conseiller spécial aux affaires politiques, le bien nommé Amos Elègbè. Si on pouvait craindre qu’une question aussi éminemment administrative et sociale, confiée à un homme d’un tel profil se noyât, on espérait au moins que l’intervention du chef de l’Etat eût permis de vider l’abject concours de sa substance, tant le déficit de crédibilité dont il souffrait était impressionnant. Il fallait en effet consulter la liste des amis pour y relever les présences, défiantes et insolentes de membres et de proches de membres du cabinet du ministre de la Fonction publique en place au moment de l’organisation des concours. Rien que cela, pourtant, était constitutif d’indices sinon de fraude, du moins de clientélisme et de népotisme déconcertant !

Hélas ! puisqu’à l’arrive, le 4 décembre dernier, soit plus d’un an après son organisation, c’est avec la plus grande solennité républicaine, c’est-à-dire en séance du Conseil des ministres, qu’il sera validé ; instruction ayant été donnée au ministre en charge de la Fonction publique de faire prendre fonction aux personnes concernées, à l’exception de celles dont l’admission est sujette à polémique. Agissant ainsi qu’il l’a fait, le gouvernement opère une fuite en avant formidable, se réfugie à la limite derrière le seul ministre de la Fonction publique, au lieu de prendre courageusement la décision attendue de la grande majorité de l’opinion. Ce faisant, il douche manifestement, d’une eau bien froide, les espoirs de ceux qui croyaient encore qu’en une telle occurrence où injustice et inconséquence se le disputent, le gouvernement, agissant comme un dernier rempart, mettrait fin à l’imposture et rétablirait la justice. Il liquéfie littéralement les certitudes de ceux qui croyaient encore en la capacité des dirigeants à gérer les affaires publiques en bons pères de famille. Cela aurait été certainement fait dans un pays où l’on a encore honte, dans un Etat où l’on tient pour scrupule d’œuvrer à l’égalité réelle des citoyens devant la loi, de leur garantir les mêmes chances d’accès à l’emploi, notamment à l’emploi public.

Il paraît qu’ici « Le Wassangari n’aime pas la honte ». Alors soyons tous des Wassangari pour dire non à la honte. A commencer par le chef de l’Etat qui n’a pas pu valider ce concours, même si le communiqué du Conseil des ministres indique fatalement que la séance s’est déroulée sous sa « présidence effective ». Autrement, on aura compris, depuis longtemps déjà, que la honte ne fait pas mourir ici. Peut-être même qu’elle n’existe plus dans le dictionnaire du Changement converti, depuis, en Refondation. Sinon, jamais, au grand jamais, ce concours n’aurait été validé. S’il nous reste une once d’honneur, nous devrions, ensemble et de concert, dire non à ce concours de la honte ; et décerner un carton rouge écarlate à tous ses acteurs, directs et indirects, auteurs, coauteurs comme complices. Et si l’on n’est pas en mesure de s’émouvoir et de s’indigner face à une telle imposture d’Etat, il faudrait alors s’interroger sur notre ressort sociétal. Si les dizaines de milliers de jeunes Béninois qui y croyaient mais constatent finalement qu’ils ont été proprement enfarinés, qu’ils n’ont servi que de faire valoir à d’autres, mais qu’ils n’expriment pas leur mécontentement, il faudrait se demander  quel genre de peuple nous sommes. Un peuple qui ne sait plus s’indigner et se condamnerait alors à gober toutes les ignominies ? Un peuple qui ne connaît pas la honte…?

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