Il a été question des précurseurs du nationalisme africain, au club d’animation littéraire et culturelle à l’Institut français de Cotonou ce samedi 25 janvier, Guy Ossito Midiohouan, professeur de littérature africaine à l’Université d’Abomey-Calavi qui a présenté son tout nouvel ouvrage «Elites africaines et nationalisme».
Un ouvrage qui bouscule les données historiographiques du nationalisme africain. «Elites africaines et nationalisme», c’est le nouvel ouvrage du professeur Guy Ossito Midiohouan qui resitue l’histoire du nationalisme des élites africaines en offrant la lecture de deux textes de précurseurs de ce mouvement idéologique. Samedi, il était présent au club d’animation littéraire et culturelle de Robert Asdé à l’institut français de Cotonou, avec l’ouvrage pour entretenir les bibliophiles sur les précurseurs du nationalisme africain. Un livre qui selon l’auteur, se propose de mettre à la disposition d’un public plus large, des textes d’auteurs africains de la deuxième moitié du XIXème siècle et du début du XXème siècle, des textes qui jusque-là, ne sont connus que des seuls spécialistes parce qu’étant des textes extrêmement rares.
Les textes rares à découvrir
«Elites africaines et nationalisme» comporte en tout trois textes dont deux principaux qui à 78 ans d’intervalle présentent deux expressions nationalistes très osées et un troisième texte subsidiaire. Le premier, d’une quarantaine de pages, est intitulé «Mémoire» rédigé à l’occasion de la pétition présentée à l’Assemblée nationale par les commerçants européens du Sénégal. Il est publié en 1849 par le député à l’Assemblée nationale française Valentin Durand, un métis du Saint- Louis du Sénégal qui se présentait lui-même comme un habitant indigène du Sénégal. «Mémoire» qui selon le professeur au département des Lettres de l’Uac, intéresse par la tonalité particulière que donne le statu de son auteur à la revendication nationaliste à une époque où rien n’encourageait à ce type de prise de position. Valentin Durand, un Français du Sénégal, explique-t-il, préfère plutôt assumer l’identité de la majorité des Sénégalais qu’il représentait.
Le deuxième texte qui date de 1927, s’intitule «La violation d’un pays». Il est du tirailleur sénégalais-entièrement de souche-Lamine Senghor. Il s’agit d’un texte narratif d’une trentaine de pages. Ce que note le professeur Midiohouan chez ce tirailleur est la radicalité de la revendication nationaliste qu’il affirme d’emblée de manière indépassable dans son texte, faisant ainsi tombé le mythe du supposé unanimisme des intellectuels africains aux côtés du colonisateur à cette époque où règne en maître, la pensée unique. Lamine Senghor revendiquait en 1927, l’indépendance pour les pays africains. «Une revendication, incroyable à cette époque» renchérit le professeur. Et puisque ce texte n’arrangeait personne, il a purement et simplement été passé sous silence.
Subsidiaire quant à lui, le troisième texte dans ce livre est intitulé «Les trois volontés de Malick». Contraste, loin des revendications nationalistes, ce texte publié en 1920 par l’instituteur sénégalais Ahmadou Mapaté Diagne est complètement à l’opposé des deux premiers, parce qu’il épouse fidèlement l’idéologie colonialiste.
Utile à plus d’un titre
«Elites africaines et nationalisme» selon son auteur relève de la science politique de l’histoire, particulièrement de l’histoire des idées, autant que de la littérature. Et le célèbre professeur d’histoire, Félix Iroko, lui donne raison au terme de son exposé sur le chef d’œuvre. «Venu suivre un compte rendu de texte littéraire, je suis, à ma grande surprise, venu découvrir un document d’histoire» a déclaré le professeur d’Histoire qui trouve que l’œuvre doit intéresser aussi bien les étudiants de Lettres que ceux de son département. Le but que son auteur lui assigne, dans les deux principaux textes, est qu’elle nourrisse la réflexion de la recherche sur les origines du nationalisme des élites africaines. Ces écrits quasi- inexistants, le professeur les a dénichés au terme de nombreux séjours de recherches en Allemagne à l’université de Bayreuth dans la chaire de littérature romane et comparée, dans les années 80.
Et dès lors, il affirme «c’est des textes qui ont radicalement changé certaines idées que je me faisais moi-même sur la littérature africaine». S’il avait à écrire aujourd’hui «l’idéologie dans la littérature africaine » qui est en faite une histoire de la littérature africaine d’expression française qu’il a publiée en 1986 dit-il, «je ne l’aurais pas écrite de la même manière.» Et pour que la postérité s’en serve, le professeur Midiohouan les consigne avec une assez grande fidélité, dans «Elites africaines et nationalisme» après les avoir pendant longtemps étudiés à son cours sur «écriture et identité en Afrique et dans le monde francophone» avec ses étudiants en troisième année des Lettres Modernes à l’Uac.
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