Evacué en France le 13 décembre après son assassinat manqué quelques jours plus tôt, Martin Assogba, président de l’Ong Alcrer rentre au Bénin dans la soirée de ce vendredi 14 par le vol d’Air France AF 804.
Après quelques bruits, les premiers jours ayant suivi son agression, plus rien n’a été dit à- propos, même si l’enquête évolue. Rappel des faits et projections.
Les populations béninoises étaient encore, certains sous le choc, d’autres dans la joie, après le refus de Paris d’extrader Patrice Talon quand l’information est tombée tard dans la nuit du lundi 09 décembre. Le bouillonnant président de l’Association de lutte contre le racisme, l’ethnocentrisme et le régionalisme (Alcrer) a été victime d’une agression armée alors qu’il rentrait chez lui à Houèdo, un arrondissement de la Commune d’Abomey-Calavi. Plus de peur que de mal .Mais Martin Assogba s’en sort avec des balles dans le cou. L’homme est d’abord évacué à l’hôpital de zone de Calavi pour recevoir les premiers soins avant d’être envoyé au Cnhu de Cotonou. Là-bas, au Cnhu, il suit des soins très intensifs. Martin Assogba est mis hors de danger. Mais il restait encore des fragments de balles à extraire de son cou, qui a reçu plusieurs balles. Le directeur du Cnhu expliquera que l’extraction des fragments de balle du cou est une opération sensible. Et pour parer à toute éventualité, le gouvernement décide de l’évacuer sur Paris. Le 13 décembre, Martin Assogba quitte le Bénin pour l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière en vue de subir des opérations chirurgicales complémentaires.
Martin Assogba victime d’une agression armée
Deux mois après, il revient au bercail ce jour sain et sauf. Du côté de ses proches (parents et collaborateurs), c’est la grande mobilisation pour lui réserver un accueil chaleureux. On se demande déjà si l’homme restera toujours engagé dans la lutte pour la bonne gouvernance et l’enracinement de la démocratie et l’Etat de droit. Pas de doute à ce niveau. « Je rentre dans un état d’esprit plus combatif. Mon engagement n’a pas bougé d’un iota. Au contraire, je suis beaucoup plus engagé aujourd’hui qu’hier. Nous allons mener la lutte pour que notre pays puisse continuer par être un pays de liberté, de démocratie, un pays fréquentable… ». A-t-il martelé à nos confrères de Canal 3 monde il y a quelques jours.
Erreur, précipitation ou…
Mais qui en voulait à Martin Assogba ? L’agression est-elle liée à ses prises de position sur la vie publique nationale ? Est-elle liée à ses activités personnelles ? Dans la nuit du lundi 9, le directeur général de la police nationale, Louis- Philipe Houndègnon a avancé une piste relative à l’engagement de Martin Assogba pour le développement de son arrondissement de résidence, Houèdo. Le 11 décembre, au lendemain de l’agression, six personnes sont interpellées à Abomey-Calavi, aux encablures du domicile du maire. Le lendemain, deux autres personnes sont arrêtées. Tous résidents de Houèdo, ces présumés agresseurs de Martin Assogba lui en voudraient pour une affaire de lotissement ou de litige domanial dans leur localité. «Nous avons pu mettre la main sur des individus, et je crois que très prochainement, dans les heures qui vont suivre, la Police Judiciaire doit pouvoir se prononcer», avait avancé le 11 décembre le ministre de la Justice, Valentin Djènontin lors d’un point de presse. On pourrait donc dire que le Dg/Pn avait vu juste. Et pourtant.
…bras de fer?
Lundi 16 décembre. Retournement de situation. Le parquet du tribunal de première instance de deuxième classe de Calavi libère les huit présumés auteurs interpellés. Le tribunal évoque une insuffisance de preuves. Mais Gilbert Agon et ses acolytes sont placés sous convocation pour les besoins de l’enquête. Néanmoins, «aucune charge n’est retenue contre ces personnes», a martelé Apollinaire Dassi, procureur du Tribunal de Calavi lors d’une conférence de presse sur les raisons qui fondent leur mise en liberté. Il explique que pendant les auditions, les juges ont relevé un paradoxe. Ces huit personnes arrêtées ont un point en commun avec Martin Assogba leur supposée victime. Il s’agit de la lutte contre le bradage des réserves administratives de Houèdo. Il s’est en fait poser la question de savoir comment des personnes peuvent vouloir la mort de quelqu’un qui mène la même lutte qu’eux. Débat sur le mobile du crime. Le Procureur va d’ailleurs souligner que le tout n’est pas de trouver des présumés auteurs d’un crime, mais il faut savoir quel est le mobile. «Le rapport d’expertise est clair, il s’agit d’un travail de professionnel qui a choisi d’utiliser une arme de fabrication artisanale pour masquer son crime», a-t-il révélé.
L’acte du procureur sonne comme un désaveu pour le Dg/Pn. Un peu comme pour se réhabiliter, ce dernier organise lui aussi une conférence de presse le mercredi 18 décembre. Réponse voilée au procureur, l’exercice se tient à la direction générale de la gendarmerie à Porto-Novo. Il co-anime la conférence de presse avec le directeur général de la gendarmerie. Compréhensible. La commission d’enquête mise sur pied étant une commission mixte policiers-gendarmes. Mais on n’a pas compris pourquoi le Dg/Pn et le Dg/Gn donnent cette conférence de presse pour répondre au procureur qui est leur patron en matière judiciaire. «Les personnes interpellées ne sont pas des personnes innocentes(…) les gens de Houèdo, ont un antécédent comportemental grave», a déclaré Louis- Philipe Houndègon. En ce moment, on pouvait noter qu’il y avait dissension entre le Procureur et le Dg/Pn sur l’affaire Martin Assogba. Qui croire?
Ça doit se savoir
Où est en l’enquête sur l’affaire Martin Assogba? C’est sans doute l’une des nombreuses questions que se poseront les Béninois ce vendredi 14 février, jour de la fête de l’amour, où l’homme rentre au pays. L’assassinat manqué du président de l’Ong Alcrer restera-t-il un mystère ? « A notre connaissance, il n’y a pas d’évènement nouveau sur l’enquête. Ça nous inquiète », a indiqué un proche collaborateur d’Assogba. Du côté du parquet du tribunal de Calavi, il y a une omerta générale sur le dossier. Néanmoins, des sources concordantes ont affirmé qu’un juge d’instruction a été saisi et a pratiquement achevé son travail. La piste du bradage des réserves administratives de Houèdo serait privilégiée. La présence de Martin Assogba sur le territoire national pourrait sans doute faire bouger les lignes. L’opinion veut savoir ce qui s’est réellement passé. Des organisations alertent déjà les autorités gouvernementales et diplomatiques au Bénin pour que l’affaire ne reste non élucidée. C’est le cas de L’Action des Chrétiens pour l’abolition de la torture (Acat-France). Craignant pour la sécurité, l’intégrité physique et morale de Martin Assogba, Acat-France demande, à travers deux correspondances (lire intégralité en page 11) au président de la république et au chef de la délégation de l’Union européenne au Bénin que des mesures soient prises pour le protéger. Acat-France veut que « les autorités béninoises garantissent, en toutes circonstances, sur tout le territoire béninois, la sécurité de Monsieur Martin Assogba en lui assurant une garde policière au moins le temps de l’enquête.»