L’intégralité de l’interview de Komi Koutché sur Rfi

De passage à Paris, le Ministre béninois de la Communication, Komi Koutché a été reçu  le vendredi 14 février  dernier sur «Afrique matin»  de Rfi comme invité de Christophe Boisbouvier.

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Au menu :les sujets liés à l’actualité socio politique nationale : les grèves en cours, les inévitables affaires Talon(tentatives d’empoisonnement et tentative de coup d’état) ,les tribulations du juge Angelo Houssou et l’inévitable question de la révision de la constitution. Lisez plutôt

RFI : Depuis deux mois, le climat social semble se dégrader au Bénin. Témoin, les grèves de ces derniers jours. Pourquoi les forces de l’ordre ont-elles violemment réprimé la manifestation syndicale du 27 décembre dernier ?

Komi Koutché : Violemment, c’est trop dire. Comme vous le savez, le Bénin est un Etat de droit. Donc la marche que vous évoquez, est-ce que c’était une marche régulière ? A ma connaissance, ce n’est pas une marche régulière dans la mesure où l’autorité préfectorale a marqué son accord défavorable. Donc malgré cela, les centrales syndicales se sont entêtées. Qu’à cela ne tienne, il ne faut pas prendre cet évènement comme preuve de la fragilité de notre système démocratique. Je peux vous confirmer que le système démocratique béninois reste l’un des modèles, sinon le modèle, dans la sous-région ouest-africaine.

Pour les enseignants, pour les douaniers qui sont en grève, est-ce que vous êtes prêt à faire un geste ?

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Le gouvernement béninois a toujours été ouvert au dialogue. D’ailleurs, la preuve, quand vous prenez l’évolution du traitement de tous les fonctionnaires, il y a eu une évolution très remarquable. Il faut pouvoir lier ça aux différentes possibilités notamment budgétaires de notre pays. Donc rassurez-vous, le dialogue est permanent et continue en ce moment précis.

Les syndicats protestent contre la mauvaise gouvernance. Les Etats-Unis viennent de vous retirer le bénéfice du Millennium Challenge pour mauvaise gouvernance. Est-ce qu’il n’y a pas un problème de gouvernance ?

Un pays qui est mal gouverné ne peut pas avoir une croissance économique de l’ordre de 5,4% déjà pour l’année 2013 et une croissance économique estimée à 6,5% pour l’année en cours. Donc un pays mal gouverné ne peut pas afficher ces indicateurs. Je peux vous dire que le Bénin a des indicateurs sociaux très positifs. La preuve, le Bénin a déjà réalisé l’Objectif du millénaire pour le développement (OMD) et est en train de parvenir à l’éradication d’une moitié de la faim. Le Bénin est quand même l’un des pays où on est le mieux nourri. Au Bénin, on ne connaît pas la faim. Au contraire, nous avons un excédent que nous exportons vers les autres pays. Maintenant, revenons précisément à votre question. Le MCA, Medium Challenge des comptes, est une facilité de l’Etat américain qui appuie certains Etats africains. Le Bénin n’a pas perdu son éligibilité. Son éligibilité a été différée pour la simple raison qu’il y a un indicateur sensible qui est l’indicateur de la corruption. Mais on ne peut pas parler de mal gouvernance parce que, quand on parle de corruption, ce n’est pas qu’une affaire de gouvernants. La corruption est l’affaire de tout le monde, que ce soit au niveau du privé ou du public. Et du point de vue des gouvernants, beaucoup d’efforts ont été faits. Quand on parle d’imprescriptibilité de crimes économiques, ça veut dire que tout ce que vous commettez aujourd’hui comme comportement indécent peut vous rattraper à tout moment. La deuxième innovation, c’est la constitutionnalisation de notre Cour des comptes. Mais en plus de ça, la loi sur la corruption, c’est sous Boni Yayi que ça a été voté. Mais à tout cela, il faut ajouter que le président Boni Yayi a envoyé plusieurs de ses collaborateurs à la Haute cour de justice pour aller se justifier.

Dans l’affaire Patrice Talon, le 4 décembre dernier, la cour d’appel de Paris a refusé l’extradition de l’homme d’affaires que vous accusez de tentative d’empoisonnement sur la personne du chef de l’Etat, est-ce que vous êtes déçu ?

Je ne parlerai pas de déception. La décision de la France n’est pas une déception dans la mesure où elle s’inscrit dans le principe du droit positif de la France. Et l’amitié entre le Bénin et la France est une amitié légendaire. Au nom de cette amitié, le Bénin ne peut que respecter la décision de la France. Il y a une chose qui est importante dans cette décision, d’abord la France n’a pas été saisie pour connaître le fond du problème. La France a été saisie pour permettre au compatriote qui continue à être compatriote et à qui le président Boni Yayi est prêt à tout moment à accorder le pardon de venir s’expliquer et de dire ce qui s’est passé. Je vous avoue très sincèrement que si j’avais été à la place du compatriote, j’aurai eu hâte d’aller m’expliquer devant la justice surtout qu’il clame haut et fort qu’il ne se reconnaît pas dans ce qui se dit sur lui. Donc il n’y a que la justice pour pouvoir le blanchir. J’aurai été à sa place, je me serais même pressé pour aller me justifier pour ne pas laisser une image défavorable à la postérité. Le chef de l’Etat est totalement disponible à accorder le pardon. Qu’à cela ne tienne, moi je vous dirais que ce dossier n’est pas un dossier qui occupe majoritairement l’actualité béninoise.

Vous êtes ouvert au dialogue, mais le 24 décembre, votre gouvernement a porté plainte contre Patrice Talon devant les tribunaux français. Est-ce que ce n’est pas contradictoire ?

Mais être ouvert au dialogue ne veut pas dire que les voies judiciaires sont interdites.

Parmi les collaborateurs de Patrice Talon qui sont actuellement en prison au Bénin, il y a l’expert-comptable franco-béninois Johannes Dagnon. Par deux fois, la justice béninoise a ordonné sa remise en liberté, mais il est toujours en prison à Parakou, dans le nord. Pourquoi ?

Oui, mais la justice, c’est un tout. Il y a un troisième niveau qui est celui de la Cour suprême et on en est là. Donc, c’est aussi un dossier judiciaire qui n’est pas un dossier politique comme on veut le faire croire.

Depuis deux mois, le juge d’instruction Angelo Houssou, qui avait prononcé un non-lieu au bénéfice des six présumés complices de Patrice Tallon, est réfugié aux Etats-Unis. Est-ce que cela ne risque pas de ternir l’image de votre pays sur la scène internationale ?

Je pense qu’il a choisi de s’expatrier aux Etats-Unis et moi je n’appelle pas cela l’exil. En quoi sa sécurité est menacée ? Il a prononcé un jugement en première instance. Mais il y a des juges qui ont prononcé un non-lieu en appel, qui sont toujours au Bénin, qui sont libres de leurs mouvements et qui ne sont pas inquiétés.

A l’heure actuelle, le président effectue son second et dernier mandat, mais plusieurs de ses partisans lui conseillent de modifier la Constitution afin de se représenter en 2016. Est-ce qu’il ne va pas succomber à la tentation ?

Je viens d’apprendre cela, en parlant de partisans. C’est de vous, à Paris, que j’apprends ça pour la première fois. Le chef de l’Etat a toujours dit qu’il ne touchera pas à la Constitution pour des fins personnelles ou égoïstes.

Pas de troisième mandat ?

Pas du tout. La Constitution béninoise ne le permet pas. Il y a des voyants rouges qu’il ne faut.

Realisation : Christophe Boisbouvier (Rfi)

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