Komi Koutché par ici, komi Koutché par là. Il est partout, le fringant ministre de la communication. Jeudi dernier sur Africa 24 et le lendemain sur Rfi. Quelques jours plus tôt auparavant, il était dans son Bantè natal au milieu des siens qui l’adorent et croient en son destin de fils prodige.
Allure de jeune premier, soignant sa mise (costume cravate ou tenue traditionnelle), élocution plutôt facile sur un ton monocorde et dans un style qui n’a rien d’exceptionnel.
Il y a une dizaine de jours, Komi Koutché était devant la presse dans le rôle de « chargé de la coordination de la communication gouvernementale » (sic). Un titre pour le moins rébarbatif qui donne l’impression d’un ministre en stage probatoire pour le rôle de porte- parole du président ou du gouvernement, un véritable cadeau empoisonné pour tous les précédents détenteurs de ce portefeuille dont le président ne veut accorder le privilège à personne. Victor Topanou , porte- parole du gouvernement et Lionel Agbo , porte- parole du président qui se détestaient cordialement, ont passé le plus clair de leur temps à se neutraliser au point où, Marie- Elise Gbèdo qui a succédé au premier nommé, ne s’est jamais essayée à l’exercice.
L’intégralité de l’interview de Komi Koutché sur Rfi
Vous avez dit modèle de démocratie ?
Komi Koutché semble se plaire dans ce rôle. Sinon en quelle qualité, lui, ministre de la communication et expert autoproclamé en micro- finance, se permet –il de parler des logements sociaux sous Yayi sur le plateau de la Chaîne Africa 24 ? Sur Rfi vendredi dernier, face à un auditoire virtuel quasi mondial, la préoccupation première de ce coordonateur de la communication gouvernementale était de présenter le Bénin sous un jour favorable même en tordant le cou à la vérité. Sinon, comment peut-il affirmer sans rire, en parlant de la marche réprimée dans le sang : « je peux vous confirmer que le système démocratique béninois reste l’un des modèles, sinon le modèle, dans la sous-région ouest-africaine. »Dans quelle position notre ministre place t-il le Sénégal qui a organisé la dernière élection présidentielle que le monde entier a saluée comme libre, honnête et transparente à côté de la nôtre organisée avec une Lépi introuvable ?Une Lépi que la loi a prévu de mettre sur internet et qui ne s’y trouve toujours pas à ce jour ? Comment peut-il le dire, lorsque les autorités du Burkina qu’on ne peut soupçonner d’être de grands démocrates , laissent ses opposants organiser une grande marche contre le projet controversé de la révision de l’article 37 de leur constitution, sans la réprimer mais en assurant avec succès son encadrement ?Le Bénin ne peut plus être considéré comme un modèle de la démocratie et le ministre de la communication qu’il est , le sait très bien. En tant que ministre de tutelle de la télévision de service public qui refuse l’égal accès à tous et qui a systématiquement interdit les quelques rares émissions critiques vis-à-vis du gouvernement et banni les journalistes qui les produisent, au nez et à la barbe de la Haac qui avoue et assume son impuissance.
Autres contrevérités
Répondant à l’inévitable question de la perte du bénéfice du Mca, le ministre Komi Koutché fait une déclaration qui mérite des éclaircissements : « le Bénin, dit-il a déjà réalisé l’Objectif du millénaire pour le développement (OMD) et est en train de parvenir à l’éradication d’une moitié de la faim. »Sans nous appesantir sur la confusion flagrante entre le singulier indéfini dans le mot « l’objectif du millénaire » quand l’Onu parle clairement des objectifs du millénaire (ils sont au nombre de 8), on peut demander lequel des objectifs le Bénin a atteint en cette veille de l’année butoir 2015. Komi Koutché dit tout ceci pour plaire à son patron et pour camoufler la raison principale de la perte du Mca à savoir l’incapacité du gouvernement à endiguer la corruption. Et quand le gouvernement américain parle de la corruption généralisée, ce n’est nullement la petite corruption à laquelle les populations appauvries ont recours pour échapper aux affres de la misère généralisée. C’est l’incapacité des gouvernants à gérer le pays dans la transparence :point n’est besoin de prendre une loupe pour identifier les cas de mal gouvernance imputables aux dirigeants de ce pays :l’affaire Censad et Icc service où sont impliqués nommément des proches de la famille présidentielle, la construction du parlement, la centrale thermique de Mariagletta et les retro-commissions perçues dans les marchés les marchés publics sans oublier la forte propension de l’Exécutif à vassaliser toutes les institutions de contre pouvoir. C’est lui-même qui a osé dire publiquement, en mettant les rieurs de son côté à propos du président de l’Assemblée : « quand je dis « pin », Nago dit « pan ».
L’affaire Talon est, contrairement aux dires du ministre, au cœur de toute la vie politique depuis le début du second quinquennat. Une affaire entre deux individus qui est devenue par la seule volonté du chef de l’Etat, une affaire d’état : la seule grande affaire de tout le quinquennat qui détermine tous les comportements du chef de l’Etat et tous les actes qu’il pose au nom du pays. on peut citer pêle- mêle : les tribulations du juge Angelo Houssou et peut-être celles du procureur Gbènamèto ; les affaires Sodeco (les égreneurs et tous les triturateurs pour les cas les plus récents) ; la sortie calamiteuse du 1er août 2012 où il a traité tous les opposants de « petits » et les institutions de « corrompues » ; la réponse aux allures d’injonction à la lettre pastorale des évêques. Les déclarations du ministre Koutché sur le juge Angelo Houssou sont destinées à la consommation extérieure .Ici, tout le monde se souvient du harcèlement dont le petit juge avait fait l’objet, suscitant l’indignation quasi générale de ses collègues. Et comment Komi Koutché peut-il avoir le culot de demander aux exilés de Paris de rentrer pour s’expliquer, dans un pays où la détention préventive sans jugement qui devrait être l’exception est devenue la règle ?
« Le Bénin n’a pas perdu son éligibilité : l’éligibilité a été différée pour la simple raison qu’il y a un indicateur sensible, celui de la corruption. Mais on ne peut pas parler de mal gouvernance parce que lorsque l’on parle de corruption, ce n’est pas qu’une affaire de gouvernants. La corruption est l’affaire de tout le monde, que ce soit au niveau du privé ou du public. Et du point de vue des gouvernants, beaucoup d’efforts ont été faits. »