Les Etats généraux pour légitimer la caporalisation de la presse

Le président de la République en personne a donné hier  le top des travaux des Etats généraux de la presse dans la salle de conférence de l’une des toutes nouvelles Tours administratives trop exiguë pour la circonstance.

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Une cérémonie haute en couleur dans la plus pure tradition républicaine devant un parterre de journalistes  et de dignitaires des instances de régulation venus de toute la sous- région. Le président ne pouvait rêver d’une meilleure occasion pour donner de notre pays l’image d’ un pays respectueux de la libre d’ expression. Et il  était visiblement aux anges, comme  en témoigne son invitation impromptue à dîner à la présidence de la république hier même à 20h ; une invitation soufflée à l’oreille du président de la Haac qui a pris de court tous les participants. On comprendra plus tard les raisons de  cette bonne humeur manifeste. Aucun des intervenants qui l’ont précédé, du vice -président de la Haac, Edouard Loko, au président Nata en passant par le président du Patronat  de la Presse, aucun d’eux n’a osé dire que la liberté de presse n’existe pas au Bénin. « Au Bénin, précisera –t-il au milieu des rires et des murmures, il n’y a pas de prisonnier politique »

La preuve que Boni Yayi a initié les deuxièmes états généraux de la presse

C’est que l’occasion et l’ambiance générale  de la salle ne s’y prêtaient pas .Au demeurant, c’est le président Boni Yayi lui-même qui a décidé de l’organisation de ses Etats généraux de la presse et les a financés à hauteur de près de la centaine de millions de nos francs .La Haac et les Associations professionnelles de la presse se sont pliées en quatre pour s’exécuter. C’est lui qui a pris l’initiative de ses assises dont le thème  a été choisi à dessein pour  servir ses desseins : rendre la presse plus professionnelle et  moins encline à chercher des poux sur la tête des dirigeants. Les Etats généraux de la presse tels que conçus par le président ne devraient  pas être une tribune de déballages ou de dénonciation du pouvoir et de ses dérives liberticides. Non ! Le débat devrait être centré  sur la professionnalisation des acteurs des médias et leurs insuffisances .Et Dieu sait qu’ils en ont ! Tout au plus, acceptera-ton quelques critiques de certains illuminés-toujours les mêmes –  à l’endroit des autorités. Rien de bien grave ! Ces critiques seront contenues dans les limites du raisonnable pour ne pas égratigner le régime et la Haac qui l’a servi docilement ou presque tout au long de leurs cinq ans de mandat finissant, comme aucune Haac ne l’a fait depuis la création de l’institution. Les conseillers ont l’ultime occasion de se rappeler au souvenir du grand timonier, grand maître de toutes les nominations dans l’appareil d’Etat  et  autre. Sait-on jamais ! La vie après la Haac peut  réserver quelques surprises !

C’est dire que les présents Etat généraux s’inscrivent dans la droite ligne de conduite adoptée par cette Haac depuis le début de cette mandature, à  savoir, assainir la profession et extirper de ses rangs ceux qui sont considérés comme des brebis galeuses, incluant au passage  tous ceux, même professionnels , qui empêchent le président et son gouvernement de diriger en rond. Le symbole le plus parlant au cours de cette cérémonie se retrouve dans les deux discours prononcés par le président : le discours parlé et le discours écrit. Le discours écrit dont le président avoue être  l’œuvre de ses collaborateurs. « Ce n’est pas mon discours », dira-t-il à plusieurs reprises. C’est celui de mes collaborateurs. « Si, ce qu’ils disent est bon, dira t-il en guise de précision c’est moi qui le dis .Mais si ce n’est pas bon, alors ce n’est pas moi. »On retrouve là  le vrai visage de notre président,  celui qui a toujours mis sur le compte de ses collaborateurs les bévues relevées après coup. Cependant, au-delà de l’anecdote, il apparaît clairement que la vraie pensée du président est celle exprimée  « sans papier »,  comme on dit familièrement chez nous des discours non écrits .Et c’est au cours de son discours non écrit que le président a révélé l’idée  qu’il a de la presse et ce qu’elle doit faire .Selon lui, la presse n’est nullement le quatrième pouvoir. C’est le premier pouvoir, clame t-il en répétant plusieurs fois le terme. Et il dira pourquoi la presse est le premier pouvoir »parce qu’elle est dotée de la « capacité  de nuisance »

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Ainsi se révèle au grand jour, au détour des Etats généraux attendus par tous les professionnels pour consolider la «  maison média, », « les vraies couleurs » pour ainsi dire du président Yayi. C’est parce qu’il est tellement conscient de cette capacité de nuisance de la presse qu’il s’est arrangé  mieux que tous ses prédécesseurs, dès le début de son premier quinquennat, pour caporaliser méthodiquement l’ensemble des médias y compris les réseaux sociaux envahis aujourd’hui par ses thuriféraires. En faisant signer des contrats occultes avec les médias audio -visuels privés dont les charges sont très lourdes à supporter , en  verrouillant, pour ainsi dire , tous les médias de service public ,  pour en interdire l’accès à tous ceux qui pensent autrement, au nez et à la barbe de la Haac qui a avoué son impuissance à réguler la télévision de service public. Ces Etats généraux organisés dans un contexte de tension sociale aiguë où magistrats, et syndicats de tous ordres  réclament transparence et liberté d’action, apparaissent en définitive comme une bouée de sauvetage pour le pouvoir qui légitime ainsi à peu de frais (80millions de francs cfa) la caporalisation de tous lesmédias.

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