Affaire Banamè : si Parfaite m’était contée

Avec son nom dû à un choix mal inspiré, sa superficie ridicule et sa forme géographique plutôt laide avec un rectangle difforme, mon pays le Bénin ne paie certainement pas de mine, mais je l’adore. Record mondial du génie de la malice et de la mesquinerie ajouté à une finesse toute latine !

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Cela ne nous développera pas, prétend le père de l’humanisme personnaliste : Emmanuel Mounier. Voyons donc ! Ce pays d’à peine 10 millions d’âmes étonne toujours le monde.

Alors qu’aucun peuple noir n’a jamais pu développer une religiosité un tant soit peu originale, se contentant de s’enfoncer dans l’animisme (tout a une âme, n’est-ce pas ?), voilà que le Bénin lui, a inventé le vaudou qui survit aussi outremer. Tous les peuples africains ahanent sans broncher sous la botte de régimes despotiques ; le peuple béninois  lui s’est révolté au bout de moins de deux décennies contre une oligarchie militaro-marxiste et a réinventé une voie originale de sortie d’une dangereuse impasse politico-institutionnelle : la Conférence Nationale Souveraine, partout copiée mais jamais égalée. Croyez-vous qu’on va s’arrêter en si bon chemin ? Non ! Parce que le goût de l’extravagance, du panache et de la provocation est une caractéristique congénitale chez tous les Béninois, du Nord au Sud. Le dernier trait de génie mondialement singulier : des gens pas imbéciles du tout, respectables à souhait, las de laisser des masses illettrées et superstitieuses accourir à banamê-Sovidji à la recherche de solutions magiques à leur mal-être existentiel, ont constitué une véritable curie autour de Vicencia Chanvoukini, vénérée comme l’incarnation de l’Esprit Saint,  même par ces anciens prêtres catholiques défroqués ou excommuniés, ces anciens séminaristes interdits de prendre la soutane pour ne pas semer des gaffes au sein de leurs futures paroisses!  On ne rit plus sous cape ; la chose est devenue peu banale si bien qu’elle a interpellé le Chef de l’Etat lui-même. Les réactions effarouchées de la belle vierge à la frimousse d’ange ne se sont pas fait attendre. Crime de lèse-Seigneurie de l’avoir fait poireauter pendant 4 heures ! Et quelle arrogance, quelle impertinence ! Morceaux choisis : « …Le Chef de l’Etat est en train de nous montrer clairement sa position. Il s’est rangé du côté des Romains …Il s’est foutu de Dieu. Il parlait de Dieu sans savoir que j’étais devant lui. C’est moi le Dieu…Même si Yayi ne me connaît pas comme Dieu, je suis son Dieu et au moins 2 millions de Béninois le savent.» Même Jésus-Christ n’a jamais prétendu de son vivant qu’il était Dieu : « Que dit-on donc que je suis ?…Et pour vous, qui suis-je ? » Ce fut une révélation qui progressivement s’est imposée à ses disciples. Pour eux, il est d’abord le Messie, le Fils du Dieu vivant (Saint Marc, Saint Mattieu et Saint Luc), puis comme le Verbe de Dieu fait chair et qui est venu habiter parmi nous, partageant notre humanité (Saint Jean). Contrairement aux inexactitudes débitées par le Professeur Albert  Gandonou, il ne s’agit pas à Banamê d’un schisme, phénomène qui s’est produit à plusieurs reprises au sein de l’Eglise du Christ ; aucun des protagonistes des schismes ne s’est jamais prétendu une nouvelle incarnation de Dieu (Celle du Christ suffit aux chrétiens). Nous sommes ici en face d’une hérésie sanctionnée comme telle par l’excommunication latae sententiae de l’autorité apostolique.

Si je n’ai guère apprécié la dernière réflexion du Professeur Albert Gandonou parue dans la Nouvelle Tribune du lundi 24 février, c’est que de telles erreurs de jugement sont inacceptables chez un intellectuel de ce niveau. N’oubliez pas, cher collègue, que l’Eglise du Christ a deux mille ans et nous Négro-africains, surtout les Béninois nourris à la sève du paganisme vaudou, nous n’avons été à son contact que depuis moins de deux cents ans ! Que nous ayons de sérieux problèmes à nous acculturer à la doctrine, à la morale et à la liturgie chrétiennes dans ses variantes latines, orthodoxes ou issues de la Reforme, cela me semble évident pour tout homme qui se veut un « social scientist ». Je vais dans les lignes qui suivent mettre en évidence quelques-unes des vérités dont toute réflexion sérieuse sur le christianisme doit tenir compte.

• La vocation à la chasteté, l’un des trois conseils évangéliques et non pas le seul (il y a aussi l’obéissance et la pauvreté), n’est pas le plus important des commandements de Dieu; c’est en l’occurrence l’amour du prochain ; ou alors la vocation à la sainteté : « Soyez saint comme votre Père céleste est saint ». Il ne s’agit pas dès l’abord de puritanisme sexuel, malgré les idées-fixes depuis toujours agitées par des esprits névrosés, obsédés sexuels incurables.

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• Au demeurant, la vocation à la sainteté, et non pas seulement à la chasteté, ne s’adresse pas exclusivement aux personnes consacrées, mais à tout disciple du Christ.

• L’acclimatation du christianisme rejeté par les Juifs de Judée chez ceux de la diaspora juive et surtout  dans le monde gréco-romain, a malheureusement conduit à cette dérive culturelle où sainteté est devenue synonyme de chasteté et pureté de virginité ; contrairement à ce que prescrit d’abord l’un des dix commandements de Dieu transmis à Moïse. Cela a commencé par cette mauvaise compréhension des exhortations du Christ répétées par Matthieu que comme les autres exhortations les néophytes grecs brûlants d’un prosélytisme ardent ont prise à la lettre : « Vous avez entendu qu’il a été dit : « Tu ne commettras pas d’adultère. » Eh bien ! Moi Je vous dis : « Quiconque regarde une femme pour la désirer a déjà commis dans son cœur, l’adultère avec elle » Mt 5, 27-28) Si cette prescription devrait être prise en tout temps et en tout lieu à la lettre et dont la transgression serait un péché grave, « qui peut alors être sauvé » ? s’étonnaient déjà les disciples du Christ eux-mêmes.

• Les néophytes prosélytes grecs  ne l’entendaient pas de cette oreille, eux qui plus royalistes que le roi, critiquaient même déjà l’Apôtre Paul qui était venu les évangéliser, parce que ce dernier avait une concubine (1 Co 9, 1-8).

• La répulsion sexuelle due à une inhibition psychosexuelle psychopathogène totalement dénoncée par Sigmund Freud dans toute son œuvre, la haine du corps et des principales fonctions qui le vivifient dont surtout l’activité sexuelle, sont certes présentes dans tous les grands mystères religieux, mais faisons attention pour avoir toujours à l’esprit que le christianisme est la seule vraie religion de l’incarnation, du Dieu qui a pris chair d’homme.

• Le paradigme Religion et Culture constitue une thématique importante de l’anthropologie religieuse. Or, le christianisme a deux héritages culturels : le judaïsme et la pensée gréco-romaine. Le mariage entre les deux ne fut pas souvent aisé. Le premier schisme est venu des Grecs qui ne comprenaient pas l’importance que la tradition sémito-hellénistique donnait à l’esprit, la ruah des Hébreux, là où les Grecs voyaient plutôt la pensée (noùs en grec et mens en latin) et l’âme (psukhê en grec et anima en latin). Cette dérive vitalo-mentaliste prégnante déjà au premier siècle du christianisme (Cf. l’évangéliste Luc) sera la source des incompréhensions concernant l’Esprit Saint, troisième personne de Dieu trinitaire ; difficile à digérer par l’anthropologie grecque. D’où le schisme d’Orient et l’émergence de l’Eglise orthodoxe.  Elle rejeta par la même occasion le célibat consacré rendu facultatif.

• A la Renaissance, les résistances latentes des aires culturelles anglo-saxonne et germanique seront assez fortes et seront à la base de la naissance de l’église anglicane et du protestantisme qui rejetèrent eux aussi le célibat consacré.

• Suivant diverses influences dues  essentiellement aux variétés culturelles et aux vicissitudes de l’Histoire, il y eut plusieurs rites dans l’Eglise catholique, mais partout sera sauvegardé  plus ou moins le célibat consacré.

• Les églises sud-américaines, africaines et certaines églises asiatiques sont demeurées sous l’autorité du Pape, Evêque de Rome et le seul Vicaire attitré de l’Eglise du Christ ; à cause ici encore une fois des vicissitudes de l’Histoire, notamment la colonisation.

• Pour le meilleur plutôt que pour le pire, les églises africaines catholiques sont largement et majoritairement de rite romain et reconnaissent l’autorité apostolique du Pape. Même si les sociétés africaines foncièrement paysannes et d’essence païenne, n’ont jamais eu de répulsion face à la sexualité, la reproduction qui chez elles ne sont jamais perçues systématiquement comme des souillures entravant la sublimation spirituelle et la sainteté, la soumission des églises catholiques romaines d’Afrique à l’autorité apostolique du Pape et au Magistère vivant de l’Eglise du Christ, les rend assujetties au célibat consacré; malgré plusieurs démarches, infructueuses jusqu’à maintenant, surtout des églises catholiques romaines  d’Afrique centrale (où la question est plus préoccupante) auprès du Pape Jean-Paul II, pour bénéficier  d’une dispense. Je suis sûr que le Pape Jésuite qui est sur le Siège apostolique, hardi sur le plan de la doctrine comme l’ont souvent été les jésuites, mettra à nouveau sur le tapis la question du célibat consacré obligatoire.

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