Culture : trois questions à qui de droit

Essentiel, pour le Bénin, de courir, année après année, derrière la culture du coton. Il y a, à la clé, des milliards de nos francs. C’est un matelas de sécurité pour des millions de nos compatriotes. Arrière la précarité. Dehors la misère. Mais il y a plus essentiel encore, pour le Bénin : protéger et valoriser ses cultures.

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Coton et culture, quelle différence ? L’argent du coton est quantifiable. Le gain de la culture est inestimable. L’un est strictement marchand. Le coton est avant tout une marchandise vendue sur un marché, dans le cadre d’un rapport commercial entre des acteurs mus par leurs intérêts respectifs. L’autre n’a pas de prix. La culture signe et signifie l’homme. C’est la référence majeure à l’être de l’homme. La culture situe ce dernier à sa vraie place, dans son vrai rôle sur la terre. Dieu a créé la nature. L’homme a créé la culture.

Pour faire court, le coton nous conduit droit sur un marché. La culture nous remet en marche et nous situe dans la marche de l’homme vers son plein développement. Rappelons-nous l’historien burkinabè Joseph Ki-Zerbo d’illustre mémoire : « On ne développe pas, a-t-il écrit, on se développe » (Fin de citation). Au Bénin, nous avons faim de nous développer. Et nous savons, à l’instar d’autres peuples, que nous pouvons compter sur nos cultures pour assouvir un tel besoin. Voilà qui fonde notre désir d’en savoir plus sur l’état de santé de nos cultures. Voilà qui justifie notre impatience, celle de poser, à qui de droit, trois questions, dans l’espoir fiévreux d’une très prochaine réponse.

Première question. Pourquoi Cotonou, la vitrine du Bénin, continue-t-elle de concentrer l’essentiel de ses activités culturelles, 54 ans après nos indépendances, dans une maison étrangère, à l’intérieur du périmètre de l’Institut français ?

Cette seule question est assez indicatrice de la place que tiennent nos cultures dans nos préoccupations ; du poids de la chose culturelle dans nos options de développement. Nous sommes encore nombreux à tout ignorer de nos cultures ; nombreux à tenir nos cultures pour quantités négligeables ; nombreux à trahir, chaque jour, le Bénin. Nous sommes nombreux à avoir choisi d’être et de rester des aliénés, des extravertis, continuant de jouer les singes grimaçants ou les perroquets récitants. Une telle vérité mérite d’être dite, quoi qu’il en coûte. Les sages bambara nous rassurent : « La vérité comme le piment mûr, disent-ils, rougit les yeux mais ne les crève pas ».

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Oui, Cotonou, pour une foule de raisons, aussi évidentes que convaincantes, mérite d’abriter un temple, genre Palais de la Culture, dédié à la promotion et à la valorisation de nos cultures. Ici, les exigences élémentaires du simple bon sens vont de pair avec les impératifs non négociables de la dignité nationale. C’est absurde de célébrer nos cultures au Bénin, mais chez autrui, en terre étrangère. Si, en la matière et sur ce plan, Cotonou apparaît comme un misérable mendiant, on imagine aisément le sort des 76 autres communes du Bénin.

Deuxième question. Les Béninois écrivent de plus en plus, mais dans un désert éditorial désolant. Comment expliquer cette absence criarde de structures appropriées pour relayer leur effort de création?

Aucune initiative, privée comme publique, ne s’annonce pour rétablir le maillon manquant d’une maison d’édition digne de ce nom dans la chaîne du livre dans notre pays. Des jeunes prennent la plume, libèrent leur imagination, révèlent de grandes capacités littéraires, sans que leur effort de création n’aboutisse. L’absence d’une maison d’édition condamne ainsi aux oubliettes leurs toutes premières élaborations. C’est Mozart qu’on assassine. Ce sont des talents qui sont, à jamais, étranglés. Il faut agir vite. Il faut arrêter au plus tôt le massacre. Surtout à l’heure où le milliard culturel se prépare à accoucher d’un beau triplé.

Troisième question. Que faisons-nous pour consommer de plus en plus béninois, pour porter les habits de chez nous, pour sortir nos langues nationales de leur ghetto, pour nous interdire de faire des rêves blancs, des rêves en blanc, des rêves de Blanc ?

Voilà les trois questions que nous adressons à qui de droit. Nous en avons d’autres. Mais à chaque jour suffit sa peine. Creusons les puits d’aujourd’hui pour les soifs de demain.

 

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