Affaire Patrice Talon : Les non-dits du pardon de Boni Yayi

Affaire Patrice Talon. Supposées tentatives d’empoisonnement et de coup d’Etat orchestrées par  l’homme d’affaires béninois pour mettre fin d’une manière ou d’une autre au mandat de son ancien ami et bras politique, le président Boni Yayi.

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Cette affaire aussi bien scabreuse que rocambolesque est bien assimilable à une véritable série policière. Une tragi-comédie politique qui se serait déroulée au Bénin, en France, avec quelques épisodes en Belgique et aux Etats-Unis. La série a connu plusieurs épisodes, avec plusieurs rebondissements. De son début  le 20 octobre 2012, au pardon du chef de l’Etat ce 14 mai 2014 en passant par les différentes audiences aux Cours d’Appel de Cotonou et Paris, le refus de Paris d’extrader Patrice Talon, les ordonnances de non-lieu du juge d’instruction béninois Angelo Houssou et l’exil de ce dernier aux Etats-Unis. Le dernier rebondissement est le pardon de Boni Yayi.

Le pardon du chef d’Etat béninois, présumée victime, est tombé dans la nuit de ce mercredi 14 mai, par une déclaration solennelle ce dernier depuis le Palais présidentiel de la Marina et retransmise en directe par la télévision nationale, Ortb. Ce dernier rebondissement sonne le début de la fin, on l’espère vivement, d’une affaire d’intrigues au sommet de l’Etat avec toutes ses conséquences fâcheuses pour le Bénin.

Contrairement aux séries policières auxquelles elle s’apparente, l’affaire Talon connaît une fin bien particulière. A la fin des séries policières, l’un des deux principaux protagonistes sort victorieux en neutralisant l’autre.  Evidemment, dans l’affaire Talon qui n’est pas une fiction, on ne pouvait souhaiter la neutralisation d’aucun des protagonistes. Seulement, ce thriller à la béninoise tire vers sa fin sur un goût d’inachevé. Entourant donc le pardon de Boni Yayi, et même toute l’affaire, de plusieurs non-dits qui ne peuvent passer inaperçues.  

Coton, Pvi, sodeco : quelle suite ?

Les affaires empoisonnement et coup d’Etat sont l’expression, sinon le point culminant, d’une rude bataille opposant  deux anciens « amis ». Avant et après leur éclatement en octobre 2012 et février 2013, « empoisonnement » et « coup d’Etat » ont suscité d’autres parallèles, sur fond de bataille  juridico-économiques et politiques entre les réseaux des deux hommes. Il s’agit notamment des dossiers de la réforme du Programme de vérification des importations de nouvelle génération (Pvi-Ng) au port de cotonou, la gestion de la filière coton, l’affaire Sodeco et le projet de révision de la constitution béninoise du 11 décembre 1990. A entendre les deux camps, les dossiers, pvi, coton, Sodeco et révision de la constitution ont un lien direct avec le feuilleton de la « complotite. »

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Et comment ? Il faudra bien le rappeler. Fin 2010-début 2011, la société Bénin Control de  Patrice Talon avait été sélectionnée par le gouvernement béninois pour gérer la réforme du Pvi-Ng au port de Cotonou. Avant cela, Patrice Talon avait la main mise sur la gestion du secteur cotonnier béninois. Seulement, début 2012, accusé par le gouvernement de tripatouillage des statistiques de la production  cotonnière du pays et de tricherie dans l’acquisition du marché du Pvi-Ng, Patrice Talon s’est vu arraché ces deux gros marchés : vache à lait de l’économie béninoise. Des procédures ont même été engagées contre l’homme d’affaires pour crime économique. Dans le dossier Sodeco, le gouvernement a récemment porté plainte contre le camp Talon. Maintenant Boni Yayi dit avoir  pardonné. Et tend la main à son adversaire. Que deviendront les affaires Pvi, Sodeco et Coton ?

Révision de la constitution : un nouveau deal ?

Boni Yayi a initié un projet de révision de la Constitution du Bénin. Dans une interview accordée à Rfi le 29 octobre 2012, Patrice Talon affirmait être victime d’un acharnement de Boni Yayi pour avoir refusé de financer ce projet de réforme constitutionnelle. Dont la finalité, pour le paraphraser, est de permettre le maintien de Boni Yayu au pouvoir au-delà de 2016, date de la fin de son second mandat. Une information  que ce dernier a toujours balayée du revers de la main. A maintes reprises, l’interessé a réitéré sa volonté de quitter le pouvoir au terme de son second mandat en 2016, rappelant au passage l’engagement pris devant le Pape Benoit XVI  notamment. Seulement, voilà ! le président béninoisne manque aucune occasion pour rappeler qu’il tient à son projet de réforme constitutionnelle comme à la prunelle de ses yeux. On a vu toute l’énergie déployée en vain par les siens et lui pour tenter un passage en force. Voilà qu’il décide de pardonner à Talon après d’intenses négociations. Que deviendra alors ce projet de révision de la constitution ? Cette réforme étant la principale pomme de discorde entre les deux hommes si on s’en tient à la version de Talon? Patrice Talon, homme de réseau et d’influence veut-il désormais donner sa bénédiction à la mise en œuvre de la réforme. Et ce, même si elle implique un plan de maintien de Yayi au pouvoir après 2016. Le chef de l’Etat qui est soupçonné de vouloir réviser pour se maintenir au pouvoir va-t-il abandonner ce dessein ? Patrice Talon a-t-il eu des garanties à cet effet ? Il y a-t-il un nouveau deal entre les deux hommes ? Faudra-t-il s’en inquiéter ? Quand on sait que le projet de révision est actuellement à l’Assemblée nationale où Patrice Talon ne manque pas de bras politiques au sein des députés les plus influents. A moins que Boni Yayi ait été contraint à cette option de pardon pour assurer la  réussite de la table ronde économique qu’organise le Bénin en juin à Paris ?

Boni Yayi, cet inexpérimenté en politique, devenu après huit ans de pouvoir un véritable animal politique ne va sans doute pas faire une concession sans rien attendre en retour. La même chose est à penser de Patrice Talon, homme d’affaire bon tient. Dans ces dossiers, les deux hommes s’affichent à de parfaites victimes l’un de l’autre. Au-delà donc de la médiation d’Abdou Diouf, quel pacte ont-ils à nouveau signé ?  Autant de questions à se poser sur  l’issue pacifique (on en est heureux) de la bataille à mort que se sont livrés Boni Yayi  et son ex-bras financier.

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