Affaire Patrice Talon : une erreur des juges de la Cour d’Appel complique tout

Très attendue à Cotonou, dans les principales villes béninoises, et même dans certains endroits du Bénin, le verdict de la Cour suprême dans les affaires de supposées tentatives d’empoisonnement et de coup d’Etat ayant visé le président Boni Yayi est tombé dans la nuit de ce vendredi 02 mai 2014.

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 La Chambre judiciaire de la Cour suprême a cassé les deux arrêts de la Chambre d’accusation de la Cour d’Appel de Cotonou. Rendus le 1er juillet 2013, ces arrêts ont confirmé, sous réserve des cas Patrice Talon et Olivier Boko les ordonnances de non-lieu du juge Houssou du 17 mai. Le premier, Patrice Talon, est le supposé  commanditaire de ces deux complots présumés. Et le second son acolyte. Le motif avancé par la Cour suprême est que la Cour d’appel a visé dans ses deux arrêts les articles 176, 177, 188 et 193 de l’ancien code de procédure pénale qui n’était plus en vigueur en juillet 2013 ; date à laquelle la chambre d’accusation rendait ses arrêts. En effet, le 1er juillet, le nouveau Code de procédure pénale, promulgué en mars 2013 et publié le 29 mai de la même année au journal officiel de l’Etat était déjà en vigueur. Au cours d’une conférence de presse donnée dimanche, au matin, à Azalai Hôtel de la Plage à Cotonou, le collectif des avocats de Boni Yayi  a indiqué que dans son pourvoi, il avait avancé dix moyens pour que la Cour suprême casse les arrêts de la Cour d’Appel. Seulement, la Cour ne s’est finalement basée que sur un seul desdits éléments pour casser les arrêts en question. « L’examen des autres moyens avancés par l’accusation aurait pu aboutir au même résultat », affirment-ils. Dans le fond, la Chambre judiciaire n’a donc pas remis en cause -en tout cas pas pour le moment- le principe de la confirmation des ordonnances de non-lieu du juge d’instruction de première instance Angelo Houssou  par la Chambre d’accusation de la Cour d’appel.

Pour le moment, on retiendra que la Chambre judiciaire a cassé les deux arrêts parce que les trois juges de la Cour d’appel ayant siégé ont visé dans leurs arrêts des articles d’une loi qui n’était plus en vigueur. Ces trois juges ignoraient-ils l’entrée en vigueur du nouveau code de procédure pénale ? Est-ce une erreur matérielle intervenue par inattention ? Qu’est-ce qui pourrait justifier la référence dans les arrêts à une loi qui n’était plus en vigueur ? Difficile de répondre à ces questions que se pose, tout de même, tout observateur de l’affaire Patrice Talon.  Surtout que, cette erreur, replonge le Bénin dans une affaire qui empoisonne tout le climat politique depuis octobre 2012, avec ses conséquences négatives sur l’animation de la vie publique du pays. Car, depuis Octobre 2012, il faut l’avouer, le débat public et les vraies questions de développement sont devenues otages de cette rocambolesque affaire d’intrigues-avérées au non- au sommet de l’Etat. Et avec le va-et-vient Cour d’appel-Cour de cassation qui se profile à l’horizon, on se demande si le Bénin sortira un jour de l’auberge. La conséquence la plus fâcheuse de ses deux arrêts  étant le maintien en détention provisoire des présumés coupables des deux affaires  qui ont cru trop tôt à la fin de leur calvaire. 

Et revoilà Boni Yayi !

Cette décision de la chambre judiciaire de la Cour suprême ne manquera pas d’avoir des conséquences au plan politique, notamment sur la cote de popularité du président Boni Yayi. Au Bénin, depuis la date de la prise des deux arrêts de la Cour d’Appel, le 1er juillet, l’aura de Boni Yayi a pris un coup. Les deux arrêts de la Chambre d’accusation ont été suivis par d’autres défaites de Boni Yayi aussi bien sur les plan politique que judiciaire.

Le 24 septembre, la Commission des lois de l’Assemblée nationale a rejeté le projet de loi portant révision de la Constitution. Ce projet cher à Boni Yayi. Il a pourtant été rejeté malgré la majorité mécanique dont dispose le chef de l’Etat au sein de cette Commission. Le 04 décembre, la Cour d’Appel de Paris rejette la demande d’extradition vers le Bénin de Patrice Talon et Olivier Boko. Cette demande était formulée par les autorités béninoises. Quelques jours après ce camouflet judicaire à Paris, Boni Yayi essuie un autre revers politique ici au Bénin. Le 19 décembre, le Parlement a rejeté le projet de budget général de l’Etat, gestion 2014. Pourtant, le président Boni Yayi y détenait, en tout cas théoriquement, la majorité nécessaire pour l’adoption sans problème de ce budget. Tous ces événements, ajoutés à la morosité économique ambiante dans le pays, ne pouvait qu’entamer la cote de popularité de Boni Yayi. Et pour sauver les meubles, la machine de communication du pouvoir a dû axer la propagande sur différents projets de construction d’infrastructures (routes, chemin de fer, bâtiment administratifs) réalisés ou lancés par le gouvernement.

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La décision que vient de prendre la Cour suprême pourrait donc susciter un regain de popularité du chef de l’Etat dans l’opinion. Et avec, tous les travers du régime. Entendre par là « les marches et prières de soutien au chef de l’Etat », érigées en mode de gouvernance par le régime Yayi.

PETIT RAPPEL CHRONOLOGIQUE DES FAITS

20 octobre 2012 : début de l’affaire empoisonnement

22 février 2013 : début de affaire tentative de coup d’Etat

18 mars 2013 : promulgation de la Loi n° 2012-15 portant code de procédure pénale en République du Bénin. Cette loi a été votée par l’Assemblée Nationale le 30 mars 2012

17 mai :Le juge d’instruction Angelo Houssou rend ses deux ordonnances de non-lieu.

29 mai :Entrée en Vigueur de Loi n° 2012-15 portant code de procédure pénale en République du Bénin. La loi promulguée par le chef de l’Etat a, en fait, été publiée au journal officiel, synonyme de son entrée en vigueur.

1er juillet :la Chambre d’accusation de la Cour d’Appel de Cotonou rend ses deux arrêts

04 décembre :Paris refuse d’extrader Patrice Talon et Olivier Boko

02 mai :la Cour suprême casse les arrêts de la Chambre d’accusation de la Cour d’Appel de Cotonou pour « méconnaissance »de la loi portant code de procédure pénale

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