Cena : les députés pris au piège du code électoral et des calculs politiques

A l’Assemblée nationale, le blocage observé dans le processus de désignation du représentant des magistrats à la Commission nationale électorale (Cena) est dû à des dispositions insérées dans le code électoral, sans doute, au nom des calculs politiques.

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Entamé la semaine dernière, le processus de désignation par l’Assemblée nationale des membres de la Commission électorale nationale autonome (Cena) a du plomb dans l’aile. Même s’il est quasiment achevé. La désignation des représentants directs de la majorité et la minorité parlementaire étant effective depuis ce mardi 20 mai 2014. Les députés sont bloqués au niveau de l’élection du magistrat devant siéger au sein de cette Cena de cinq membres, qui se veut désormais permanente. Avec un mandat de sept ans non renouvelable pour ses membres. Le blocage observé au niveau de la désignation du magistrat trouve ses racines dans des dispositions de la loi n°2013-06 portant Code électoral en république du Bénin. Ce code stipule que la Cena se compose de cinq membres, avec une représentation égalitaire de la mouvance et l’opposition (lire article 19 en encadré). Ainsi, deux sièges reviennent-ils à la majorité parlementaire et deux à la minorité parlementaire. Le dernier siège est dévolu à un magistrat de siège ayant au moins quinze années d’expérience. A ce niveau, les choses se compliquent. Le magistrat n’est pas désigné directement par ses pairs comme ce fut le cas pour les Cena précédentes. En effet, selon le code, réunis en Assemblée générale, les magistrats désignent trois des leurs dont les noms sont envoyés à l’Assemblée nationale. Et les députés désignent l’un des trois magistrats «par un vote à la majorité qualifiée des deux tiers (2/3)».

Calculs politiques ou réalisme  

La Cena permanente en cours de formation aura la charge d’organiser six élections. Deux présidentielles (2016 et 2021), deux législatives (2015 et 2019) et deux municipales (2014 et 2019). L’enjeu est donc grand. Mais à voir sa configuration, il faut reconnaitre un mérite aux députés. Notamment à ceux de l’actuelle majorité parlementaire, pro-gouvernementale. Ils ont eu le sens de la concession en permettant à l’opposition, quoi que minoritaire, de disposer du même nombre de sièges que la mouvance. C’est de bonne guerre. Quand on sait que nous avons un Parlement ayant une majorité à géométrie variable.  Au regard donc de la configuration de la Cena, le représentant des magistrats est dans une position capitale. Il est dans le rôle d’arbitre. C’est à lui ou elle que reviendra le dernier mot quand l’un des deux camps voudra contrôler la Commission. Les députés ont compris cela. Et c’est pourquoi, ils ont laissé dans le code électoral une disposition permettant au Parlement d’avoir son mot à dire dans le processus de désignation du représentant des magistrats. Quitte à ce que le camp politique majoritaire, puisse envoyer à la Cena un magistrat acquis à sa cause. On apprend que minoritaire, l’opposition n’avait pu faire amender cette disposition de la loi en son temps.

La voie du consensus?

Les députés sont aujourd’hui pris à leur propre piège. Mardi dernier, après trois tours de scrutin, précédés de débats sur le contenu des Cv des trois magistrats, ils n’ont pu opérer un choix. Aucun des trois magistrats n’a pu obtenir la majorité qualifiée des deux tiers requise. Vu la configuration actuelle du Parlement, il serait d’ailleurs difficile pour un magistrat d’obtenir ce score à moins qu’il fasse l’objet d’un minimum de consensus entre les différents courants. On n’en serait pas là si les magistrats avaient l’opportunité de désigner directement leur collègue devant siéger à la Cena. Encore que la désignation des représentants des corps de métiers ou de la société civile dans les institutions de la République a toujours été faite de façon directe. Sans que ni le Gouvernement, ni le Parlement n’ait à intervenir de façon décisive. La procédure est identique pour la désignation des représentants de la société civile, des syndicats, des enseignants et des journalistes dans les institutions comme le Conseil économique et social (Ces), la Haute autorité de l’audiovisuelle et de la Communication (Haac) et l’Autorité nationale de lutte contre la corruption (Anlc). Sans doute parce que là-bas, contrairement à la Cena, l’enjeu n’est pas électoral.

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Article 19:du Code Electoral

«La Commission Électorale Nationale

Autonome (CENA) est composée de cinq (05) membres désignés par l’Assemblée Nationale.

Ils sont choisis parmi les personnalités reconnues pour leur compétence, leur probité, leur impartialité, leur moralité, leur sens patriotique et désignées à raison de :

– deux (02) par la majorité Parlementaire ;

– deux  (02) par la minorité Parlementaire ;

– un (01) Magistrat du siège.

Pour le choix du Magistrat, l’Assemblée Générale des Magistrats propose une liste de trois (03) Magistrats du siège ayant exercé de façon continue pendant quinze (15) ans au moins.

L’Assemblée Nationale procède à la désignation du Magistrat par  un vote à la majorité qualifiée des deux tiers (2/3)».

Code électoral mise en conformité

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