Entre l’Exécutif et son chef, le Parlement et le Cos-Lépi, quelle institution est responsable du retard dans l’organisation des élections municipales ? Aucune. C’est du moins ce qu’on retient d’une décision rendue par la Cour constitutionnelle sur la question.
Et en rendant une telle décision, Théodore Holo et ses pairs donnent un argument juridique au pouvoir pour coupler Municipales, Législatives et Présidentielle ou encore reporter sine die les deux dernières. Ce qui ferait partie d’ailleurs du plan méthodiquement concocté par Boni Yayi et les siens et dont une certaine opinion a largement fait échos.
Face au report sine die de la tenue des élections municipales, communales et locales qui devraient se tenir au premier trimestre 2013, le juriste Serge Prince Agbodjan a saisi la Cour constitutionnelle le 23 décembre 2013. Il s’agit d’un recours pour la fixation d’une date pour les élections municipales en vertu de l’article 114 de la Constitution. » Cet article stipule que « La Cour Constitutionnelle est la plus haute Juridiction de l’État en matière constitutionnelle. Elle est juge de la constitutionnalité de la loi et elle garantit les droits fondamentaux de la personne humaine et les libertés publiques. Elle est l’organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics. » Autrement dit,selon le requérant, la Cour devrait user de ses prérogatives pour mettre les différentes institutions impliquées dans le processus électoral devant leurs responsabilités. Ce sont le Président de la république Boni Yayi et son gouvernement, le Parlement et le Cos-Lépi, en charge de la supervision de l’actualisation et la correction de la Liste électorale permanente informatisée (Lépi). Théodore Holo et les siens ont manqué de rappeler aux trois institutions leurs missions respectives afin que les élections municipales puissent se tenir à bonne date. Cependant, dans sa décision Dcc 14-103 du 27 mai 2014 (lire intégralité en fin d’article) la Cour Holo a fort curieusement estimé qu’aucune de ces institutions n’a violé la Constitution pour leur rôle dans la non tenue dudit scrutin. Les Sept sages dédouanent simplement le Président de la République, l’Assemblée nationale et le Cos-Lépi.
Elles refusent d’assumer leurs responsabilités
Chacune des institutions tente de se blanchir. Le président de la République estime avoir joué sa partition en débloquant une partie des fonds nécessaires à la correction de la Lépi. Selon lui, à la date du 07 février 2014, le Cos-Lépi n’avait d’ailleurs pas consommé tout le crédit mis à sa disposition à cet effet. Selon la Constitution, le président de la République convoque le corps électoral. Mais cela doit se faire lorsque tous les préalables sont établis. A entendre la par-là la disponibilité de la liste électorale et l’installation de la Commission électorale nationale autonome (Cena). Sur ces deux aspects, du chemin reste à parcourir.
L’Assemblée Nationale dit avoir joué sa partition en ayant pris les différentes lois relatives au processus électoral. On pense notamment à la loi sur les unités administratives, le Code électoral, la loi portant correction de la Lépi. Le processus de désignation des membres de la Cena, exclusivement du ressort de l’Assemblée nationale selon le Code électoral, est bloqué au niveau du choix des représentants des magistrats. La Cour constitutionnelle a d’ailleurs été saisie pour aider à débloquer la situation. A leur niveau, les députés réfléchissent déjà aux voies et moyens pour réviser le Code électoral afin de terminer leur partition sur le chantier de la mise sur pied de la Cena.
Le Cos-Lépi rejette, quant à lui la responsabilité du retard sur le gouvernement. Ce dernier n’ayant pas débloqué à temps les ressources financières nécessaires à l’opération de correction et d’actualisation du fichier électoral.
Ainsi, entre le président de la République, l’Assemblée nationale et le Cos-Lépi, aucune partie ne se reconnaît responsable de la situation de retard et de blocage actuel concernant la correction de la Lépi et l’organisation des élections municipales. Mais à qui la faute au finish ?
Report sine die ou couplage
La Lépi est le nœud du retard de l’organisation à bonne date des élections municipales. Etant donné que la tenue des élections est liée à la correction du fichier électoral. Conscient de cela, certaines forces politiques avaient déjà proposé le recours à une liste ad ’hoc afin de sortir le Bénin du piège de la Lépi. Cependant, dans une décision rendue le 05 avril 2010, la Cour constitutionnelle en son temps présidée par Robert Dossou, instaurait le principe selon lequel il ne peut avoir d’élection au Bénin sans Lépi. Cette jurisprudence de la Cour Dossou a été confirmée par la Cour Holo. Qui ne donne aucune ouverture aux acteurs politiques pour un recours à une liste alternative. Hier, le bureau de l’Assemblée nationale a tenu une séance de travail avec le Cos-Lépi. Le président du Cos-Lépi, le député « mouvancier » Sacca Lafia a annoncé que les opérations de correction et actualisation de la Lépi prendront fin en novembre 2014. Cela fait un énième report de l’échéance. A cette allure, on peut affirmer avec certitude que les élections communales ne pourront raisonnablement plus se tenir avant la fin de cette année 2014.Etant donné que les Législatives doivent se tenir au plus tard le 30 avril 2015. Théoriquement, cinq mois sépareront la date de la finition de la correction de la Lépi de celle des Législatives. Dans ce laps de temps, pourra-t-on organiser deux élections ? A savoir les municipales en fin 2014 et les Législatives trois, voire, quatre mois plus tard.
Déjà en 2013, des sources avaient révélé que le plan du gouvernement est de coupler l’organisation des Municipales et des Législatives. D’autres ont même avancé l’idée du couplage de ces deux scrutins avec la présidentielle. Les trois scrutins auront lieu, selon ce plan, en 2017. La Cour Holo vient de réaffirmer qu’il ne peut y avoir d’élection sans Lépi. Alors qu’on va de report en report concernant la fin de la correction de la Lépi. On pourrait donc arriver à reporter sine die les Législatives de 2015 et la Présidentielle de 2016 comme on l’a fait pour les Municipales de 2013. On peut donc croire que le plan du gouvernement est en marche. Le Bénin est dans un cercle vicieux politico-juridique et électoral. Sur ce coup, la Cour Holo vient de rendre service à Boni Yayi dont les envies d’un troisième mandat ou d’une prorogation de mandat transparaissent de plus en plus. Le contraire reste à démontrer…
Lire la décision de la cour
Laisser un commentaire