Reconstruction du cabinet : Komi Koutché viole le Code des marchés publics dans l’attribution du marché

(La procédure de passation des marchés gré à gré viciée) Après l’incendie qui a ravagé le 20 décembre 2013 son cabinet, le ministre de la communication, Komi Koutché, a opté pour le rasage du bâtiment, vieux seulement d’une dizaine d’années, et la construction d’un autre plus grand. Si le projet de plus du milliard a été, après moult tractations, approuvé par le Muha, la procédure de passation des marchés est cependant viciée.

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Le 20 décembre 2013, un incendie provoqué, a-t-on dit, par un court-circuit a ravagé le bâtiment abritant le cabinet du ministre de la Communication et des Technologies de l’Information et de la Communication (Mctic). Sis non loin du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, le bâtiment de type R+1 abrite le bureau du ministre, son secrétariat particulier, ceux de sa cellule de communication et quelques conseillers techniques. Une difficulté que le maître des lieux, Komi Koutché, surmontait tant bien que mal quand survint l’incendie du 20 décembre qui vint tout compliquer.  Avec cet incendie, le ministre qui jusque-là émerveillait par ses prouesses, doit désormais faire face à deux difficultés. L’éparpillement de ses directions et la délocalisation du cabinet en attendant la réhabilitation du bâtiment parti en fumée. Cependant ce projet de réhabilitation est marqué par  beaucoup de couacs et de violation, disons-le, flagrante du code des marchés publics.

Parodie d’appel d’offres

Les travaux de reconstruction sont divisés en quatre lots. Lot 1 : gros œuvre, revêtement, plomberie Vrd et aménagements extérieurs. Lot 2 : menuiserie bois, menuiserie métallique, peinture, étanchéité et faux plafonds. Lot 3 : Menuiserie aluminium, vitrerie, revêtement de façade. Lot 4 : électricité, courant fort, courant faible, climatisation et ascenseurs. Le 19 mars 2014, la Direction nationale de contrôle des marchés publics (Dncmp) donne son avis favorable au ministère de la communication pour passer en procédure de gré à gré les marchés relatifs à la conception architecturale, aux travaux de construction et à l’équipement du nouveau cabinet.  Cet avis favorable est suivi de recommandations. La procédure de gré à gré doit faire l’objet d’une mise en concurrence des candidats susceptibles d’exécuter ce marché. Aussi, le ministère de l’Urbanisme, de l’Habitat et de l’Assainissement (Muha), devrait-il être associé en vue des mesures à prendre pour la conduite diligente des travaux. Ces recommandations, le ministre de la communication et ses collaborateurs sont passés outre.

Primo, le Muha n’a pas été associé à la procédure de sélection du cabinet devant exécuter les travaux d’études architecturales et techniques de la direction et du contrôle des travaux de reconstruction du nouveau cabinet.

 Secundo, le ministère de la Communication a organisé un simulacre de mise en concurrence des entreprises. Selon nos investigations, le cabinet Ecoplan adjudicataire du marché travaillait déjà sur le dossier avant sa sélection officielle par le ministère de Komi Koutché. Information confirmée par une correspondance du ministre Sossouhounto de l’Urbanisme à son homologue de la Communication. Dans ce courrier en date du 17 avril 2014, le ministre Sossouhounto déduit de que la concurrence organisée pour la sélection de ce cabinet apparaît comme « une simple formalité. » Le ministre va plus loin : « Il est fort probable qu’il en soit de même pour les entreprises qui sont proposées sur la liste restreinte contenue dans la demande de proposition » pour les quatre lots. Le cas du cabinet Ecoplan est-il un hasard ? Sans doute non. Selon nos sources, ce cabinet avait déjà travaillé avec le ministre Koutché lorsqu’il était à la tête du Fonds national de la micro-finance (Fmn). C’est, en effet, Ecoplan qui exécute les travaux de construction du siège de l’institution étatique de micro-finance.

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De plus, le délai de préparation et de dépôt des offres des trois entreprises proposées pour prendre part à l’appel d’offres n’a pas été respecté. La demande de proposition pour la sélection des entreprises a été lancée le 03 avril 2014. Le dépôt des offres a été prévu pour le 14 avril, soit seulement dix jours. Cela, en contradiction avec le Code des marchés publics selon lequel le délai de préparation et de dépôt des offres pour ce type de procédure est de trente jours. Malgré toutes ces irrégularités, le choix dudit cabinet a été entériné par la Dncmp.

Ambition sans expertise

Tenant compte des ambitions du ministre Koutché, le cabinet Ecoplan propose la démolition complète du bâtiment incendié et la reconstruction d’un nouvel immeuble de type R+3. Cette proposition est dépourvue de toute base scientifique. « Aucun document d’expertise d’un cabinet d’ingénieur conseil ne permet d’apprécier la proposition de démolition du bâtiment sinistré », a d’ailleurs fait savoir le ministre Christian Sossouhounto. « Par ailleurs, a-t-il complété, le nouveau projet proposé par le cabinet Ecoplan n’a pas fait l’objet d’approbation par les services compétents du Muha, structure nationale de conception, de suivi et de contrôle de tous les travaux de constructions civiles et industrielles d’intérêt national.» Au regard de tous ces vices de procédures, le ministre Sossouhounto a annoncé dans sa lettre du 17 avril 2014 que son « département ministériel ne saurait » à cette étape «de la procédure s’impliquer dans ce dossier pour lequel les vices de procédures sont commis.»

Violation au nom de l’urgence

Dans une correspondance en date du 25 avril, le ministre Komi Koutché apporte à son homologue de l’Urbanisme des clarifications sur les différentes options choisies par ses collaborateurs et lui. Il avance la thèse de l’urgence de la situation. « (…) à la survenance de l’incendie, le processus budgétaire était déjà bouclé et un incendie n’étant pas un phénomène prévisible, aucune ressource n’existe pour réhabiliter simplement le bâtiment dans son format avant incendie », justifie le ministre Koutché. Qui rappelle qu’avant l’incendie, le bâtiment n’abritait que le ministre, son personnel rapproché et quelques conseillers. Et « face à l’insuffisance de locaux pour abriter convenablement tout le personnel du ministère, il était envisagé un projet de reconstruction d’un grand bâtiment », a-t-il ajouté. C’est ainsi qu’après l’incendie, le ministère a procédé à des « réallocations de ressources » pour aboutir à l’option «  de bâtir un immeuble plus structurant pouvant abriter tout le Cabinet, le Secrétariat Général et la Maison de la presse qui était prévue au Pip et que nous nous trouvions obligés d’intégrer dans le projet », écrit Komi Koutché. Il  résume que le choix de démolition entière du bâtiment rime avec « la nouvelle ambition définie dans le nouveau projet de dotation du Mctic d’un Cabinet plus grand (…) Et à faire un usage optimal du grand domaine qui abrite le cabinet et sur lequel, il n’était construit qu’un petit bâtiment.» Le ministre Koutché fait valoir les mêmes arguments pour le grief concernant le délai de préparation et de dépôt des offres. Le ministre de l’Urbanisme Sossouhounto avait dit que son département ministériel ne s’impliquerait pas dans le dossier au regard des nombreuses irrégularités observées. D’ailleurs, pensant au sort (détention) de certains des leurs dans le dossier Censad, la plupart des cadres de son ministère ont attiré son attention sur ces irrégularités et ont refusé de s’y associer. Aux dernières nouvelles, on apprend que malgré les vices, le dossier avance normalement. Au Muha, le ministre Sossouhounto et le directeur général de l’habitat et de la construction ont rejoint la procédure. Et ce, tout en déclinant toute responsabilité pour ce qui s’est pas passe jusqu’au recrutement du cabinet Ecoplan et au  lancement de la demande de proposition.

Le ver est dans le fruit

Dans toutes ses explications, le ministre Koutché a esquivé la question portant sur le fait que le cabinet Ecoplan travaillait déjà sur le dossier avant d’être officiellement sélectionné par la procédure de gré à gré. Au Fnm, le ministre Koutché est rentré dans l’histoire en permettant au Fonds d’avoir la certification ISO 9001, version 2008. Une première pour une structure étatique au Bénin. Considérant cette prouesse et ses « premiers pas rassurants » à la tête du ministère de la Communication, comme à une fois titré mon confrère Léonce Gamaï, on a très vite vu en ce natif de Bantè, un nouveau type de leader et manager éclairé au service de l’action gouvernementale. Mais apparemment, ce technocrate, devenu depuis son entrée au gouvernement un véritable commissaire politique zélé au service de Boni Yayi, n’est  pas blanc comme neige.

Contacté depuis plus d’un mois, le ministère de la Communication n’a pas cru nécessaire d’apporter des clarifications à nos points de réserves. Nos multiples relances ont été sans suite. Et pourtant, le ministre Komi Koutché et ses collaborateurs doivent bien s’expliquer. Car, dans ce dossier, la violation du Code des marchés publics est bien flagrante, avec à la clé un scandale de plus d’un milliard de Francs Cfa. Du moins, pour le moment.

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