Affaire assassinat du juge Coovi : les défaillances du ministère de la Justice mises à nu

Ce mardi, s’est tenue dans le cadre de la session supplémentaire de la Cour d’assises de la Cour d’appel de Parakou, la 10ème journée d’audience dans le procès relatif à l’assassinat du juge Sévérin Coovi. 

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Cette journée d’audience qui a duré un peu plus de 8 heures d’horloge a permis de mettre au grand jour les défaillances du ministère de la justice dans le dossier mais elle n’a pu faire éclater la vérité sur le crime.

Après la journée du lundi quasiment vide, et ce, du fait de l’absence de la plupart des témoins, le procès relatif à l’affaire assassinat du juge Coovi a repris ce mardi. Notamment avec les comparutions de l’ancien directeur de Cabinet du ministère de la Justice, le magistrat Nicolas Assogba, du Secrétaire général de la maire de Parakou et celle du magistrat Ibrahim Akibou.,mebre de la cour constitutionnelle. De la comparution du directeur de cabinet du ministère de la justice d’alors qui devrait informer la Cour des différentes dispositions prises par le ministère de la Justice pour garantir la sécurité du juge Sévérin Coovi alors premier président de la Cour d’appel de Cotonou, il ressort que le ministère a failli à bien des égards. Des instructions avaient été données pour que la protection du juge Coovi soit assurée. C’est d’ailleurs lui-même qui en avait  manifesté le besoin. Le ministre d’alors,  le professeur Dorothée Sossa, aurait, selon le Dc Assogba, appelé le Procureur général de Parakou à prendre contact avec la compagnie de gendarmerie pour que le juge bénéficie d’une garde domiciliaire, d’un garde du corps. Aussi, le ministre aurait-il toujours selon le Dc, joint la mairie pour que  d’autres dispositions sécuritaires soient prises pour protéger la personne du premier président de la Cour d’appel de Parakou. Mais entre les instructions du ministre de la justice et leur application, il semble avoir un fossé, au regard des déclarations du garde du corps du feu juge Coovi et de son cuisinier qui, faut-il le rappeler, est le principal accusé dans ce crime d’assassinat. En effet, selon ces anciens employés du président Coovi, la première autorité de la Cour d’appel de Parakou n’a jamais bénéficié d’une garde domiciliaire et le garde du corps ne lui a été affecté que trois mois avant son assassinat, alors que la correspondance dans laquelle il faisait part au ministère de la justice des menaces de mort dont il faisait l’objet date du 22 février 2005. C’est donc dire qu’entre la correspondance du juge au ministère au sujet des menaces à son encontre et la mise à sa disposition d’une sécurité rapprochée, il s’est écoulé 6 mois. Ce qui montre, à en croire les avocats de la partie civile et de la défense, la légèreté avec laquelle la question de sécurité du juge Coovi a été traitée au ministère.

Des débats, il est également revenu que les prélèvements effectués sur le lieu du crime n’ont pas été analysés par les experts de la police judiciaire française tel que souhaité. Aussi, note-on que la famille du défunt juge Coovi n’a bénéficié d’aucune assistance après la survenance du drame.

Le Sg de la Mairie, dans sa comparution, contrairement à ce qui était attendu de lui, n’a pu renseigner la Cour sur les dispositions prises en son temps par la mairie qui avait été sollicitée pour assurer la sécurité du juge. Le témoignage du magistrat Akibou, actuellement membre de la Cour Constitutionnelle et ancien collègue du défunt juge, a quant à lui porté sur les liens (qui étaient d’amitié et de fraternité selon sa déposition) entre Raïmi Moussé, cousin du magistrat Akibou -par ailleurs un des trois accusés dans cette affaire- et le président Coovi.

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La vérité sur le crime toujours inconnue

Si l’audience de ce mardi a permis de savoir quelles étaient les défaillances du ministère de la justice dans ce dossier, elle n’a malheureusement pas permis d’éclairer la Cour sur le crime, le (s) auteur(s) encore moins le (s) commanditaire(s). Ernest Lalou, 43 ans, détenu jusqu’à un passé récent dans cette affaire qui a comparu ce mardi nie tout lien avec l’assassinat du juge. Arnaud Houéto, également présenté à la barre, dit le contraire et soutient même être venu remettre au juge Coovi une enveloppe de 2.000.000 Fcfa de la part d’Ernest Lalou. Lequel  avait des démêlés avec la justice et avait sollicité l’aide du président Coovi pour le sortir d’affaire. Mais que le président bien qu’ayant reçu les sous n’avait bougé le petit doigt pour faire libérer Ernest Lalou. Et qu’une fois sorti de prison, Ernest aurait fait appel à Raoul Gnonlonfoun, Samson et deux Nigérians qu’il a envoyé récupérer son argent auprès du juge. A en croire Arnaud Houéto qui est un repris de justice, c’est Raoul Gnonlonfoun qui allant au- delà de la mission qui lui avait été confiée par Ernest a assassiné le juge. Ce récit des faits d’Arnaud Houéto, visiblement très renseigné sur Ernest Lalou, sera rejeté par l’accusé Lalou qui dit ne pas connaître Houéto et est convaincu de ce que c’est un coup monté contre sa personne. Faut-il signaler qu’Ernest Lalou est le cousin de Clément Adétona, cuisinier du juge et principal accusé dans ce dossier. Les deux cousins- Lalou et Adétona- jurent qu’ils ne se connaissent pas alors qu’Ignace Lalou alias «le loup», frère consanguin d’Ernest, a vécu une vingtaine d’années à Parakou chez son oncle qui n’est autre que le père de Clément Adétona. Invité également à la barre ce mardi, Orou Sabi détenu à la prison civile de Parakou dans une autre affaire soutient également qu’Ernest Lalou qui est son patron connaît Clément Adétona à qui Lalou a remis de l’argent pour lui remettre en prison. Cette déclaration d’Orou Sabi sera automatiquement démentie par Clément Adétona qui jure que c’est faux.

Dans ces déclarations, les unes aussi contradictoires que les autres, avec souvent beaucoup d’incohérences, il est difficile de savoir qui dit vrai et qui ment. Et la Cour, vu l’heure qui était avancée (un peu plus de 19 heures 30 minutes), a dû suspendre l’audience qui contrairement au calendrier préétabli (du 02 au 15 juillet) va se poursuivre ce mercredi. La vérité sur le crime d’assassinat contre la personne du juge Sévérin Coovi qui a été, faut-il le rappeler, retrouvé mort et son corps mutilé dans l’après-midi du 07 novembre 2005, étant toujours inconnue.

Yao Hervé Kingbêwé (envoyé spécial à Parakou)

 

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