Développement de l’Afrique : et si les dirigeants étaient les vrais problèmes?

Lorsqu’en 2007 le Président fraîchement élu Nicolas Sarkozy qui a réservé la primeur de sa visite sur le Continent Africain au Sénégal déclarait “les Africains ne sont pas rentrés dans l’Histoire”, beaucoup de gens ont glosé sur ses déclarations, certains allant jusqu’à clamer  leur indignation face a ce qui apparaissait comme un crime de lése majesté.

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Et pourtant, c’est la triste vérité. Cette déclaration ne s’est inscrit que dans la logique de celle de son prédécesseur le Président Jacques Chirac, autre « connaisseur »de l’Afrique et des couloirs des palais africains qui déclarait quelques années plus tôt que “les Africains ne sont pas mûrs pour la démocratie” La aussi, concert d’indignation au sein de la classe politique et d’une certaine intelligentsia africaine, spécialiste de la langue de bois, tâcheron des basses oeuvres et professionnels de l’hypocrisie politique.

La Baule et l’après Baule

Quand après la chute du mur de Berlin et les premiers soubresauts démocratiques sur le continent africain Feu le Président Francois Mitterand, un autre fin connaisseur de la politique africaine a convié les dirigeants africains au Sommet de la Baule, il n’entretenait certainement aucune illusion quant à l’avenir incertain de cette démocratie qu’il cherchait à faire promouvoir avec la participation des dirigeants africains qu’il pensait devaient arroser la graine mise en terre pour qu’elle devienne dans chaque pays, dans chaque hameau africain, l’arbre de l’espérance et le témoignage de ce que les africains pouvaient épouser le progrès et la modernité.

Le Bénin qui avait opéré sa mue démocratique quelques mois avant était fier de participer à cette conférence, riche de son expérience naissante après l’historique conférence des forces vives de la nation de Février 1990. Le Bénin faisait figure de modèle à la Baule, car des filles et fils de ce pays, conscients que l’avenir de leur pays et la construction d’une nation passent nécessairement pas la démocratie et le consensus national, ont tracé les sillons d’un avenir porteur de plus d’espoir.

Un peu plus d’une vingtaine d’années après la Baule, à quoi assistons-nous? Au retour de la manivelle. Comme un effet Boomerang, la pensée unique revient au galop dans de nombreux pays qui,  la faveur de la Baule et sous la pression de leur propre peuple ont entamé ce qui apparaît aujourd’hui comme un processus fragile, qui a toutes les apparences d’un  feu  de paille, osons le dire. Même la défunte organisation de l’Unité Africaine transformée en Union Africaine est restée passive face à l’appétit  glouton de certains dirigeants africains qui ont pris la constitution de leur pays pour des chiffons.

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De Cotonou a Kinshasa en passant par Ouagadougou, Brazzaville, N’Djamena et Lomé , les démons de la pensée unique ont repris du service. Ici et là, le débat est a la révision de la constitution. A Brazzaville et à Kinshasa, les télévisions nationales n’ont relayé la semaine dernière que des débats sur la révision des constitutions de ces pays dont les Chefs d’Etat sont pratiquement en fin de mandat.  Professeurs d’Université, Chercheurs en Sciences Politiques et théoriciens du droit constitutionnel n’ont pas tari de verve devant leurs audiences faites en majorité de jeunes pour démontrer pourquoi la révision de la constitution de leur pays est la seule planche de salut pour les populations. En somme, ce que ces dirigeants n’ont pu réaliser en près de 30 ans pour l’un et 10 ans pour l’autre le sera après la révision de la constitution. Comme la fièvre Ebola qui traverse allègrement les frontières sans que les dirigeants des populations fatalement victimes ne daignent prendre les mesures les plus élémentaires recommandées par l’OMS en matière de santé publique, les tentatives de révision de la constitution par des régimes au pouvoir et proches des termes constitutionnellement prescrits s’acharnent sur leur constitution et contribuent, sans vergogne à la division de leur population. Ils n’ont guère honte de manquer de respect aux textes qu’ils  ont pourtant prêté serment de respecter.

Le Cas du Benin: une injure à l’intelligence qui appelle un sursaut citoyen

Le cas du Bénin fait plus pâlir. Si on peut comprendre que dans de nombreux autres pays, la tradition est au tripatouillage de la constitution et même à la fraude électorale organisée avec une technologie de pointe, on ne peut que s’indigner de ce qu’au Benin, les vélléités de réviser la constitution pour des motivations strictement opportunistes continuent d’alimenter le débat politique. En 2004 et 2005, ce fut le cas lorsque sentant la fin du règne du Président Mathieu dont pourtant plus personne ne pourra battre le record de longévité au pouvoir, certains thuriféraires ont cru devoir remuer ciel et terre pour travailler à son maintien au pouvoir   Face à la détermination des leaders d’opinion et de la société civile, le projet a été étouffé dans l’œuf  dans l’indifférence remarquable du Président sortant à qui une certaine opinion prêtait l’intention de vouloir tester l’eau.

Mais son successeur n’empruntera pas la même voie. Connu pour sa forte propension à la tricherie, à la ruse et aux mensonges dans la gestion des affaires publiques, il utilisera les moyens de sa stratégie. Commission de réforme de la constitution  à des fins purement personnelles parce que prenant la loi fondamentale comme une affaire privée, tentative de passage en force sans consensus avec des arguments qui frisent l’hérésie, la pauvreté d’esprit voire la honte, des déclarations intempestives devant d’éminentes  personnalités de ce monde, recours a la tentative imaginaire d’empoisonnement du Chef de l’Etat et de coup d’Etat contre l’ordre établi, table ronde des intentions de financement et tutti quanti, la liste est longue des stratagèmes pour se maintenir au pouvoir à tout prix. Quelle honte! Tous ces stratagèmes n’ont d’autre but que de chercher à s’accrocher au pouvoir. Mais comme dans le monde d’aujourd’hui tout se passe comme dans une maison de verre, chaque acte qui est posé dans ce sens est vite perçu et vite compris par la population. Et chaque fois que le Président s’exprime sur ce sujet, il inspire non seulement le doute mais la honte, tellement ses déclarations tranchent avec ce qui se passe sur le terrain avec l’offensive politicienne en cours au détriment de vraies actions de développement.

La croissance économique et les problèmes des populations, leur dernier souci

Ces dirigeants africains qui, comme des gens qui refusent la modernité, s’attaquent à la constitution de leur pays avec la complicité de cadres corrompus, incompétents et préoccupés par leurs intérêts bassement égoïstes, donnent de leur pays et de l’Afrique, l’image d’un continent ou on ne veut pas respecter la loi. Aussi trouvent-ils la formule bâtarde et honteuse que la constitution elle-même a déjà prévu les moyens et les modalités de sa révision. C’est ainsi qu’un Ministre du Benin, qui prétend être un intellectuel a pu menacer de traduire devant la justice, ceux de ses compatriotes qui osent dénoncer ou se dresser contre la révision de la constitution du 11 Décembre 1990. Et ce ministre déclarait quelques mois plus tard à l’occasion de la grève des enseignants que si lui n’avait pas été a l’école dans son village, que personne ne le connaitrait aujourd’hui comme un professeur. Cette déclaration qui n’a rien de spécial aurait eu un sens si Monsieur le professeur avait pu comprendre qu’il ne suffit pas d’être allé  à l’école pour passer pour un intellectuel, mais surtout épouser, enseigner et faire triompher des valeurs démocratiques dont l’alternance au pouvoir constitue un des piliers.

Pour conforter leur propension à s’accrocher au pouvoir, ils rabattent les oreilles des populations qu’ils abêtissent quotidiennement avec des chiffres sur la croissance économique qui n’ont aucun lien avec les réalités que vivent les populations. C’est ainsi que certains d’entre eux parlent de la croissance de l’économie de leur pays comme une réalisation a faire pâlir les populations, ce qui justifierait qu’on ne change pas une équipe qui gagne. Ils comparent aussi les taux de croissance dans leur pays à ceux des pays développés qui oscillent depuis la crise financière de 2008 entre 1 et 2% par an. En termes de valeur économique, l’impact d’une croissance économique de 1% aux Etats Unis ou au Japon est largement plus ressenti que celui d’un taux de croissance de 5 a 6 % dans un pays africain que le taux de croissance démographique de 3% environ tire constamment vers le bas. En outre, en terme de richesses, les pays développés possèdent déjà toutes les infrastructures de base nécessaires au soutien de la croissance de sorte qu’une croissance perçue comme minimale dans un pays développé est toujours considérée en terme absolu comme une richesse qui se ressent dans le panier de la ménagère. Ces chiffres de la croissance économique sont contestés dans certains pays comme le Bénin, car sujets à polémique , le gouvernement étant bien connu pour sa capacité de manipulation des chiffres. Quand on parle avec les cadres du Fonds Monétaire International (FMI) et de la Banque Mondiale, le discours sur la croissance économique de certains pays africains tranche avec les déclarations diplomatiques qui sont servies au sortir des audiences avec les Ministres et Présidents.

La complicité de la communauté internationale qui cautionne le recul des valeurs démocratiques Face au tripatouilllage des constitutions en Afrique manifestement à des fins purement de maintien au pouvoir d’une classe politique corrompue et souvent incapable d’apporter les réponses adéquates aux problèmes des populations, la communauté internationale garde souvent un mutisme inquiétant quand elle n’apporte pas son soutien par des déclarations aux antipodes des réalités vécues par les peuples . Au nom du principe éculé de non-ingérence dans les affaires intérieures d’un autre Etat, on assiste à la complicité de ces fonctionnaires internationaux avec des gouvernants pour asservir les peuples. Le cas du Bénin dans la confection de la fameuse Liste Electorale Permanente Informatisee (Lépi) est l’illustration parfaite de la complicité de cette communauté internationale. Sourdes et fermées a toutes les complaintes de l’opposition et même d’une certaine société civile qui a maintes fois tiré sur la sonnette d’alarme, certaines institutions internationales et pas des moindres représentées au Bénin ont abondamment apporté de l’eau au moulin des falsificateurs et autres pirates de la LEPI qui ont accompli leurs oeuvres au détriment de la démocratie béninoise. Résultat, :  la Lépi alors affublée du  qualificatif de   meilleure de la sous-région, se révèle aujourd’hui un véritable serpent de mer ou la boite noire d’un avion qui a crashe et dont on tente de décrypter les messages. Y parviendra-on jamais? Et a quel prix? Difficile de répondre.

Le même scénario vient de se dérouler a Paris ou avec des mots bien sélectionnés, les représentants de cette même communauté internationale ont trouvé en celui qui depuis Avril 2006 a fait plus de mal au peuple béninois que n’importe quel Président depuis 1960  le leader qu’il faut pour le Bénin d’aujourd’hui. S’ils vivaient les mêmes réalités que les Béninois et lisaient la situation socio-politique a travers les mêmes prismes que les Béninois, ils auraient compris que la même personne qui a détruit le tissu économique béninois en organisant la terreur sur les operateurs du secteur prive qui ne chantent pas ses louanges, cherche aujourd’hui, par tous les moyens a saper les fondements de notre démocratie, notamment les libertés acquises de haute lutte, a mille lieux de ses préoccupations de l’époque.

Les déclarations de certains représentants de la communauté internationale qui manque de flair diplomatique, s’assimilent a la boutade des promesses électorales. Qui s’y frotte, s’y brule. Que veut-on que le Président de la Banque Africaine de Développement dise du Président du Benin, autre que ce qu’on a entendu lorsqu’on sait que le Benin est non seulement client de la Banque, mais aussi membre fondateur de la BAD qui paie ses cotisations. Il aurait dit la même chose s’agissant du Tchad, du Congo Kinshasa, du Congo Brazzaville ou de Lomé. C’est la fausse diplomatie, elle n’est parfois pas loin du mensonge enveloppé dans un langage qui plaît au Prince, loin des réalités. C’est à la limite du cynisme et des coups de poignard dans le dos des populations dont ils parlent aux dirigeants, car certains dirigeants et leurs sbires ne prennent ces contre-vérités que pour leur bréviaires, oubliant que ce sont les peuples qu’on trompe qui sont les détenteurs de la réalité du pouvoir. Mais y comprendront-ils jamais quelque chose, omnibulés qu’ils sont par le gout du pouvoir absolu et prédateur.

Des lueurs d’espoir de la plus vieille et grande démocratie

Qu’on le veuille ou non, l’espoir pointe à l’horizon. Avec le prochain Sommet Etats-Unis/Afrique qui s’annonce pour les 5 et 6 Aout prochains à Washington, il  faut  espérer qu’ un message fort sera lancé par le Président Barack Obama et son Gouvernement aux dirigeants Africains tripatouilleurs de constitution et fraudeurs d’élections. Même si personne ne peut espérer que les Etats-Unis d’Amérique et d’autres pays Européens viendront faire le ménage à notre place, on doit convenir cependant que le Président Obama doit continuer d’insister sur le message qu’il a déjà envoyé un jour de 2009 depuis Accra et qu’il a réitéré en Décembre 2013 à Johannesbourg, a l’occasion des hommages mondiaux au seul leader Africains qui le mérite, le Président Nelson Mandela dont des dictateurs prédateurs de liberté galvaudent le nom pour se donner bonne conscience.  Barack Obama à cause de ses racines africaines est  en mesure d’ aller plus loin pour placer les dirigeants Africains, surtout ceux qui prennent leur peuple pour des “bêtes de somme” devant leur responsabilité. D’autres leaders du monde doivent aussi interpeller les dirigeants africains qui pensent détenir le titre foncier des palais présidentiels et qui oeuvrent pour l’arriération de leur pays et de leur population. Il faut arrêter cela par tous les moyens.A cet égard, le message adressé par le Secrétaire d’Etat Américain John Kerry a Kinshasa il y a quelques semaines doit faire Ecole. Il ne sert a rien que l’Occident continue d’investir dans des simulacres de démocraties donnant ainsi l’occasion a des dictateurs de confisquer le pouvoir politique. Il doit être clair que tout dirigeant africain qui change la constitution pour se maintenir au pouvoir est un dictateur et tout dirigeant africain qui refuse d’organiser les elections a terme échu aux moyens de subterfuge est aussi un dictateur et doit être traite comme tel par les populations et la communauté internationale. Ce n’est ni un signe de civilisation, ni de modernité de vouloir s’accrocher au pouvoir par des stratagèmes du genre reformes de constitution alors que nous vivons dans un monde qui change et ou le respect des repères fondamentaux de la constitution d’un pays devrait être la norme.

Les peuples africains qui sont les premiers concernés, doivent plus que jamais se lever face a ce qui apparait aujourd’hui comme un vrai recul. Mieux, la jeunesse Africaine qui est la couche la plus concernée par ces manipulations qui leur obstruent le chemin des opportunités devra se lever pour lutter contre ces assoiffés de pouvoir qui constituent les vrais freins a leur épanouissement. Sinon, adieu l’éducation, adieu la santé, adieu les programmes d’alimentation en eau et d’assainissement qui seront toujours relégués au rang d’accessoires  alors que c’est par la que tous les peuples se développement. Les dirigeants qui s’accrochent au pouvoir sont a des centaines de milliers des lieux de comprendre qu’en se comportant ainsi, ils réduisent les chances de leur peuple d’accéder a une vie meilleure, a la modernité et a la civilisation. Comme le pouvoir absolu corrompt absolument, la tendance sera toujours de renforcer le pouvoir aujourd’hui plus qu’hier en investissant les ressources normalement destinées aux populations, dans l’achat des armes, la nomination de généraux de l’armée, la distribution d’argent pour les marches et meetings de soutien au Président et à ses actions, l’alimentation des fonds secrets et autres stupidités qui n’ont rien à voir avec les priorités des populations dans un Etat qui aspire à la modernité. Cela ne tient qu’a nous tous au Bénin et ailleurs de dire non à de telles impostures!

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