«Nous avons un problème de principes de base et de banalisation de la chose politique» François Amoussou

Le monde du livre au Bénin a accueilli, il y a quelques semaines, « La guerre des régions n’aura pas lieu ». Un essai politique signé de Français Théodore Amoussou. Dans cet entretien, l’auteur défend sa position sur la question du régionalisme et ses propositions relatives à la reconstruction du système politique et au changement d’idéal et de valeur. Interview.

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Vous avez intitulé votre essai politique, « La guerre des régions n’aura pas lieu ». Ne pensez vous pas que cette guerre y est déjà?

Je crois en toute humilité que non. L’hospitalité légendaire du peuple béninois ne saurait laisser s’installer une quelconque haine ou division rattachée au simple fait que l’on soit originaire de telle ou telle région du pays. En réalité « La guerre des régions n’aura pas lieu », ne vient pas alimenter des débats d’ordre régionaliste ; il s’agit au contraire de les taire et d’inviter l’ensemble du peuple à s’intéresser aux véritables problèmes qui annihilent tous les efforts de développement consentis par les régimes successifs depuis nos indépendances.

A propos, vous avez évoqué dans votre livre, le système politique au Bénin que vous trouvez trop fragile pour permettre au pays d’élaborer et d’exécuter des programmes de développement durables. Ne pensez-vous pas que les questions de région et d’ethnie que vous ne semblez pas reconnaître constituent quelque part ce qui fragilise ce système politique?

Il est vrai qu’à un moment donné de notre histoire, les questions d’ethnie et de région ont été des éléments fractionnistes du système politique béninois ; et les instabilités politiques des premières années de notre indépendance en sont des preuves évidentes. Mais ma lecture de l’histoire de notre peuple à partir des années 1972 me fait croire que le Général Mathieu Kérékou a définitivement fait taire les querelles ethnique et régionale pour asseoir la notion de ‘’Nation’’. Aujourd’hui, il est inutile de faire une marche en arrière et de continuer à alimenter des divisions politiques avec des argumentaires d’ordre régionaliste. Nos leaders politiques actuels craignent beaucoup plus pour leur pouvoir au sein d’une politique basée sur la compétition de l’argent plutôt que des idées ; et le peuple ne comprend pas quel est son rôle de militant aux côtés des leaders politiques.

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Qu’est ce qui selon vous, fragilise alors le système politique béninois?

Le multipartisme intégral consacré par la constitution du 11 décembre 1990. Aujourd’hui, il faut admettre que nous sommes dans un système non pas de démocratie, mais d’imbroglio politique avec plus de trois cent (300) partis et associations politiques. Il est impossible à tout régime sérieux de bien cerner les préoccupations politiques des acteurs dans un tel système.

Vous êtes donc pour un parti unique?

Que Dieu nous en préserve. Je n’ai jamais été pour une pensée unique ni pour un système de parti unique. Autant ce multipartisme intégral que  « La guerre des régions n’aura pas lieu » dénonce est un obstacle au développement, autant le parti unique est un poison pour le peuple qui l’accepte. Et justement entre ces deux extrêmes, il existe des systèmes bipartis ou tripartis au sein desquels on peut toujours avoir des tendances différentes sur certains débats de société.

Dans votre ouvrage, vous parlez aussi de l’achat des consciences et de la mauvaise gouvernance comme étant des maux qui minent le développement du Bénin. Mais curieusement, à vous lire, vous ne semblez pas culpabiliser des individus, mais plutôt toujours un système politique. Pourquoi ?

Barack Obama a dit lors de l’une de ses tournées en Afrique, que notre continent n’avait pas besoin « d’Hommes forts » mais « d’Institutions fortes » et je partage modestement cet avis. Nous avons un problème de principes de base, d’ambition collective et de banalisation de la chose politique qui s’appréhende bien souvent comme l’affaire des autres. Le peuple en refusant de s’engager de façon désintéressée dans la chose publique, veut pourtant à chaque fois trouver des coupables, comme si la tâche de la gestion des affaires d’un pays est une question d’individu.

En conclusion à l’ouvrage, vous soutenez que les dirigeants sont à l’image du peuple qu’ils dirigent. Expliquez-vous?

Quels que soient les jugements que nous adressons à l’endroit de nos dirigeants, nous devrions d’abord mettre en cause notre responsabilité dans ce que nous leur reprochons. Et elle est bien grande surtout dans les systèmes de démocratie. Le peuple ne s’appropriant pas la notion d’‘’Etat’’, est souvent amené à croire que ses dirigeants vivent dans un univers différent et qu’ils sont la cause de tout leur problème. Je pense pour ma part qu’entre le Président de la République choisi par tous pour gouverner, les députés élus pour voter les textes de loi et contrôler l’action gouvernementale, puis le cultivateur qui, de par le travail de ses propres mains, contribue à la production nationale, il n’y a pas plus de patriote si chacun se contente de bien jouer son rôle dans la société.

En publiant un tel ouvrage en cette période, quelles sont vos motivations?

Contribuer objectivement à améliorer la qualité des débats politiques et appeler le peuple à un changement d’idéal et de valeur dans un monde qui se globalise chaque jour davantage et menace notre continent divisé.

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