Bénin : le syndicaliste Jacques Ayadji victime de violences policières dimanche dernier

Au Bénin, Jacques Ayadji, le premier secrétaire général adjoint du Syndicat National des Travailleurs de l’Administration des Transports et des Travaux Publics (Syntra-Ttp), s’est plaint d’avoir été violenté par un agent de la police nationale, au sortir d’une émission de radio. La police s’est autosaisie de l’affaire et une enquête est en cours. Afrika 7 s’est entretenu par téléphone avec le responsable syndical.

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Jacques Ayadji, vous vous êtes plaint d’avoir été giflé ce weekend par un policier indélicat à Cotonou, après certaines prises de position dans les médias. Que s’est-il passé exactement?

Hier, j’étais sur une émission de grande écoute sur une chaine de radio locale, Océan FM et j’ai eu à dénoncer beaucoup de choses pendant 90 minutes. A la suite de cette émission, le professeur Moïse Lalèyè, qui enseigne à l’Université, m’a appelé pour me féliciter de la qualité de mon intervention. Il m’a demandé de passer chez lui pour prendre un pot.

C’est à quelques pas de sa maison que j’ai été interpellé par deux policiers à moto, qui m’ont demandé de m’arrêter. Ils ont barré la route avec leur moto.

Je me suis arrêté, ils m’ont demandé les pièces du véhicule, mais comme aujourd’hui au Bénin, il y a beaucoup de bandits qui s’habillent en policiers et commettent des actes répréhensibles, j’ai demandé à avoir leurs pièces d’identité et leur ordre de mission.

Ils n’ont pas pu me donner l’ordre de mission et je leur ai dit que je ne pouvais pas leur remettre les pièces du véhicule.

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Le policier m’a ensuite expliqué que sa personne valait l’ordre de mission et comme j’insistais pour ne pas remettre les pièces du véhicule, il m’a giflé. Je n’ai pas voulu réagir parce que je me suis dit que ça aurait pu être interprété comme une provocation. J’ai ensuite fait une manœuvre et je suis parti. Ils m’ont suivi jusque chez le professeur. Voilà comment cela s’est passé.

Et quand vous êtes arrivé chez le professeur, comment cela s’est-il passé? A quel moment les policiers vous ont-ils lâché?

Lorsque je suis arrivé chez le professeur, j’ai bloqué le véhicule, je m’apprêtais à entrer dans sa maison, quand les policiers m’ont fait savoir qu’ils allaient enlever le véhicule. Comme je ne leur faisais pas confiance, je suis revenu sur mes pas. C’est à ce moment qu’un nombre important de curieux se sont attroupés et le professeur a été alerté par le brouhaha et est sorti. Arrivé au portail, il s’est rendu compte que c’était moi et a isolé le policier pour lui parler. Je ne sais pas ce que le professeur a pu lui dire, mais toujours est-il que le policier a pris sa moto et il est parti.

Pensez-vous que l’incident est lié à votre intervention à la radio?

C’est ma conviction intime, même si je n’en ai pas la preuve.

Mais encore?

Vous savez, dans notre pays aujourd’hui, ceux qui émettent un autre son de cloche que celui du pouvoir ne sont pas appréciés. Les gens peuvent bien vouloir poser des actes de provocation pour vous amener à réagir et trouver un prétexte pour vous mettre au frais et vous faire taire.

Avez-vous pu identifier les policiers en question?

Quand on a donné l’alerte à la radio ce matin, la hiérarchie policière s’est saisie du dossier et le policier s’est présenté de lui-même. Malheureusement, il n’a pas eu le courage d’assumer ses actes. Il a nié avoir levé la main sur moi.

Mais c’est un incident qui a eu lieu en public, quand -même.

Certes, mais comment mobiliser la foule et l’appeler à témoigner? On ne va quand- même pas lancer un appel à la radio pour demander aux gens de se présenter au commissariat pour témoigner!

Mais ce qu’il a dit de grave, c’est qu’il a prétendu que le professeur l’a isolé et lui a demandé de ne pas faire attention à moi, que je suis un syndicaliste et que c’est comme cela que je me comporte. Le professeur a évidemment nié en bloc. Il a plutôt affirmé que dans leur entretien, le policier a prétendu que c’est moi qui avais mis la main sur lui, ce qu’il n’a pas pu répéter devant sa hiérarchie.

Mais je dois avouer que la police a pris le dossier en charge au plus haut niveau. Aujourd’hui, nous sommes retournés sur le terrain pour faire une reconstitution et j’attends que la police sorte ses conclusions.

Je peux vous garantir que le mensonge est un interdit pour moi. Je n’aurais jamais prétendu qu’il a mis la main sur moi, s’il ne l’avait pas fait.

Vous avez pu prendre des photos de l’incident?

Non.

Mais vous pensez qu’il y a une volonté au niveau de la hiérarchie de la police de mettre cette affaire au clair?

Tout à fait. Honnêtement, je dois dire que j’ai noté cette volonté. Le seul bémol, peut-être, c’est que le Directeur général de la police a déclaré qu’il y aurait une incohérence dans la relation des faits, ce qui l’a du reste poussé à demander une reconstitution.

Il a dit que c’était la parole de son agent contre la mienne. Mais comme l’agent a déclaré qu’après avoir refusé de remettre mes pièces, j’ai commencé à m’en prendre vertement au directeur général de la police, l’accusant d’avoir envoyé des agents dans la rue pour s’en prendre à la population, j’imagine que cela a quelque peu ému. Le policier a dû dire ça pour s’attirer la sympathie du directeur général de la police, mais il ne s’est rien passé de tel. Malgré tout, je tiens à remercier les responsables de la police pour la promptitude avec laquelle ils se sont saisis de l’affaire. Ce qui est troublant, c’est de voir que l’agent n’a pas pensé spontanément à rendre compte de cet état de fait à sa hiérarchie, avant que je ne m’en plaigne à la radio.

Et quelle suite comptez-vous donner à cette affaire?

Personnellement, je ne souhaite pas porter plainte, même si j’ai beaucoup de pression dans ce sens. J’aimerais- quand même que la réaction des médias contribue à sensibiliser les fonctionnaires de la police pour qu’ils se mettent au service de la population plutôt que de se comporter comme des bourreaux.

Et au niveau de la police, quelle suite entend-elle donner à l’affaire?

Ils m’ont dit que si leurs enquêtes prouvent que l’agent est en faute, ils vont lui appliquer les sanctions administratives qui s’imposent.

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