Gouvernance du Bénin à partir d’Avril 2016 : Il faut absolument un leadership responsable

Plus que la chaîne des scandales auxquels notre pays et son peuple ont été habitués au cours de ces huit dernières années sous le prétendu régime du changement et de la refondation, le mal qui guette le développement de notre pays, c’est surtout la conspiration du silence.

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C’est un trait caractéristique des régimes africains que ceux qui sont impliqués dans la gestion du pouvoir politique n’ont pas le courage d’exprimer leur désaccord  vis-à-vis de la politique ou des agissements de celui qui les a nommés dans leurs fonctions de Ministres ou à d’autres hautes fonctions de l’Etat. Ainsi, au nom d’une prétendue solidarité gouvernementale, de nombreux cadres pourtant connus pour leur compétence, gardent le silence et se rendent ainsi complices d’une gouvernance hasardeuse qui plombe leurs propres efforts. En tant que citoyen de ce pays, nous avons le devoir de mettre le doigt sur cette plaie de notre élite, plus encline à jouir des droits et autres attributs que leur confère le pouvoir qu’à remplir leur devoir de citoyen et de leader au service du bien commun .

1.     La France et l’exemple Arnaud Montebourg

Puisque c’est le pays qui nous sert de modèle ou de référence, j’ai voulu citer le cas récent d’Arnaud Montebourg, Ministre du Redressement Economique dont le courage de dire ce qu’il ressent dans la conduite des affaires au sommet de son pays, a occasionne la démission  du Gouvernement d’Emmanuel Valls. Arnaud Montebourg, n’est pas le premier exemple en France du courage politique qui doit faire école sous nos tropiques. Que l’on cesse donc de citer à tort la France comme la référence de nos errements en matière de gouvernance politique et économique. En Afrique,de rares exemples existent dont l’un des plus emblématiques est celui de MackySall, alors Président de l’Assemblée Nationale, ancien  Premier Ministre du Président Abdoulaye Wade. Le refus de ce dernier de cautionner la gabegie des ressources de la Conférence Islamique et bien d’autres affaires orchestrées par le Ministre du ciel et de la terre lui aura valu la réforme du mandat du Président du Parlement qu’il détenait, occasionnant ainsi son départ, alors qu’il était membre influent du Parti Démocratique Sénégalais (PDS) au pouvoir. Cet acte de courage politique rare a certainement contribué à lui ouvrir les portes du palais présidentiel en Février 2012..   

2.     Que valent les récentes sorties de hautes personnalités de notre Etat

A ceux qui, avec raison diraient qu’il n’est jamais trop tard pour mieux faire, je répondrai oui mais……. Oui mais parce que chaque chose en son temps. Les Béninois ont eu droit ces derniers jours à des déclarations de personnalités qui ont occupé de très hautes fonctions de l’Etat ou qui continuent de remplir leur fonction dans le système politique de notre pays. Ces déclarations visent à vilipender ou dénoncer les pratiques encours au sommet de l’Etat. D’autres déclarations tendent a se dédouaner de scandales commis sur le dos des contribuables béninois, mais qui n’ont jamais été élucidés. De telles attitudes qui apparaissent  comme le signe de faiblesse fondamentale de la part de personnalités qui prétendent être des leaders. Toute la mauvaise gouvernance que  notre peuple a subie de la part de ce régime a été possible grâce à la complicité de ces personnalités et de bien d’autres encore tapies dans le système abject qui est en cours dans notre pays.

Les nombreuses incohérences de ce régime, le piétinement des libertés syndicales, de presse et d’associations, les multiples attaques contre la justice et les opérateurs du secteur privé, se sont déroulées sans que ces personnalités ne fassent la moindre déclaration publique pour les désapprouver. Il faut toutefois reconnaître que même si elles interviennent seulement aujourd’hui, les récentes “livraisons” du Président de l’Assemblée Nationale sont utiles pour la suite des évènements au sein du Parlement béninois, car les choses ne seront plus certainement comme avant. Il faut donc lui en savoir gré pour cela.

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3.     N’est pas leader qui veut!

A l’étape actuelle de sa marche vers le progrès, le peuple béninois a besoin, pour la conduite de son destin, d’hommes courageux  qui acceptent le risque et prennent leurs responsabilités. Il est très facile de séjourner dans un système dont tout le monde savait dès le début qu’il était plombé, de se taire et de prétendre défendre les intérêts du peuple. Ce qu’il nous a été donné de vivre dans ce pays au cours de ces dernières années est simplement ahurissant. Les conditions étaient réunies pour que même en l’absence d’une opposition politique affaiblie et sevrée de tous les moyens légaux d’expression, que la contradiction naisse au sein du système lui-même. Et ce sont les leaders, visionnaires a la place du prestigiditateur de service, qui devraient sonner le glas de la gabegie, de l’imposture et de l’infamie au sommet de l’Etat. Quel service prétendent-ils rendre aujourd’hui au peuple par des déclarations tapageuses et des aveux d’impuissance, sur des faits qui ont existé grâce à leur posture et à leur silence.

C’est le rôle des leaders, ceux qui aspirent véritablement à prendre les rennes d’un pays, de faire preuve de courage et d’abnégation, bravant cynisme, menaces et autres tentatives d’intimidation, de dire non parce que proches du système et ancré en son sein, ils vivent mieux que quiconque les affres dont le people lui ne se rend compte que bien plus tard. Que coûte t-ilà un Ministre de dire non à un President qui seul, prend des décisions incohérentes, inefficaces, improductives et anachroniques en Conseil des Ministres au nez et a la barbe d’un groupe d’individus appelés Ministres, qui se taisent, avalisant ainsi le recul de leur pays. Tout le monde a pu assister à des ravalements de décisions inacceptables prises en  Conseil des Ministres dont on met la responsabilité sur un Ministre qui lui ne dit rien. Etre un bon leader répond à des exigences de valeurs d’intégrité, de courage, d’abnégation, de responsabilité et de volonté de changer ce qui doit l’etre quelles que soient les circonstances.

4.     Jamais au courant de rien

Le régime actuel s’est illustré au sommet par des dénégations et des actes d’irresponsabilité. Combien de fois n’a -t-on pas entendu le Chef du Gouvernement déclarer ne pas être au courant de tels ou tels dossiers de l’Etat qui se sont  révélés mal engagés ou mal négociés, au mépris des intérêts de notre pays? Aujourd’hui, c’est le tour d’autres cadres qui ont participé activement à la prise de ces décisions, signatures à l’appui, de venir nous dire qu’ils n’étaient pas au courant. Quel exemple de gouvernance donnons-nous ainsi à la jeune génération qui a besoin d’un leadership responsable comme modèle pour se préparer à prendre la relève? On ne saurait comprendre cette attitude dans la mesure où ces personnalités donnaient en même temps l’impression d’être intéressées par la gestion du pays. Il y a de quoi se poser des questions. Soit, elles ont les compétences techniques pour être des commis d’Etat et un faible leadership pour faire changer les choses auquel cas, elles ont peu de chance de conduire un pays avec du succès, soit elles ont le leadership et les compétences techniques requis, mais ont simplement choisi la voie de la jouissance. Dans l’une ou l’autre des deux hypothèses, elles donnent peu de garantie pour la conduite d’un pays comme le nôtre, trempé dans la pauvreté et dont les ressources sont dilapidées au grand jour et sans retenue.

5.     Un leader responsable nous est indispensable

Non seulement notre pays a besoin à partir de 2016 d’un leadership responsable, mais il a surtout besoin de leaders qui disent non a un système qui plombe le développement du pays et l’avenir de ses enfants. Il ne me paraît pas souhaitable que les Béninois dressent les lauriers à des personnalités frileuses, jalouses sans conditions de leur liberté et incapables d’aider le peuple à relever le défi d’une gouvernance de qualité. A bannir aussi de nos pratiques politiques, l’illusion qu’il faut d’abord être Président pour bien faire. Les vrais et bons leaders sont ceux qui, dans n’importe quelle position dans la hiérarchie sociale, se battent pour changer ce qui doit l’être. Même si un seul homme ne peut faire le changement, le vrai leader est celui qui initie le changement et le porte avec l’accompagnement et l’appui du peuple dont il aspire changer les conditions. Les politiciens de salon qui ne veulent prendre aucun risque et qui attendent simplement leur tour pour parler ne devraient pas avoir leur place dans la conduite des affaires de notre pays, dans un monde en pleine évolution ou les erreurs de gouvernance commises avec leur complicité peuvent coûter cher à des générations. Il ne tient qu’à nous d’identifier les plus courageux et les plus responsables d’entre nous pour en faire nos leaders de demain et Dieu seul sait qu’ils existent. Que son œuvre  s’accomplisse donc!

Coffi Adandozan
Economiste-Planificateur
Lille, France

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