Bénin : production et producteurs de slogans

« Etcho boué » « Heya ». « Etcho boué » « Heya ». Les nostalgiques du passé se rappellent, par ce slogan, les meetings fort bien animés de feu le Président Justin Tomêthin Ahomadégbé. Il était alors la tête d’affiche du parti « Union démocratique du Dahomey » (UDD). 

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Les slogans, en politique, ne datent pas d’aujourd’hui. Ils accompagnent tout le folklore politicien. Ils ponctuent les discours des leaders. Ils apportent l’indispensable piquant à leurs relations avec les populations. Le slogan, tout au moins sous nos cieux, est à l’action politique, ce que le sel est à la sauce.

La période révolutionnaire en a produit à la pelle. Ce slogan, par exemple, scande et rythme tous les discours. Il sert également de formule finale à toutes les lettres : « Prêt pour la révolution, la lutte continue ». Et quand on veut élevper le niveau et passer à la vitesse supérieure, on dit ou on écrit : « Le marxisme-léninisme, notre guide philosophique, le socialisme scientifique, notre voie de développement ». Et personne n’a encore oublié « L’école est une unité de production » ou « Tout cadre est enseignant ». Encore moins « Le Bénin, un pays où il fera bon vivre pour chacun et pour tous ».

Le temps passe, mais les habitudes, bonnes ou mauvaises, restent. Le renouveau démocratique, à partir de 1990, a ouvert son compteur de slogans. Avec le système multi-partisan désormais en vigueur, les partis politiques y sont allés à cœur joie. Le Président Nicéphore Soglo dota son parti, la Renaissance du Bénin (RB) d’un slogan qui continue de faire florès : « Wé Zê Wouè Yan ! » Le Président Adrien Houngbédji, chef de file du Parti du Renouveau démocratique (PRD), répliqua tout aussitôt avec « Tchoco Tchoco ». Le Président-fondateur du Parti social démocrate (PSD) Bruno Amoussou, n’entendait pas être en reste avec le slogan « Ezo mian ». Devons-nous oublier le slogan de campagne de la première femme à s’être jamais présentée à une élection présidentielle au Bénin ? Me Marie-Elise Gbêdo déboula sur la scène publique avec « Houénoussou ». Une manière de faire prendre date à toutes les femmes béninoises : votre heure a sonné, soyez au rendez-vous de l’histoire. Terminons par le slogan particulièrement sonore du candidat Bio Tchané à l’élection présidentielle de 2011 : « Taba Di Taba – Taba »

Que dire, à présent, des slogans de l’ère Boni Yayi ? Commençons par celui qui lui a ouvert les portes du pouvoir et du Palais de la Marina. Une trouvaille percutante qui a plané sur la campagne présidentielle de 2006 et qui a fait mouche : « Ca peut changer ? Ca doit changer !Ca va changer ! « . Et c’est pour opérer ce changement que, cinq ans plus tard, Boni Yayi réalisa l’inédit dans l’histoire politique du Bénin indépendant avec le slogan  » Premier tour K.O. ! »

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Beaucoup de concepts auront marqué les deux quinquennats de l’actuel Chef de l’Etat : le Bénin émergent, le Bénin de la refondation, le Bénin du changement, sans oublier la dictature du développement. Ces concepts ont été enfilés comme les grains d’un chapelet qui, aujourd’hui, laisse dans les cœurs plus de nostalgie que de conviction militante. Comme si les mots, désormais, sonnaient creux, n’embrayaient sur rien. Jugement tout à fait personnel, le temps pourrait faire un meilleur sort à un seul slogan et lui faire bénéficier de la durée : « Dix millions d’âmes, dix millions d’arbres ». Tant mieux pour un Bénin vert. Le vert est l’une des couleurs de notre drapeau national. L’hymne national en décline le sens et la signification. Le train entre en gare. Terminus, tout le monde descend. Pin Pan ! C’est aussi un slogan. 

Comme on le voit, les nôtres, sans avoir une conception très élaborée de la communication politique, ont pourtant compris, avec le slogan, que c’est là que le bât blesse. Une formule   pour activer les foules. Quelques mots pour libérer leurs élans. Un cliché pour mobiliser leurs énergies. Parfois une simple onomatopée pour déchaîner leurs passions. Le slogan, en politique, fonctionne comme un raccourci. Il suscite l’adhésion en dispensant de toute réflexion. Il fonctionne également comme un puissant ciment. C’est, pour de milliers d’hommes et de femmes, un cri de ralliement, un signe de reconnaissance, une profession de foi, au-delà de tout programme, de tout projet de société.

Les slogans s’usent et passent comme des phénomènes de mode. Les acteurs politiques, qui en usent et parfois en abusent, passent aussi. Mais le Bénin reste et restera. Avec ou sans slogan.

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