Porto-Novo – Cotonou : un goût de dégoût

30 kilomètres. C’est la distance qui sépare Porto-Novo, la capitale politique et administrative du Bénin de Cotonou, la capitale économique. Comment expliquer que cette distance, pour différentes raisons qui mériteraient d’être circonscrites au plus tôt, est souvent couverte en deux, voire trois ou quatre heures ? C’est contreproductif. C’est anti-progrès. C’est   inconfortable.

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Il y a une défaillance notoire dans la chaîne des responsabilités. Cela ne tourne pas rond au niveau du ministère chargé des Transports et des Travaux publics. Cela ne fonctionne pas bien au niveau des autorités communales concernées. Cela disjoncte au niveau de la kyrielle des organisations de la société civile commises à la défense des intérêts des citoyens. Cela ne bouge pas du côté des citoyens-usagers directement concernés pourtant. Il n’y a pas de salut par procuration.

Les 30 km de voie, séparant Porto-Novo de Cotonou, constituent un test, grandeur nature, de gouvernance pour le Bénin. Ou tout rentre dans l’ordre et nous gagnerons nos galons de bons gestionnaires de la chose publique. Ou la pagaille actuelle persiste et se poursuit et nous démontrerons, aux yeux du monde entier, notre incapacité à nous autogérer.  

La voie Porto-Novo-Cotonou a une histoire. Laquelle se lit plus comme un roman noir que comme un roman d’amour. Il faut toutefois saluer ceux qui, anticipant le pire, ont jugé utile, il y a une dizaine d’années, de transformer l’ancien sentier goudronné, de l’époque coloniale, en une chaussée à double voie, avec une piste cyclable. Malheureusement, l’exercice n’est pas allé à son terme. Il s’est effiloché en une symphonie inachevée. La double voie, partie de Cotonou, s’est refusé d’achever triomphalement sa course dans notre capitale. Elle a stoppé, toute essoufflée, son bel élan de départ à Sèmê-Podji, à 10 kilomètres de la ligne d’arrivée.

On peut invoquer toutes les raisons pour expliquer et justifier cette défaillance. Mais pourquoi, depuis dix ans, nous vivons assis, sinon, couchés sur l’acquis, sans la moindre volonté d’améliorer l’existant ? Cela est à comprendre comme le déficit notoire d’ambition, avec les équipes dirigeantes qui se suivent. C’est le refus de faire fructifier nos talents, la paresse d’ajouter un maillon de plus à la chaîne de la construction nationale.

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Par ailleurs, la chaussée ne bénéficie d’aucun soin particulier. Le mur de béton qui sépare les voies subit, mais sans suite pénale, les outrages des conducteurs indélicats. Personne n’est inquiété. Rien n’est réparé. Tout se dégrade et se détériore. Dans l’indifférence générale. On a cru bon parer la voie, dès sa livraison, d’un chapelet de poteaux électriques. Mais de lumière point. Qui trompe-t-on ou de qui se moque-t-on ?

Regardez, par ailleurs, le poste de péage. Flambant neuf à son inauguration, il a pris depuis de vilaines rides, la moindre once de peinture n’étant venue en égayer la façade. On est davantage soucieux de l’argent qu’il rapporte. Tant que marche le tiroir-caisse, le client-usager peut attendre. A ce poste de péage bien singulier, contrairement à ce qui se fait ailleurs, on ne se soucie ni d’affluence ni d’urgence. Le poste fonctionne à son rythme et selon le bon vouloir de ses gestionnaires. Mais vous n’êtes pas au bout de vos malheurs, sur cette voie de 30 km de toutes nos misères. L’insécurité y a solidement établi son quartier général. L’indiscipline y est criarde. Je te double à gauche. Je te bloque à droite. Double file par-ci. Triple queue par-là. La voie se transforme alors en un entonnoir qui va se rétrécissant. Au finish, elle ne laisse passer personne. Et les jours où les véhicules d’occasions dits « venus de France » s’en mêlent, c’est la totale. Bonjour le désordre !

Regardez, enfin, la série de dos de chameaux ou de dromadaires qui tiennent lieu de ralentisseurs, de Djrègbé à l’entrée de Porto-Novo. Ce sont six kilomètres de course à obstacles. Cela casse les engins. Cela entraîne la détérioration rapide de la voie. Les années passent. L’inconfort et les désagréments durent. Et il n’y a personne pour siffler la fin de ce jeu malsain. N’est-il pas temps qu’une voix s’élève pour signifier que notre pays, qui aspire à la modernité, ne mérite pas ce spectacle d’un autre âge ? Et dire que nos honorables députés sont au nombre des grands abonnés à cette voie. Une légende, bien de chez nous, nous instruit : c’est peine perdue d’attendre quelque chose d’un singe qui ne veut rien voir, rien dire, rien entendre

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