Abdou Diouf ou une vie de Président

Un géant sort de scène. Géant par l’envergure politique. Géant   par la stature physique. Le Président Abdou Diouf, après de bons et loyaux services rendus à son pays, à son continent et à la communauté internationale, prend une retraite bien méritée. Son parcours se lit comme un roman. 

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Pensons à un cours d’eau. De sa source à l’embouchure, il va par monts et par vaux, affronte des obstacles sans nombre, dévale les pentes   abruptes. Qui a ainsi roulé sa bosse se donne des chances d’avoir une grande expérience des êtres et des choses. Cette somme d’acquis est à tenir pour un trésor. Elle a sa place à la bourse de nos valeurs intangibles. C’est notre mine d’or référentiel.

Le premier élément à mettre en relief dans le parcours du Président Abdou Diouf, c’est l’avantage d’une longue et solide préparation. L’homme n’était pas arrivé aux affaires par hasard, surgi de nulle part. Il a appris et beaucoup appris auprès des meilleurs. Auprès du Président Léopold Sédar Senghor notamment. Il a ainsi gravi tous les échelons, moulé dans la mystique du travail bien fait, élevé dans une haute idée de l’Etat. Il fut, tour à tour, Directeur de cabinet du Chef de l’Etat, ministre, et surtout, en 1970, Premier ministre.

Le choix d’Abdou Diouf à ce poste fit alors grincer les dents des caciques du Parti unique d’alors, l’Union progressiste sénégalais (UPS). Senghor n’en eut cure. Le plan de préparation de celui qu’il a choisi pour lui succéder était en marche. L’ayant jugé bon pour le service, il lui passa la main en 1980. Abdou Diouf, de ce fait, n’aura été ni un oiseau rare apparu un matin sur la branche d’un arbre ni un messie nanti d’une lettre de mission divine. Abdou Diouf était resté un homme parmi les hommes. Il a appris son métier de chef à l’école de l’action et de l’expérience, les mains et les pieds dans la boue du quotidien.

Le deuxième élément à retenir du parcours d’Abdou Diouf, c’est le poids de l’expérience. L’homme qui prit les rennes de l’Etat du Sénégal en 1980 et qui le dirigea jusqu’en 2000 avait appris à manger avec les grands. Ce qui lui a permis d’éviter à son pays l’installation au sommet de l’Etat de l’incompétence et de l’improvisation. Mauvaises conditions pour conduire les destinées d’un peuple. Reprochez tout au Président Abdou Diouf. Vous ne pourrez lui contester son sens de l’Etat et des responsabilités, son sens de l’équilibre et de la mesure, sa courtoisie et son humilité.

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Le troisième enseignement marquant du parcours du Président Abdou Diouf, c’est la dignité dans la défaite. En 2000, l’usure du pouvoir aidant, le Président Abdou Diouf perdit l’élection présidentielle. Il aurait pu tricher, en détournant les suffrages de ses compatriotes. Il aurait pu faire jouer la force, en matant toute contestation. Il accepta sa défaite avec une rare dignité. Il félicita son adversaire sans autre forme de procès. Il accepta, alors qu’il venait de perdre le pouvoir, de conduire une mission officielle, hors du Sénégal, à la demande et au nom du tout nouveau Président. C’est grand pour être courant. C’est très grand pour être commun. 

La quatrième qualité qui témoigne de l’exemplarité du parcours du Président Abdou Diouf, c’est le détachement et le discernement. Sa défaite consommée, il refusa d’interférer dans la vie de son parti, le Parti socialiste. Il se tint à distance respectable des affaires de son pays pour ne pas gêner l’action de son successeur. A aucun moment, il n’a porté comme une croix son statut d’ancien Président de la République. Depuis son observatoire parisien, il voyait battre le cœur du monde par les hublots de l’actualité. Il fut bien vite rattrapé par le devoir qu’appellent ses compétences : le Secrétariat général de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF).

La cinquième et dernière leçon que nous retenons du parcours du Président Abdou Diouf, c’est le service dans la grandeur. Il aurait pu décliner l’offre de porter le leadership de la Francophonie. Mais qui a pu le plus, en assumant le destin d’un peuple, peut le moins, en aidant au rayonnement du français dans le monde. Tous les services se valent. Dès qu’ils sont utiles à leurs bénéficiaires. A l’heure des hommages, faisons économie de mots : merci, Président Abdou Diouf !

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