La Cour Constitutionnelle a rendu au titre de l’année 2015 sa première décision : DCC 15-001 du 09 janvier 2015. Dansladite décision caractérisée par la longueur de son dispositif et l’usage constant et quasi redondant du « verbe devoir » et de « l’adverbe impérativement », la Cour a fixé les conditions et les modalités d’organisation des élections législatives imminentes, municipales, communales et locales en souffrance depuis 2013.La Cour utilise les prérogatives constitutionnelles tirées de l’article 114 de la loi fondamentale pour juguler la crise politique actuelle qui perdurait.
Comme on pouvait s’y attendre, cette décision polarise l’attention des juristes constitutionnalistes et politologues, d’une part, de la classe politique, d’autre part. Elle cristallise surtout dans les médias une forte polémique sur les intentions inavouéesd’une Cour prétendument manœuvrée par le pouvoir exécutif. C’est ainsi qu’on a lu « La Cour joue au Clair-sombre » (Le matinal du 12 janvier 2015), et plus péremptoire, « La Cour constitutionnelle valide le plan secret de Yayi » ou encore « Le coup de force assassin de la Cour Holo » (lire la Nouvelle tribune du 12 janvier). Chacun y va à coup d’arguments. Mais qu’on ne s’y méprenne pas, la DCC 15-001 est salutaire à maints égards pour la démocratie béninoise.
D’abord, elle a le mérite de fixer la date à laquelle le Cos-Lépi doit achever l’actualisation de la Liste Electorale Permanente Informatisée, soit le 15 janvier, une injonction qui n’a pu provenir du gouvernement. Cette liste informatisée provisoire devra être aussitôt publiée et fera l’objet d’une correction au plus tard le 25 février 2015.
Première observation, c’est qu’entre le 16 janvier et le 25 février, il s’écoule un délai de 41 jours au cours duquel tous les politiques devront parvenir à un consensus sur ladite liste avant l’organisation des élections.
Deuxième observation : dans son dispositif, la Haute Juridiction constitutionnelle a précisé qu’ « à défaut de disponibilité de la liste actualisée pour le 15 janvier, la CENA est autorisée à organiser les élections sur la base de la Lépi de 2011 ». Et c’est là que beaucoup d’observateurs perçoivent le hold-up constitutionnel de la Cour HOLO, sans doute, en faisant de la fixation sur le K.O du Président Yayi en 2011, tout en feignant d’ignorer que la même liste a servi à l’organisation des élections législatives de 2011, qui ont, du reste été très peu contestées. Or, ce faisant, la Cour oblige tous les acteurs impliqués dans le processus démocratique (gouvernement, Cos-Lépi et classe politique) à jouer leur partition pour la mise à disposition de la CENA d’une liste si tant est qu’ils veulent éviter de subir à nouveau les affres et les imperfections de la « Lépi dite complète » qui a permis la victoire de Boni Yayi en 2011. La suspicion étant à son paroxysme, chacun surveillera les agissements de l’autre pour l’élaboration d’une liste transparente. Les élections présidentielles de 2011 organisées avec la Lépi ont laissé un précédent fâcheux et la classe politique, notamment l’opposition, est désormais avertie.
Le mérite suprême de la décision de la Cour est qu’elle permet d’éviter la prorogation du mandat des députés qui a une durée préfixe. En prorogeant un mandat constitutionnel préfix (celui des députés), on en viendrait presque irrémédiablement à envisager avec la crise actuelle, la prorogation de celui du Président de la République. Et, il s’agit là d’un écueil à éviter à tout prix.
Par ailleurs, d’aucuns ont vu en l’organisation des élections législatives avant celles des communales, unemanœuvre du Président de la République et des forces politiques alliées : contrôler la prochaine Assemblée et faire passer des projets de lois dangereux pour notre démocratie. Or, soutenir une telle affirmation, c’est méconnaître l’indépendance et la recherche d’intérêts circonstanciés qui caractérisent fondamentalement nos députés à l’Assemblée. A la fin de 2015, l’autorité politique du Chef de l’Etat sur les députés, même sur ceux qui auraient été portés par son parti FCBE, aura substantiellement baissé, celui-ci étant au terme de son dernier mandat constitutionnel.
En somme, par les termes impératifs de son dispositif, la Cour présidée par le Professeur Holoa sifflé « la fin de la récréation » et a remis le processus électoral en marche. Non seulement le calendrier électoral prévisionnel de 2015 serait respecté, mais aussi, les errements passés (la non organisation des élections communales) seront corrigés.
Dès aujourd’hui, les actions et surtout, les abstentions de toutes les autorités politico-administratives concernées par cette décision seront appréciées clairement.
On peut soutenir que la Cour constitutionnelle a sauvé la démocratie !
Interrogeons-nous sur les suites de cette décision au cas où les injonctions de la Cour ne seraient point respectées.Attendons le jeudi 15 janvier (date à laquelle le Cos-lépi doit rendre disponible la liste électorale).
Bâtonnier Jacques A. MIGAN
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