Bénin : la guerre de clans en période électorale n’aura pas lieu

C’est la chronique de mon confrère Constantin Amoussou qui m’a entrainée à revenir vers vous, mes chers compatriotes. Au-delà de mes frères béninois, je m’adresse au monde entier car, l’humanité est une, en dépit des diversités qu’elle renferme ; diversités qui représentent une richesse, que rien ne peut faire disparaître et que nous devons tout faire pour sauvegarder afin que tous se sentent fils de ce pays, le Bénin.    

Publicité

 Le mélodrame de Bantè

Cette chronique de Constantin Amoussou, est un très bel article publié dans  Nouvelle Expression  du mardi 17 février 2011, dans lequel il présente la situation politique dans les Collines, où le neveu en la personne de Komi Koutché, actuel ministre des Finances affronterait aux législatives son oncle, Grégoire Laourou, député en fin de mandat. « Pourtant, dans un passé récent, Grégoire Laourou a tenu par la main le second, encore étudiant et lui a indiqué les sillons du chantier politique en le nommant attaché de cabinet, tandis que lui-même était au faîte de sa gloire politique. Dans la foulée, le jeune disciple de son oncle a entamé sa montée en puissance, une fulgurante montée en puissance qui en fait aujourd’hui l’emblème de cette jeunesse décomplexée qui progresse, sans coup férir sous l’ombre tutélaire du maître de la Marina ». Fin de citation.

Tout est dit et écrit par C. Amoussou. Et je m’interroge comme lui, si son ascension fulgurante amènerait K. Koutché à envoyer son oncle dans les cordes, à lui faire mordre la poussière, à renier les valeurs de respect de l’aîné, de gratitude envers la main qui l’a nourri, « entamer ce combat sans morale », comme l’écrit mon confrère. Et comme lui, je dis et écris à mon cher « mari », moi la « yao »- comme il m’appelait, lorsque j’étais Conseillère technique à l’Emploi des Femmes (CTEF), au Ministère de la Micro finance- que « grand est le mal (je dirais plutôt un malheur) d’une nation qui construit son avenir en sacquant les valeurs traditionnelles qui maintiennent debout sa charpente de génération en génération ».

  Henri Lopez nous apprend lui : « on ne franchit pas impunément certaines étapes de la vie ». Ceux qui vous poussent à y aller en force, à bousculer tous ces « 3ème âge » qui ralentissent la course de fond entamée par vous autres jeunes, ils ne vous rendent aucun service.

« Gbèdo sun », la vie a des tabous

C’est ce que disent nos anciens. Et ils ont raison.  Tout comme C. Amoussou, j’invite expressément à méditer cette pensée de Machado qui incite à beaucoup de prudence sur le chemin tortueux de la vie, un chemin semé d’épines et de ronces : « Homme qui marche, tu ne connais pas le chemin. Ce chemin, tu le découvriras en marchant ». Comme l’a écrit notre compatriote Adéyandjou Thomas dans son bel ouvrage Héritage, « les générations doivent se compléter et non se remplacer ». Exactement comme nous l’a appris Jean Pliya dans Les Tresseurs de corde : «  C’est au  bout de l’ancienne corde qu’on attache la nouvelle ». A force de procéder autrement, de faire table rase du passé comme si la nation Bénin est née avec l’avènement du Changement, voilà où on en est. Et ce qui est suicidaire c’est de ne pas reconnaître les erreurs, de les corriger afin que l’avenir en soit amélioré.

Publicité

Aujourd’hui, tout est renversé, mélangé. Ce sont les enfants qui nous dirigent ; ils décident pour nous et pensent détenir la Vérité universelle. Là où le bât blesse, c’est que tous, nous payons les frais de tant d’inconséquences. Or on sait que les parents ont la notion du bonheur car, ayant été plusieurs fois confrontés aux épreuves de la vie ; ils ont le temps avec eux et le maîtrisent. Ils sont à même de guider la jeune génération sur les chemins tortueux de la vie, afin que celle-ci n’ait plus à tâtonner, à recommencer les mêmes erreurs pour empêcher ou retarder le bonheur de notre peuple.

« Le Bariba n’aime pas la honte », a dit notre président de la République. Personne n’aime la honte, a répondu ma chère amie, Célestine Zannou. Le Nago  encore moins. Surtout pas le Fon, « Houègbonou » petite fille de lignée royale d’Abomey que je suis, je  n’accepte pas que ma dignité, mon honneur reçoit la moindre griffure. Et surtout pas Grégoire Laourou, pour ce qu’il a été dans notre pays. Et ceux-là qui, au nom d’une politique sauvage, inhumaine sont prêts à déchirer le tissu familial, national même, ne rendent aucun service à ce pays ni à ses enfants. Je compte sur mon jeune frère, mon mari nago K.K afin que jamais, au grand jamais, « le parricide qui fera saliver les spectateurs joyeux (comme l’a écrit Constantin) n’ait lieu ». On ne peut scier l’arbre qui vous a servi d’ombrage durant les premières années de votre vie. « Gbè do sun » disaient nos ancêtres. Il en sera toujours ainsi, tant que le soleil se lèvera à l’est pour se coucher à l’ouest. On sait que le mal réunit les hommes, comme dit Aristote. Mais le jeune homme que j’ai côtoyé deux années durant était, que dis-je, est, un homme bien. Pétri des valeurs éducatives propres à son clan qui met au-dessus de tout, le respect de l’aîné.

  Le Nago qui se baisse pour te saluer ne le fait pas parce qu’il t’a vu descendre d’une Porche ou d’une Mercedes dernier cri. Le même geste de respect,  il le fait chaque jour au dernier pouilleux de son quartier, parce qu’il a été façonné ainsi, depuis le sein de sa mère. Montre à tous ces « joyeux spectateurs », que tu es bien le fils de ton père, et que jamais tu n’oseras jeter ton autre géniteur dans les cordes. Il ne s’en relèverait pas. Dieu en voulant te récompenser, cher K.K. te dressera un boulevard de réussites professionnelles et des réussites dans ta vie d’homme. Si les enfants d’aujourd’hui sont nés avec des yeux dans leurs ventres, montre à cette nation qu’il n’en ait rien en ce qui te concerne. Et personne ne jouit du succès à moins qu’il n’ait durement travaillé pour cela.

 « Un homme qui crée des problèmes aux autres se crée des problèmes à lui-même ».Cette pensée de Chinua Achébé devrait servir de bréviaire  à tous ceux qui, à quelque niveau que ce soit, et particulièrement aux jeunes qui s’engagent dans la course pour la gestion du pouvoir d’Etat.  

Les valeurs d’humanisme doivent être la chose la mieux partagée

Je parle à tous les décideurs de mon pays. Ceux-là qui se bousculent pour une raison ou une autre pour demander les suffrages de notre peuple. Ce n’est pas parce que les populations sont analphabètes que vous allez penser qu’elles vont demeurer bêtes éternellement. La plupart d’entre vous n’ont pas pour ambition de « servir le peuple ». Neni ! Tous, autant que vous êtes, faites déjà le calcul de ce que rapporteront les différents postes que vous occuperez les cinq années à venir. Cette science du mensonge qui régit la politique sous nos cieux a fini par dégoûter le citoyen lambda. Malgré les prouesses du CosLépi –rendons à César ce qui est à lui, même s’il reste toujours des citoyens en rade – j’ai bien peur que les électeurs ne se bousculent pas dans les bureaux de vote. Car si, pour des questions d’intérêt pécuniaire, des calculs politiques et autres, on préfère positionner Dansou au lieu de Houssou, alors que tout le pays sait que Dansou est un citoyen perverti, un « voyou, voleur, bandit, criminel de bas étage » – ce n’est pas moi qui le dis, écoutez les radios locales – alors les populations n’iront pas voter pour celui –là qui n’est là que pour servir les dessins du Chef et les siens propres. Il est donc important que nos dirigeants comprennent que, même si notre peuple est demeuré en majorité analphabète, la faim et les privations l’ont mûri. Le peuple n’est plus prêt à sortir pour aller décerner un blanc seing à un individu dont la pratique citoyenne laisse à désirer. Et puis, quel modèle de société voulons-nous construire dans notre pays, en élevant ceux-là pour qui la morale reste du papier kleenex ? Ceux-là  qui aspirent actuellement à nous diriger, doivent donner envie aux générations montantes d’entrer en politique en se comportant autrement. Comme le dit l’autre : « On peut faire la politique autrement ». Comment ? En ne bafouant pas les valeurs d’humanisme et de citoyenneté ; en adoptant un comportement vertueux. C’est ce dont notre pays a besoin pour s’élever. St Exupéry  dit que «  La terre ne nous appartient pas. Nous l’empruntons à nos enfants ». Alors, je nous interroge : Quel pays allons-nous laisser à nos enfants ? Quelle société construisons-nous pour les remercier de ce prêt incommensurable, cette terre Bénin qu’ils nous ont confiée ?

Le fils doit réaliser plus que le père ; l’élève dépasser le maître

En Afrique, deux fils de président ont pu mettre cette maxime en pratique. Faure Gnassingbé et Ali Bongo. J’étais à Libreville en 2012 et j’avais vu un pays en chantier. Heureusement, car je m’étais interrogée sur les réalisations opérées sous feu Omar Bongo avec la manne pétrolière dont il a tant abusée durant son règne. Et j’étais fière de bomber le torse en disant à mes amis gabonais que sans pétrole, mon pays reprenait de l’envol sous l’ère du Changement. Je suis revenue de Lomé il y a quelques jours. Très attristée. Je n’ai d’ailleurs pas eu le courage d’aller rendre visite à certains amis Togolais. Ils m’auraient fait subir une humiliation que mon feu père n’aurait pas supportée dans l’au-delà. « Pendant que vous, vous marchez au Bénin, tu vois tout le travail que nous abattons ici sous la direction de Faure ! ». Que pouvais-je répondre à ce confrère qui me narguait ainsi au téléphone.

Ma mise à mort allait m’être assénée par une amie qui n’était plus arrivée me visiter depuis plus d’un an :

-Que vais-je venir chercher à Cotonou que je ne puis trouver ici à Lomé ? Si c’est pour m’offrir en prime une arthrose due aux embouteillages de trois heures qu’on subit avant d’entrer dans ta capitale, merci pour ton invitation !

Mes chers compatriotes ! Avez-vous traversé Lomé par le contournement qui quitte la frontière Aflao pour déboucher sur le port sans traverser la ville ? Trois véhicules s’y côtoient à l’aller comme au retour ? L’emplacement d’un tramway est prévu pour les années à venir. Pourquoi ne pas dire à notre président Boni Yayi qu’en construisant un contournement de la ville de Cotonou, il désengorgerait plus la ville et rendrait plus service à son peuple ? On se rend compte que la route Calavi- Godomè est déjà dépassée avant même d’avoir été inaugurée. Chaque fois que je m’apprête à dépasser un véhicule titan, je m’en remets à Dieu. Pourquoi ça se passe ainsi chez nous ? Quel mauvais sort nous poursuit donc ? Je n’ose pas ouvrir les chantiers des échangeurs et routes du Ghana. Je me croyais à Boston, lors de mon dernier voyage.

Pendant ce temps, ici, au Bénin, on marche, on marche pour remercier le Chef. Ou pour se faire voir afin de bénéficier des faveurs du Chef : nominations, positionnement sur les listes électorales. Mais la guerre des clans n’aura pas lieu. Le pays a faim et a besoin de valeurs d’humanisme pour exister. Tant de gens cherchent seulement à survivre. Leur pauvreté rend dérisoires toutes ces batailles de positionnement.

Ebola nous a épargnés ! Boko Haram ne nous atteindra pas !

Avons-nous conscience de ce que Dieu fait pour ce pays ? Et nous gaspillons toute cette richesse, ce don de Dieu, ce bonheur de peuple élu, sauvé des eaux à l’instar du peuple juif en nous déchirant dans des querelles d’intérêts matériels, partisans, au lieu de nous unir autour de l’essentiel : « Fraternité- Justice- Travail ». Tant qu’il n’y a pas de justice dans un pays, tant que la prospérité ne sera pas partagée, le pays n’ira pas de l’avant. Et des drames inouïs surviendront pour nous rappeler l’existence de Dieu dans nos vies. Que celui qui a reçu le pouvoir de Dieu et des hommes, j’ai nommé le président Yayi Boni travaille pour cette justice, cette fraternité et l’histoire retiendra son nom. Positivement. Je le remercie au passage d’avoir initié des travaux sous l’échangeur de Godomè. J’en avais parlé il y a maintenant deux ans. Quelle belle vue s’offrira au visiteur quand tout sera achevé ! Un quatrième pont ne permettra pas à vos travailleurs d’arriver à l’heure au travail, Monsieur le Président ! Finissez votre mandat en beauté en achevant ces nombreux chantiers entamés. Et si pouvez déposer dans les tiroirs de la Présidence deux dossiers de chantiers de construction de routes bien larges pour contourner Cotonou, alors les aveugles verront et les sourds entendront. Et ce peuple vous remerciera.  Comme votre prédécesseur l’avait fait en son temps en quittant le pouvoir, quelqu’un d’autre viendra réaliser  et inaugurer ces chemins d’espoir. Exactement ce que vous aviez eu à faire en ce qui concerne l’échangeur de Godomè.

En digne père de cette Nation, ne permettez jamais que la guerre s’installe dans les familles, que la Nation se déchire plus encore, à cause des élections qui s’échelonnent dans notre pays. Car les hommes passent, mais les peuples demeurent. Méditons alors  tous à nouveau cette pensée de St Exupéry : «  La terre ne nous appartient pas. Nous l’empruntons à nos enfants ».

Adélaïde FASSINOU ALLAGBADA, écrivain

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Publicité