Requisition de la Sodeco : Koukpaki et consorts doivent des explications au peuple

L’actualité socio-économique est depuis peu agitée par une vague de protestations et de revendications, lesquelles se rapportent à la décision de la Sodeco de réquisitionner (c’est bien de cela qu’il s’agit en effet), les usines de la Sodeco.

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A cette vague d’agitations se sont mêlées des revendications syndicales. A la base, une astuce des travailleurs de la Sodeco a pu leur faire se frayer un passage vers l’univers tumultueux du syndicalisme où malheureusement et de plus en plus, tout semble permis. Dans cet univers, même les plus illuminés d’hier deviennent les nécessiteux subitement commués en créanciers de l’assistance hypothétique des vétérans "crieurs publics". Ainsi, les travailleurs de la Sodeco regroupés désormais en syndicat d’infortune et ce, certainement sous l’inspiration de leurs mentors déchus des arcanes du pouvoir, croient avoir enfin trouvé remède à leur morbidité. La trame de la toile : la réquisition des usines Sodeco et ses corollaires.

Pour une compréhension simple, la réquisition peut être définie en droit administratif comme « un procédé permettant à l’Administration, moyennant indemnisation, de contraindre les particuliers à lui accorder leurs services, l’usage de meubles ou d’immeubles, la propriété de meubles, dans des hypothèses énumérées par les textes… ».

Deux conditions obligatoires sont donc à réunir pour la mise en œuvre de la réquisition. Il ressort en effet de la compréhension de cette définition tirée du lexique des termes juridiques qu’il faut obligatoirement, d’une part, que des textes de loi aient préalablement prévu les conditions de mise en œuvre de la réquisition, et que d’autre part, les personnes (physiques ou morales) victimes de cet acte contraignant soient indemnisées.

Ainsi définie, la réquisition renvoie à la question de sa prévision dans notre droit positif. Mais nous n’allons pas nous attarder sur cette préoccupation éminemment juridique qui intéresse moins le lecteur, au regard des développements liés à l’actualité relative à la principale activité économique qu’est l’égrenage et la commercialisation du coton. Ce qui focalise en effet l’attention des Béninoises et des Béninois par ces temps est, non seulement la question de la réquisition des usines de la Sodeco, mais beaucoup plus, celle de savoir comment la réquisition a été introduite dans la pratique et dans le milieu des affaires au Bénin, et surtout quelle en a été la base légale. Ce qui intéresse les Béninois, c’est de connaître les figures de proue à l’origine de cet acte contestable et aujourd’hui contesté à bon droit.

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Au commencement était la Marlan’s cotton industries

Bien évidemment, il ne sera utile à rien de chercher à démontrer le caractère contestable de la décision de réquisitionner les outils industriels de certains acteurs de la filière coton, tout simplement parce que notre armature juridique ne l’a prévu nulle part. Pourtant, cette pratique a cours au Bénin et ce, depuis précisément le 06 janvier 2012, soit un (01) an pratiquement après le premier mandat de Yayi Boni. La question fondamentale alors était semble t-il d’empêcher un opérateur économique, une unité de production c’est-à-dire la société Marlan’s Cotton Industries (MCI) à laquelle on associe le nom d’un certain Martin Rodriguez, un des premiers opérateurs économiques du Bénin, d’exercer en toute liberté ses activités commerciales.

A l’origine de la guéguerre, il fallait permettre à cet opérateur qui jusqu’alors a fait l’expérience d’un ostracisme radical, de rejoindre les rangs. Bien évidemment, cette décision n’émanait pas de la bienveillance ni de Boni Yayi, ni de son entourage. Les indiscrétions ont renseigné à l’époque que, le souverain de la zone d’implantation de l’unité de production, sensible aux cris de détresse de la jeunesse et de la main d’œuvre qui s’est réduite à la délinquance, a dû interpeler le chef de l’Etat pour juguler la situation. Cette décision n’étant pas du goût de l’entourage de Yayi, il fallait trouver un subterfuge pour faire croire au roi de Nikki que sa décision a été entendue et mise à exécution. La solution a été très vite trouvée : faire travailler la société tout en trouvant le moyen de vider son objet social de sa substance. Ainsi, la société Marlan’s Cotton Industries, devait participer à la campagne 2011-2012 sous le joug de la Sodeco alors dirigée par une figure bien connue de l’environnement sociopolitique du pays, Soumanou Moudjaïdou. Cette décision d’un caractère on ne peut plus arbitraire, jamais connu dans la filière coton, a été pourtant consacrée par un décret N° 2012-002 du 06 janvier 2012, portant réquisition de l’usine de la société MCI de Nikki et de son personnel au titre de la campagne d’égrenage 2011-2012. Ce fut la première fois que la réquisition a été introduite dans l’environnement des affaires en république du Bénin.

Le premier visa du décret susdit est révélateur d’une aberration grotesque. Il renvoie en effet à la loi N° 90-32 du 11 décembre 1990 portant constitution de République du Bénin. Ainsi, les auteurs de ce complot contre les opérateurs économiques ont-ils voulu en rechercher la légitimité à travers notre loi fondamentale. On ne peut qu’en être subjugué. Une seconde aberration, tout aussi incompréhensible, inadmissible que rédhibitoire est contenue dans l’article 2 dudit décret libellé ainsi qu’il suit : « La société pour le développement du coton Sodeco, exploitera pour le compte du Gouvernement du Bénin, l’usine MCI de Nikki durant la période de réquisition. A cet effet, elle y fera égrener une partie de son allocation de coton graine de la campagne 2001-2012 ». Si au mieux ’il ne s’agit pas en l’espèce d’une spoliation, il s’agit au pire d’un despotisme jamais observé même sous le régime révolutionnaire de Mathieu Kérékou et qui compromet dangereusement le libéralisme économique secrété par la conférence nationale.

Koupaki  Moudjaïdou à la barre !

Ce qui est davantage bouleversant dans cette décision qui n’est ni plus ni moins qu’un crime économique, ce sont les mains qui ont servi à sa préparation et son exécution. Il est important de relever qu’en tant que décret présidentiel, cet acte n’aura jamais été signé par le Président de la République Boni Yayi. En dehors des cinq autres ministres du gouvernement qui y auront prêté main forte, la figure de proue de la mise en œuvre de ce décret reste Pascal Irénée Koupaki. En effet, il l’aura signé, non seulement en sa qualité légitime de Premier Ministre chargé de la Coordination de l’Action Gouvernementale, de l’Evaluation des Politiques publiques, du programme de dénationalisation et du dialogue social, mais il l’aura également signé en lieu et place du Président de la République. La deuxième personnalité qui nous intéresse en raison de son statut professionnel et de son portefeuille au sein du gouvernement d’alors, s’agissant de cette décision léonine, est le Ministre de la Justice, en la personne de Maitre Akuavi Marie Elise Christiane Gbèdo. En ces moments où l’histoire le rattrape et où il sollicite le suffrage du peuple, de ces travailleurs et leurs familles qu’il a affamés par cette décision, Koupaki devra s’expliquer.

Ce dont les béninois se souviendront également est qu’en ces moments où les dirigeants sociaux et le personnel de MCI subissaient la hargne du Gouvernement avec au premier rang Pascal Irénée Koupaki, le déboire de ceux-ci n’était que justice pour Soumanou Moudjaïdou qui, alors Directeur général de la Sodeco, n’a éprouvé ni scrupule ni remords pour profiter effrontément de la situation. Que cherche t-il à démontrer au sujet de la réquisition des usines de la Sodeco derrière ses airs pleurnichards sous les caméras d’une chaîne de télévision il y a quelques semaines en arrière, oubliant qu’il a défendu avec verve et une assurance déconcertante, cette même décision très peu vertueuse, à l’occasion d’un débat contradictoire sur Golf TV à un moment où il était encore tout puissant ? Sans doute a-t-il oublié qu’en se rangeant du côté des personnes qui déshabillent Paul pour habiller Pierre, il se mettait dangereusement dans une posture de transgresseur de l’un des préceptes capitaux de l’Islam qui interdit sans détour de profiter injustement de l’indigent et d’abuser de l’homme qui est sans défense. Ce faisant, aussi bien lui-même que tous ceux qui profitaient des bonnes grâces du pouvoir, ont perdu de vue que les plus forts ne sont jamais assez forts pour être toujours les plus forts. Cette leçon vaut un enseignement non seulement pour Soumanou Moudjaïdou qui ne fait que payer son incurie, son intolérance et son aveuglement dû à la détention d’une parcelle du pouvoir, mais elle le vaut également pour tous ces cadres tels que Koupaki, qui se sont crétinisés pour les mêmes motifs.

Ainsi, aussi bien les dirigeants sociaux que le personnel de MCI, muselés, avec la passivité coupable d’une certaine presse, de la société civile et des syndicats de tous ordres dont on peine à comprendre l’agitation de ces derniers jours aux côtés des employés de la Sodeco, ont dû se saigner à blanc pour satisfaire les appétits nauséeux et gloutons, et du pouvoir, et de ses cadres vassaux.

A voir de plus près, Yayi n’a rien à voir dans le malheur des employés de la Sodeco et les personnes comme Moudjaidou devraient savoir raison garder. Aussi, le personnel de la Sodeco devrait-il savoir qu’à un moment donné, les géniteurs de son unité de production lui ont fait jouir injustement des fruits des efforts de personnes misérables et sans défense, dont le sang et la sueur continuent de crier justice. C’est ainsi que se manifeste non pas la justice des hommes, mais celle de Dieu.

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